Publié le 29.06.2023

Recherche spatiale

Astéroïdes : sensibilisation aux risques et découvertes scientifiques

Les astéroïdes sont des petits corps célestes surveillés de près par les scientifiques. S'ils sont perçus comme une menace pour notre planète, ils sont aussi une source riche et fascinante d'explications scientifiques, notamment la compréhension des origines du Système solaire. On fait le point sur la recherche sur les astéroïdes en France.

Brigitte Zanda : Un astéroïde c'est un petit corps qui circule dans le système solaire pour nous et sont des objets qui sont susceptibles d'entrer en collision avec la Terre. La météorite c'est le reliquat d'un astéroïde qui est entré en collision avec la Terre. Il faut savoir que cette collision c'est un phénomène extrêmement violent car nous sommes protégés par notre atmosphère et donc ce qui reste au sol c'est beaucoup beaucoup beaucoup plus petit que l'objet incident. 

Qu'est-ce que la journée mondiale des astéroïdes ?

Brigitte Zanda : Ca commémore un événement assez important : le 30 juin 1908 en Sibérie, le matin à 7h30, il y a eu un petit corps qui est entré en collision avec la Terre. Comme c'est un endroit totalement inaccessible, on n'a pu aller sur place que plus de 20 ans après et on n'a pas de reliquat de cet objet parce que le l'événement a été extrêmement violent donc l'objet incident a été soufflé lors de la traversée de l'atmosphère et lors de l'impact. On ne sait pas de quel objet il s'agit.

Sont-ils dangereux pour la Terre ?

Francis Rocard : Aujourd'hui on a recensé pratiquement tous les objets de la classe 1 km, or un objet de la classe 1 km c'est un objet qui ferait un cratère d'une dizaine de kilomètres. S'il tombait sur Paris il détruirait Paris mais ça n'arrivera pas puisque on les a tous identifiés et aucun ne nous tombera dessus. On a recensé une trentaine d'objets en une année qui étaient passés entre la Terre et la Lune.

Est-ce que certains astéroïdes frôlent la Terre ?

Francis Rocard : Il y en a plusieurs qui frôlent la Terre, frôler à l'échelle de la centaine de milliers de kilomètres, typiquement entre la Terre et la Lune. Quand ce sont des objets qui ne font que quelques mètres on les voit au dernier moment, parfois 12 heures avant qu'ils passent, parfois on les voit après qu'ils sont passés et donc c'est rarissime. Il y a eu un cas très intéressant qui est le fait de voir un objet dans le ciel, s'apercevoir qu'il va tomber, qu'il tombe, et récupérer la météorite. Si réellement une menace est avérée, que va t-il se passer et qu'allons nous décider ? Il y a des gens qui disent que ce n'est pas compliqué : on envoie une bombe nucléaire, on le fait exploser, mais ça je dirais que c'est la solution de dernier recours. Le but ce n'est pas de le faire exploser mais d'exploser la bombe à côté pour le déplacer, pour qu'il évite la Terre. On aimerait faire des choses plus soft et notamment dévier sa trajectoire, soit par impact, c'est ce qui a été fait avec la mission DART, mais ça sous-entend qu'il soit tout petit. Parfois il faut un préavis de 10 ans pour fabriquer la mission et y aller. Ca prend du temps.

Est-ce qu'un astéroïde est déjà tombé sur Terre ?

Francis Rocard : En 2008, au Soudan, il y a eu un cas très intéressant, c'est la première fois que ça s'est passé, et on a pu récupérer l'avantage c'est qu'on a la signature spectrale de l'objet. On sait de quel type il est vu par le télescope dans l'infrarouge et ensuite on récupère les météorites et on peut faire le lien entre l'objet et sa signature et c'est une heure avec trois fois et la troisième fois c'était en février dernier en France. Il y a eu un objet qui a été découvert par un astronome amateur et 24 heures ou 36 heures plus tard, il est tombé du côté de la Normandie et on a trouvé une météorite qui est aujourd'hui au Muséum national d'Histoire naturelle.

Que nous apprennent les astéroïdes ?

Brigitte Zanda : Il y a des météorites qui nous renseignent vraiment sur les premiers instants du système solaire et quand on dit par exemple que l'âge de la Terre ou l'âge du Soleil c'est 4,5 milliards d'années, c'est dans les météorites qu'on mesure ce genre de choses parce que la Terre, comme elle a fondu après sa formation, elle a effacé la mémoire de ses origines mais on retrouve ces éléments de réponse en étudiant les météorites. Les astéroïdes qui ont une évolution analogue à celle de la Terre, quand ils se fragmentent, on retrouve des morceaux qui viennent des différentes couches à l'intérieur de ces planètes et comme nous on n'ira jamais à l'intérieur de la Terre, parce que la terre a 6000 kilomètres de de rayon c'est beaucoup trop profond beaucoup pour trop difficile. Par analogie, c'est une de nos sources d'informations sur ce qui se passe à l'intérieur de la Terre et à l'intérieur des planètes.

Quel est le rôle du Cnes ?

Francis Rocard : Mon travail se consiste à préparer les missions futures avec les partenaires, qu'ils soient américains, européens et on travaille un petit peu avec les Japonais, les Indiens, les Chinois. Ce que fait la France et les scientifiques français, c'est de fournir des instruments, des caméras spectraux infrarouges, spectoraux ultraviolets, sur les missions des autres qui fabriquent les satellites, etc. Il s'agit de se mettre d'accord avec les scientifiques en France sur l'instrument qu'ils veulent fournir, vérifier que tout le monde est d'accord avec par exemple la NASA pour faire voler cet instruments. A ce moment-là, le projet est défini et un chef de projet est nommé au Cnes. Il est basé à Toulouse et va suivre le développement de l'instrument qui va prendre 5 ou 7 ans.

Quelles sont les futures missions du Cnes ?

Francis Rocard : On vient de lancer la mission de juice qui part vers Jupiter pour étