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et de la Recherche

Édité par le MESR, le Bulletin officiel de l'enseignement supérieur et de la recherche publie des actes administratifs : décrets, arrêtés, notes de service, circulaires, avis de vacance de postes, etc. La mise en place de mesures ministérielles et les opérations annuelles de gestion font l'objet de textes réglementaires publiés dans des BO spéciaux.
Publication hebdomadaire (ISSN : 2110-6061)

Cneser

Sanctions disciplinaires

nor : ESRH2411770S

Décisions du 24-4-2024

MESR - Cneser

Monsieur XXX

N° 1433

Frédérique Roux

Rapporteure

Marcel Sousse

Secrétaire de séance

Séance publique du 28 mars 2024

Décision du 24 avril 2024

Vu la procédure suivante :

Le président de Sorbonne Université a engagé le 20 avril 2017 contre Monsieur XXX, maître de conférences, des poursuites disciplinaires devant la section disciplinaire du conseil académique de son établissement pour les faits de manquement à son devoir de secret et de discrétion professionnels tels que définis par l’article 26 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et pour des faits de présomption de harcèlement sexuel à l’encontre d’étudiantes ;

Par une décision du 19 décembre 2017, la section disciplinaire du conseil académique de Sorbonne Université a infligé à Monsieur XXX la sanction de blâme ;

Par un appel formé le 7 mars 2018, complété par un mémoire enregistré le 23 novembre 2018 au greffe du Cneser statuant en matière disciplinaire, le président de Sorbonne Université a demandé au Cneser statuant en matière disciplinaire :

1/ d’annuler cette décision ;

2/ de prononcer à l’encontre de Monsieur XXX la sanction de révocation ou au moins une sanction relevant au minimum du 5e échelon des sanctions ;

Par une décision du 8 juillet 2021, le Cneser statuant en matière disciplinaire a rejeté la demande du président de Sorbonne Université et confirmé la sanction du blâme initialement prononcée par la section disciplinaire du conseil académique de Sorbonne Université ;

Par une décision du 10 mars 2023, le Conseil d’État, saisi d’un pourvoi en cassation formé par le président de Sorbonne Université, a annulé la décision du 8 juillet 2021 du Cneser statuant en matière disciplinaire et a renvoyé l’affaire devant cette juridiction pour qu’elle soit à nouveau jugée ;

Le président de Sorbonne Université n’a pas produit de mémoire pour confirmer sa demande ;

Par un mémoire en défense daté du 25 janvier 2024, Monsieur XXX soutient que le Cneser statuant en matière disciplinaire n’est plus compétent pour juger un enseignant-chercheur à la retraite depuis le 1er septembre 2023 ; que l’appel formé le 17 mars 2018 par le président de Sorbonne Université est irrecevable ; que la décision du Conseil d’État du 10 mars 2023 méconnaît le principe du contradictoire ;

La commission d’instruction s’est tenue le 1er février 2024 ;

Par lettres recommandées du 26 février 2024, Monsieur XXX et son conseil, Maître Adoté Blivi ainsi que le président de Sorbonne Université ont été régulièrement convoqués à l’audience du 28 mars 2024 ;

Le rapport d’instruction daté du 16 février 2024 rédigé par Frédérique Roux a été communiqué aux parties par courrier recommandé en même temps que la convocation à comparaître devant la formation de jugement ;

Monsieur XXX étant présent ;

Le président de Sorbonne Université étant absent ;

Vu l’ensemble des pièces du dossier ;

Vu le Code de l’éducation, notamment ses articles L. 232-2 à L. 232-7, L. 952-8, R. 232-23 à R. 232-48 ;

Après avoir entendu en séance publique le rapport de Frédérique Roux, rapporteure ;

La parole ayant été donnée aux parties, Monsieur XXX ayant eu la parole en dernier ;

La formation de jugement du Cneser statuant en matière disciplinaire ayant délibéré à huis clos sans que Frédérique Roux, rapporteure, n’intervienne ni n’ait voix délibérative ;

 

Considérant ce qui suit :

  1. Par un appel formé le 7 mars 2018, le président de Sorbonne Université a demandé au Cneser statuant en matière disciplinaire, d’une part, d’annuler la décision du 19 décembre 2017 par laquelle la section disciplinaire du conseil académique de Sorbonne Université a infligé un blâme à Monsieur XXX, d’autre part, de prononcer à l’encontre de ce dernier la sanction de la révocation ou au moins une sanction relevant au minimum du 5e échelon des sanctions. Il soutenait que tant les faits de harcèlement sexuels reprochés à Monsieur XXX que les faits de manquement à son devoir de réserve et de discrétion professionnelle étaient constitués et que la sanction du blâme était manifestement disproportionnée. Par une décision du 8 juillet 2021, le Cneser statuant en matière disciplinaire a rejeté l’appel du président de Sorbonne Université et confirmé la sanction du blâme initialement prononcée par la section disciplinaire du conseil académique de Sorbonne Université. Par une décision du 10 mars 2023, le Conseil d’État, saisi d’un pourvoi en cassation formé par le président de Sorbonne Université, a annulé la décision du 8 juillet 2021 du Cneser statuant en matière disciplinaire pour avoir jugé que les faits reprochés à Monsieur XXX n’étaient pas constitutifs de harcèlement sexuel et avoir ainsi inexactement qualifié les faits. Il a ensuite renvoyé l’affaire devant le même Cneser statuant en matière disciplinaire afin qu’elle soit à nouveau jugée ;
  2. Il est constant que Monsieur XXX a été admis, à compter du 1er septembre 2023, à faire valoir ses droits à pension de retraite et a été, en conséquence, radié des cadres par un arrêté de la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche du 2 février 2023. Or, en l’absence de dispositions légales le permettant, le Cneser statuant en matière disciplinaire n’est plus susceptible de prononcer de sanction à l’encontre d’un enseignant-chercheur ayant été radié des cadres et admis à la retraite ;
  3. Dès lors, l’appel du président de Sorbonne Université le 7 mars 2018, qui visait à aggraver la sanction prononcée le 19 décembre 2017 par la section disciplinaire de Sorbonne Université à l’encontre de Monsieur XXX, est devenu sans objet ;

 

Décide

 

Article 1 – Il n’y a pas lieu de statuer sur l’appel formé le 7 mars 2018 par le président de Sorbonne Université contre la décision du 19 décembre 2017 par laquelle la section disciplinaire du conseil académique de Sorbonne Université a prononcé la sanction du blâme à l’encontre de Monsieur XXX.

 

Article 2 – Dans les conditions fixées aux articles R. 232-41 et R. 232-42 du Code de l’éducation susvisé, la présente décision sera notifiée à Monsieur XXX, au président de Sorbonne Université, à la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et publiée, sous forme anonyme, au Bulletin officiel de l’enseignement supérieur et de la recherche ; copie sera adressée, en outre, au recteur de l’académie de Paris.

 

Délibéré à l’issue de la séance du 28 mars 2024, où siégeaient Christophe Devys, président de section au Conseil d’État, président du Cneser statuant en matière disciplinaire, Marcel Sousse, Véronique Benzaken, Marguerite Zani, Jean-Luc Hanus, Julie Dalaison, Nicolas Guillet, Véronique Reynier, Fabrice Guilbaud, membres de la juridiction disciplinaire.

 

Fait à Paris le 24 avril 2024,

 

Le président,
Christophe Devys

 

Le secrétaire, la vice-présidente étant empêchée,
Marcel Sousse

 

Le greffier en chef,
Éric Mourou

 

 

Monsieur XXX

N° 1437

Véronique Benzaken

Rapporteure

Séance publique du 21 mars 2024

Décision du 24 avril 2024

Vu la procédure suivante :

Le président de l’université de Tours a engagé le 17 juillet 2017 contre Monsieur XXX, professeur des universités, des poursuites disciplinaires devant la section disciplinaire du conseil académique de son établissement ;

Par une décision du 30 mars 2018, la section disciplinaire du conseil académique de l’université de Tours a sanctionné Monsieur XXX d’une interdiction d’exercer toutes fonctions d’enseignement à l’université de Tours pour une durée d’un an, assortie de la privation de la moitié du traitement ;

Par un appel formé le 15 juin 2018, Monsieur XXX a demandé au Cneser statuant en matière disciplinaire :

1/ d’annuler cette décision ;

2/ de rejeter les poursuites engagées à son encontre.

Par une décision du 13 octobre 2021, le Cneser statuant en matière disciplinaire a annulé la décision de première instance et infligé à Monsieur XXX la sanction du blâme ;

Par une décision du 22 août 2023, le Conseil d’État, saisi d’un pourvoi formé par l’université de Tours, a annulé la décision du 13 octobre 2021 du Cneser statuant en matière disciplinaire et renvoyé l’affaire devant cette juridiction afin d’être à nouveau jugée ;

Par un mémoire daté du 22 janvier 2023, complété par un second mémoire enregistré le 15 mars 2024, Monsieur XXX, représenté par Maître Hubert Veauvy, réitère ses conclusions initiales et demande au Cneser statuant en matière disciplinaire :

1/ d’annuler la décision du 30 mars 2018 de la section disciplinaire du conseil académique de l’université de Tours ;

2/ de rejeter les poursuites engagées à son encontre ;

3/ de prononcer la relaxe pure et simple des faits qui lui sont reprochés.

Monsieur XXX conteste l’intégralité des faits qui lui sont reprochés. Il soutient que les plaignantes et l’université de Tours ont été incapables de justifier la réalité des faits rapportés, faute de disposer d’un témoignage direct ou de tout autre élément probant ; que le courriel de Madame YYY, responsable administrative à Polytech Tours, qui a été à la source de la procédure disciplinaire engagée à son encontre, est entaché de partialité ; qu’aucune des plaignantes n’a été convoquée par la formation de jugement de la section disciplinaire de l’université de Tours ; qu’aucune des plaignantes, pas plus que l’université de Tours, n’a déposé de plainte auprès des autorités judiciaires ; que l’université de Tours n’a diligenté aucune enquête administrative ; qu’il s’en déduit que l’instruction de ce dossier a manifestement été menée à charge contre lui ; que les déclarations de Mesdames AAA, BBB, CCC et DDD manquent de vraisemblance, sont peu crédibles, peu précises et parfois incohérentes ; que si, selon l’université de Tours, les faits qui lui sont reprochés ont eu pour effet de jeter le discrédit et la déconsidération sur le service, il convient de relever que l’ancien président de l’université est lui-même visé par une plainte pour harcèlement sexuel, ayant conduit à son placement en garde à vue et qu’il a été condamné pour harcèlement moral ; que l’ensemble du dossier révèle une volonté de lui nuire ;

Par un premier mémoire en défense enregistré le 24 janvier 2024, puis un deuxième mémoire en défense enregistré le 27 février 2024, et enfin un troisième mémoire en défense enregistré le 20 mars 2024, l’université de Tours demande au Cneser statuant en matière disciplinaire le rejet de la demande d’annulation formulée contre le jugement de la section disciplinaire du conseil académique de l’université de Tours rendu à l’encontre de Monsieur XXX ;

L’université de Tours soutient que Monsieur XXX a bien adopté un comportement fautif jetant le discrédit et la déconsidération sur le service ; que ce comportement est constitutif d’un manquement aux obligations déontologiques de dignité et d’exemplarité ; que cette qualification ressort principalement des témoignages de Mesdames AAA, BBB, CCC et DDD ; que cette faute étant constituée et sa gravité importante, la sanction retenue par la section disciplinaire de l’université de Tours apparaît proportionnée ; que trois des quatre étudiantes ont pu être entendues par la section disciplinaire ; que les différents témoignages sont concordants et mettent en évidence un comportement à chaque fois similaire : entretien dans le bureau de Monsieur XXX, compliments sur le physique, attouchements ;

La commission d’instruction s’est tenue le 25 janvier 2024 ;

Par lettres recommandées du 21 février 2024, Monsieur XXX et son conseil, Maître Hubert Veauvy, le président de l’université de Tours, parties au procès disciplinaire, ainsi que Mesdames CCC, AAA, DDD et Messieurs EEE et FFF, témoins, ont été régulièrement convoqués à l’audience du 21 mars 2024 ;

Le rapport d’instruction daté du 16 février 2024 rédigé par Véronique Benzaken a été communiqué aux parties par courrier recommandé en même temps que la convocation à comparaître devant la formation de jugement ;

Monsieur XXX, assisté de son conseil, Maître Mathilde Gault-Ozimek, étant présents ;

Le président de l’université de Tours étant représenté par Monsieur Yoan Sanchez, chargé des affaires juridiques ;

Madame CCC, témoin, étant absente ;

Madame AAA, témoin, ayant informé de son absence avant l’audience ;

Madame DDD, témoin, étant absente mais ayant adressé un témoignage écrit communiqué contradictoirement aux parties ;

Monsieur EEE, témoin, étant présent ;

Monsieur FFF, témoin, étant présent ;

Vu l’ensemble des pièces du dossier ;

Vu le Code de l’éducation, notamment ses articles L. 232-2 à L. 232-7, L. 952-8, R. 232-23 à R. 232-48 ;

Après avoir entendu en séance publique le rapport de Véronique Benzaken, rapporteure ;

La parole ayant été donnée aux parties et aux témoins présents, Monsieur XXX ayant eu la parole en dernier ;

La formation de jugement du Cneser statuant en matière disciplinaire ayant délibéré à huis clos sans que Véronique Benzaken, rapporteure, n’intervienne ni n’ait voix délibérative ;

 

Considérant ce qui suit :

  1. Par une décision du 30 mars 2018, la section disciplinaire de l’université de Tours a infligé à Monsieur XXX, professeur des universités, la sanction de l’interdiction d’exercer toutes fonctions d’enseignement dans cet établissement pour une durée d’un an assortie de la privation de la moitié de son traitement. Par une décision du 13 octobre 2021, le Cneser statuant en formation disciplinaire a, sur appel de Monsieur XXX, annulé la décision de la section disciplinaire de l’université de Tours et infligé à Monsieur XXX la sanction du blâme. Enfin, par une décision du 22 août 2023, le Conseil d’État, saisi en cassation par un pourvoi de l’université de Tours, a considéré qu’en statuant ainsi, sans préciser ni les faits qu’il estimait établis, ni leur qualification au regard des obligations déontologiques des enseignants-chercheurs, le Cneser statuant en formation disciplinaire n’avait pas mis le Conseil d’État à même d’exercer le contrôle qui incombe au juge de cassation et avait ainsi insuffisamment motivé sa décision. Le Conseil d’État a donc annulé la décision du 13 octobre 2021 du Cneser statuant en formation disciplinaire et renvoyé l’affaire devant cette même juridiction ;
  2. Il ressort des pièces du dossier qu’à la suite de signalements émanant de quatre étudiantes de Polytech Tours au printemps 2017, il a été reproché à Monsieur XXX un comportement déplacé et de s’être livré à des attouchements non consentis, à la suite de quoi Monsieur XXX s’est vu notifier une décision de suspension de ses fonctions à compter du 10 juillet 2017 ;
  3. Il est constant que chacune de ces plaignantes a eu un ou plusieurs entretiens avec Monsieur XXX dans le bureau de ce dernier, afin de parler de leurs contrôles de mathématiques. Madame CCC reproche à Monsieur XXX de lui avoir tenu la main, lors d’un premier entretien en janvier 2016, et de lui avoir dit « tu as de beaux yeux, pourquoi portes-tu le voile ? », puis, lors d’un autre entretien, d’avoir essayé de l’embrasser. Madame BBB soutient, quant à elle, que lors d’un entretien en avril 2017 Monsieur XXX lui aurait caressé les cheveux et lui aurait dit « tu es belle, tu as de beaux cheveux, pourquoi mettais-tu le voile ? », puis il lui aurait tenu la main et aurait essayé de l’embrasser. Madame AAA évoque un entretien lors duquel Monsieur XXX aurait fermé la porte de son bureau et aurait revu avec elle un contrôle de mathématiques en lui tenant la main. Enfin, Madame DDD soutient qu’en mars 2016 Monsieur XXX aurait verrouillé la porte de son bureau puis lui aurait expliqué un problème de mathématiques en lui tenant la main et qu’à l’occasion d’un autre entretien dans son bureau Monsieur XXX l’aurait embrassée sur le front. Monsieur XXX nie la réalité de chacun de ces faits et relève, en particulier, dans les divers témoignages, des incohérences de date et des impossibilités matérielles, en soulignant notamment que son bureau ne fermait pas à clef. En revanche, il est établi que Monsieur XXX a pu faire preuve de comportements familiers à l’égard de ses étudiantes, comme en témoigne un mail du 2 avril 2017 adressé à Madame CCC qui s’achève par « Porte toi bien et à bientôt. Bises » ;
  4. Si ces témoignages sont concordants, ils sont systématiquement contestés par Monsieur XXX et il ne peut être exclu que, comme le soutient le requérant, ils aient été écrits de façon concertée, au moins pour certains d’entre eux, dans l’objectif de le mettre en difficulté. Par ailleurs, d’une part, aucune plainte n’a été déposée, Madame CCC n’a répondu à aucune convocation et aucune des plaignantes n’était présente lors de la séance du 21 mars 2024, Madame DDD ayant néanmoins adressé un nouveau témoignage écrit, d’autre part, plusieurs collègues de Monsieur XXX font état d’un enseignant très disponible pour ses étudiants, qu’il recevait beaucoup, filles et garçons indifféremment, dans son bureau, la porte étant généralement ouverte, enfin, aucune enquête administrative n’a été diligentée. Dans ces conditions, l’existence de faits susceptibles d’être qualifiés de harcèlement sexuel ne peut être tenue pour établie ;
  5. En revanche, le comportement de Monsieur XXX était, sans conteste, inadapté, familier, paternaliste et envahissant. Ce comportement apparaît ainsi contraire aux obligations déontologiques de dignité et d’exemplarité ;
  6. Il résulte de ce qui précède que Monsieur XXX est fondé à soutenir qu’au regard de cette qualification des faits, la sanction d’une interdiction d’exercer durant un an apparaît disproportionnée et à en demander, par conséquence, l’annulation. Il sera fait, en revanche, une juste appréciation des faits en prononçant à son encontre la sanction du blâme ;

 

Décide

 

Article 1 – La décision rendue le 30 mars 2018 par la section disciplinaire du conseil académique de l’université de Tours est annulée.

 

Article 2 – Il est infligé à Monsieur XXX la sanction du blâme.

 

Article 3 – Dans les conditions fixées aux articles R. 232-41 et R. 232-42 du Code de l’éducation susvisé, la présente décision sera notifiée à Monsieur XXX, au président de l’université de Tours, à la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et publiée, sous forme anonyme, au Bulletin officiel de l’enseignement supérieur et de la recherche ; copie sera adressée, en outre, à la rectrice de l’académie d’Orléans-Tours.

 

Délibéré à l’issue de la séance du 21 mars 2024, où siégeaient Christophe Devys, président de section au Conseil d’État, président du Cneser statuant en matière disciplinaire, Frédérique Roux, Marcel Sousse, Lilian Aveneau, membres de la juridiction disciplinaire.

 

Fait à Paris le 24 avril 2024,

 

Le président,
Christophe Devys

 

La vice-présidente,
Frédérique Roux

 

Le greffier en chef,
Éric Mourou

 

 

Monsieur XXX

N° 1591

Frédérique Roux

Rapporteure

Marcel Sousse

Secrétaire de séance

Séance publique du 21 mars 2024

Décision du 24 avril 2024

Vu la procédure suivante :

Le président de l’université de Lille a engagé le 5 mars 2019 contre Monsieur XXX, professeur des universités, des poursuites disciplinaires devant la section disciplinaire du conseil académique de son établissement ;

Par une décision du 30 septembre 2019, la section disciplinaire du conseil académique de l’université de Lille a sanctionné Monsieur XXX d’une interdiction d’exercer toute activité d’enseignement à l’université de Lille pour une durée de six mois, assortie de la privation de la moitié du traitement ;

Par un appel sommaire du 18 novembre 2019, un mémoire complémentaire daté du 15 janvier 2020, des « précisions » du 18 mars 2024, des observations en réplique datées du 4 juillet 2023, des « observations n°2 » réceptionnées le 19 mars 2024 et la production de pièces et divers témoignages, Monsieur XXX, représenté par Maître André Icard, demande au Cneser statuant en matière disciplinaire :

1/ d’annuler cette décision ;

2/ de mettre à la charge de l’université de Lille la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative.

Monsieur XXX soutient, en premier lieu, que la décision du 30 septembre 2019 de la section disciplinaire de l’université de Lille est irrégulière en ce qu’elle méconnaît le droit à la présomption d’innocence et en ce que l’université de Lille, ayant eu connaissance d’anomalies concernant les inscriptions des étudiants aux formations délocalisées dès décembre 2013, a commis une erreur de droit en le poursuivant pour ces faits en 2019 ; que les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis ; que, contrairement en effet à ce qu’affirme l’université de Lille, il a toujours transmis les projets de convention accompagnés des annexes financières au directeur des relations internationales de l’université, qui ne lui a jamais répondu ; qu’il n’a jamais mis en place des programmes avant l’approbation des instances de l’université ; qu’il n’a pas admis d’étudiants dans les formations délocalisées sans inscription préalable à l’université de Lille ; qu’en l’absence de réglementation le paiement direct de l’enseignant par le prestataire était, au moment des faits, la règle ; qu’il n’était pas à l’origine de la mise en œuvre de cette modalité de rémunération ; que rien ne permet d’affirmer qu’il ait bénéficié d’intérêts financiers personnels ; que la sanction est disproportionnée au regard de ses états de service exemplaires ;

Par un mémoire en défense daté du 29 mars 2023, puis des observations complémentaires datées du 30 juin 2023, l’université de Lille conclut à titre principal à l’irrecevabilité du recours en appel formé par Monsieur XXX et, à titre subsidiaire, à ce que Monsieur XXX soit reconnu coupable des faits qui lui sont reprochés, que soit confirmée la sanction prononcée en première instance et que les conclusions tendant à la condamnation de l’université de Lille au paiement des frais irrépétibles soient déclarées irrecevables ;

L’université de Lille soutient que le recours en appel de Monsieur XXX est tardif et donc irrecevable ; que le président de l’université de Lille n’a eu une connaissance effective de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits passibles de sanction qu’au plus tôt le 13 juillet 2016 ; que ces faits n’étaient donc pas prescrits au moment où la procédure disciplinaire a été engagée ; qu’en qualité de directeur des relations internationales de l’Institut d’administration des entreprises (IAE), Monsieur XXX avait la responsabilité effective des relations internationales au sein de l’IAE ; qu’il a bien joué un rôle actif dans la mise en œuvre des conventions délocalisées litigieuses ; que les dysfonctionnements organisationnels retracés dans l’audit sont la conséquence de ses initiatives et sont contraires à la déontologie universitaire ; que Monsieur XXX a joué un rôle central dans le système de paiement direct des enseignants par le prestataire ; que cette modalité de rémunération est irrégulière, justifie des sanctions disciplinaires, relève de la gestion de fait, et justifierait de plusieurs qualifications pénales, comme les délits de prise illégale d’intérêt, de concussion et de détournement de biens publics ;

Par une décision rendue le 12 juillet 2023, le président du Cneser statuant en matière disciplinaire a ordonné la réouverture de l’instruction ;

La commission d’instruction s’est tenue le 25 janvier 2024 ;

Par lettres recommandées du 21 février 2024, Monsieur XXX et son conseil, Maître André Icard, le président de l’université de Lille et son conseil, Maître Cindy Malolepsy, parties au procès disciplinaire, ainsi que Messieurs AAA et BBB, témoins, ont été régulièrement convoqués à l’audience du 21 mars 2024 ;

Le rapport d’instruction daté du 15 février 2024, rédigé par Frédérique Roux, a été communiqué aux parties par courrier recommandé, en même temps que la convocation à comparaître devant la formation de jugement ;

Monsieur XXX, assisté de son conseil, Maître André Icard, étant présents ;

Le président de l’université de Lille étant représenté par Maître Cindy Malolepsy ;

Monsieur AAA, témoin, ayant écrit pour informer de son absence ;

Monsieur BBB, témoin, ayant écrit pour informer de son absence ;

Vu l’ensemble des pièces du dossier ;

Vu le Code de l’éducation, notamment ses articles L. 232-2 à L. 232-7, L. 952-8, R. 232-23 à R. 232-48 ;

Après avoir entendu en séance publique le rapport de Frédérique Roux, rapporteure ;

La parole ayant été donnée aux parties, Monsieur XXX ayant eu la parole en dernier ;

La formation de jugement du Cneser statuant en matière disciplinaire ayant délibéré à huis clos sans que Frédérique Roux, rapporteure, n’intervienne ni n’ait voix délibérative ;

 

Considérant ce qui suit :

Sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité de l’appel formé par Monsieur XXX ;

Sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision du 30 septembre 2019 de la section disciplinaire du conseil académique de l’université de Lille :

1. Monsieur XXX a exercé, d’avril 2012 à décembre 2016, les fonctions de directeur adjoint, chargé des relations internationales, de l’Institut d’administration des entreprises (IAE) de l’université de Lille. Sur la base des résultats d’un audit sur le fonctionnement des relations internationales de l’IAE remis au président de l’université de Lille le 31 mars 2017, ce dernier a engagé une procédure disciplinaire à l’encontre de Monsieur XXX, lui reprochant :

a) d’avoir mis en place des formations délocalisées, sans validation des organes décisionnels de l’université et d’avoir, dans ce cadre, admis des étudiants dans lesdites formations sans inscription administrative à l’université ;

b) d’avoir organisé et développé irrégulièrement un système de paiement direct, de doubles rémunérations et de remboursement des frais et émoluments des responsables et des enseignants de l’IAE dispensant des enseignements à l’étranger ;

c) d’avoir, dans les opérations considérées, eu des intérêts financiers personnels ;

2. Par décision du 30 septembre 2019, la section disciplinaire de l’université de Lille a prononcé à son encontre une sanction d’interdiction d’exercer toute activité d’enseignement à l’université de Lille pour une durée de six mois avec privation de la moitié de son traitement ;

3. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport de l’audit diligenté par l’université de Lille relatif aux échanges internationaux de l’IAE de mars 2017, ainsi que des extraits du rapport de la cour des comptes intitulé « Contrôle des comptes et de la gestion de l’université de Lille » (extraits portant sur « 4 – Les dysfonctionnements constatés à l’IAE » et communiqués par l’université de Lille le 5 mars 2024), le constat de nombreux dysfonctionnements quant à la gestion des formations délocalisées à cet IAE : certaines des conventions délocalisées ont commencé à être mises en œuvre avant leur approbation par le conseil d’administration de l’université, puis leur régularisation par signature du président ; Monsieur XXX a signé lui-même un avenant à la convention passée entre l’université de Lille et l’université privée de Marrakech, alors qu’il n’avait aucune compétence pour le faire ; contrairement à ce qu’il soutient, Monsieur XXX n’a pas seulement continué à faire perdurer un système existant, mais l’a amplifié ; certaines formations ont été réalisées sans convention, posant ainsi la question de la position administrative des enseignants lors de leur séjour à l’étranger ; de façon générale, les enseignants ne demandaient pas d’autorisation de cumul d’activités et déposaient très peu d’ordres de mission ; plusieurs formations délocalisées ont été approuvées par le conseil d’administration sans annexe financière ; la gestion des formations délocalisées était marquée par une absence de procédure et de contrôle et par un dysfonctionnement de la chaîne décisionnelle ; l’IAE a mis en place un système de rémunération directe des enseignants intervenants par les contractants étrangers et, Monsieur XXX a parfois, de lui-même, mis en œuvre des conditions de rémunération plus favorables que celles prévues par la convention officielle, qui prévoyait une rémunération au taux horaire en vigueur à l’université de Lille ;

4. Aux termes de l’article L. 532-2 du Code de la fonction publique : « Aucune procédure disciplinaire ne peut être engagée au-delà d’un délai de trois ans à compter du jour où l’administration a eu une connaissance effective de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits passibles de sanction ». Le directeur du pôle juridique de l’université de Lille, faisant suite à une demande émanant d’une organisation syndicale, a adressé le 13 juillet 2016 au président une note d’analyse aux termes de laquelle il regardait les faits constatés à l’IAE comme constitutifs d’une faute disciplinaire. C’est à cette date que le président de l’université doit être regardé comme ayant eu une connaissance effective des faits et c’est donc sans méconnaître les dispositions de l’article L. 532-2 du Code de la fonction publique qu’il a pu engager une procédure disciplinaire à l’encontre de Monsieur XXX le 5 mars 2019 ;

5. Si l’énoncé des faits, tel que développé au point 3, fait apparaître un dysfonctionnement général dans l’organisation des relations internationales au sein de l’IAE, un manque de contrôle de l’université de Lille et, en particulier, de son service de relations internationales et du vice-président chargé des relations internationales, il en ressort néanmoins une forte implication de Monsieur XXX, qui a certes hérité d’un système défaillant mais l’a développé avec un certain volontarisme, en méconnaissant de manière répétée la réglementation en vigueur. Monsieur XXX ne peut s’exonérer de ses responsabilités en se présentant comme un exécutant et en invoquant la responsabilité de la présidence de l’université. Il ne peut pas plus s’exonérer de cette responsabilité en invoquant son manque de compétences, dès lors, par exemple, que les règles de validation des conventions, l’obligation de demander des autorisations de cumul ou encore la nécessité de disposer d’ordres de mission lors de tels déplacements à l’étranger sont largement connues et doivent l’être par un professeur d’université acceptant des fonctions de directeur adjoint, chargé des relations internationales. Si la procédure de paiement direct des enseignants intervenant dans ces formations par l’établissement étranger contractant, quoique irrégulière, a été largement utilisée par de nombreuses universités et a pu même être recommandée par « Campus France », il est constant que Monsieur XXX en a fait une application personnelle, en négociant directement les modalités de rémunération des enseignants avec l’établissement étranger contractant, au-delà des montants prévus par les conventions, et en prévoyant une rémunération pour les coordinateurs également non prévue ;

6. Si l’université de Lille est partiellement responsable des dysfonctionnements constatés dans l’organisation des formations délocalisées par l’IAE, les nombreuses irrégularités ainsi commises par Monsieur XXX, en sa qualité de directeur adjoint chargé des relations internationales, sont contraires à la déontologie universitaire, ont porté atteinte à l’image du service public de l’enseignement supérieur et sont constitutives d’une faute disciplinaire. L’appréciation des faits à laquelle s’est livrée la section disciplinaire de l’université de Lille pour prononcer, à l’encontre de Monsieur XXX, une interdiction d’exercer toute activité d’enseignement à l’université de Lille pour une durée de six mois avec privation de la moitié du traitement, n’apparaît pas erronée.

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative :

7. Les dispositions de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à la charge de l’université de Lille, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

 

Décide

 

Article 1 – La décision rendue le 30 septembre 2019 par la section disciplinaire du conseil académique de l’université de Lille, prononçant à l’encontre de Monsieur XXX une interdiction d’exercer toute activité d’enseignement à l’université de Lille pour une durée de six mois, assortie de la privation de la moitié du traitement, est confirmée.

 

Article 2 – Les conclusions présentées par Monsieur XXX au titre de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative sont rejetées.

 

Article 3 – Dans les conditions fixées aux articles R. 232-41 et R. 232-42 du Code de l’éducation susvisé, la présente décision sera notifiée à Monsieur XXX, au président de l’université de Lille, à la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et publiée, sous forme anonyme, au Bulletin officiel de l’enseignement supérieur et de la recherche ; copie sera adressée, en outre, à la rectrice de l’académie de Lille.

 

Délibéré à l’issue de la séance du 21 mars 2024, où siégeaient Christophe Devys, président de section au Conseil d’État, président du Cneser statuant en matière disciplinaire, Marcel Sousse, Lilian Aveneau, Marguerite Zani, membres de la juridiction disciplinaire.

 

Fait à Paris le 24 avril 2024,

 

Le président,
Christophe Devys

 

Le secrétaire, la vice-présidente étant empêchée,
Marcel Sousse

 

Le greffier en chef,
Éric Mourou

 

 

Monsieur XXX

N° 1794

Décision du 24 avril 2024

Vu la procédure suivante :

Le président de l’université de Lorraine a engagé le 8 septembre 2023 contre Monsieur XXX, professeur des universités, des poursuites disciplinaires devant la section disciplinaire du conseil d’administration de son établissement ;

Par une décision du 5 décembre 2023, la section disciplinaire de l’université de Lorraine a infligé à Monsieur XXX la sanction du blâme, décision immédiatement exécutoire nonobstant appel ;

Par requête du 27 janvier 2024 enregistrée au greffe du Cneser statuant en matière disciplinaire le 13 février 2024, Monsieur XXX fait appel devant le Cneser statuant en matière disciplinaire de la décision du 5 décembre 2023 de la section disciplinaire du conseil d’administration de l’université de Lorraine ;

Par une autre requête du 27 janvier 2024, enregistrée au greffe du Cneser statuant en matière disciplinaire le 13 février 2024, Monsieur XXX demande au Cneser statuant en matière disciplinaire de suspendre l’exécution de la décision du 5 décembre 2023 de la section disciplinaire du conseil d’administration de l’université de Lorraine ;

Monsieur XXX indique dans cette seconde requête : « par la présente, j’ai l’honneur de présenter une demande de sursis à exécution du jugement rendu à mon encontre le 5 décembre 2023, motivée par l’appel devant le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche que je vous ai adressé joint à cette demande » ;

Monsieur XXX a été invité le 29 février 2024 par le greffe du Cneser statuant en matière disciplinaire à régulariser sa requête en sursis à exécution en motivant cette dernière, en application des dispositions de l’article R. 232-34 du Code de l’éducation ;

Monsieur XXX n’a pas répondu à cette invitation à motiver sa demande de sursis à exécution ;

Vu l’ensemble des pièces du dossier ;

Vu le Code de l’éducation, notamment ses articles L. 232-2, R. 232-33, R. 232-34 et R. 232-35 ;

 

Considérant ce qui suit :

  • Aux termes de l’article R. 232-35 du Code de l’éducation, « Le président peut donner acte des désistements, rejeter les requêtes ne relevant manifestement pas de la compétence du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire ou entachées d’une irrecevabilité manifeste et constater qu’il n’y a pas lieu à statuer » ;
  • Aux termes de l’article R. 232-34 du Code de l’éducation, « La demande de sursis à exécution est, à peine d’irrecevabilité, présentée par requête distincte jointe à l’appel. La demande de sursis à exécution doit contenir l’exposé des faits et moyens » ;
  • La demande de sursis à exécution présentée par Monsieur XXX, qui ne contient aucun exposé des faits et moyens qui la fondent, mais se limite à faire référence à l’appel qu’il a formé, est ainsi manifestement irrecevable ;

 

Décide

 

Article 1 – La demande de sursis à exécution sollicitée par Monsieur XXX est rejetée.

 

Article 2 – Dans les conditions fixées aux articles R. 232-41 et R. 232-42 du Code de l’éducation susvisé, la présente décision sera notifiée à Monsieur XXX, au président de l’université de Lorraine, à la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et publiée, sous forme anonyme, au Bulletin officiel de l’enseignement supérieur et de la recherche ; copie sera adressée, en outre, au recteur de l’académie de Nancy-Metz.

 

Fait à Paris le 24 avril 2024,

 

Le président,
Christophe Devys

 

Le greffier en chef,
Éric Mourou

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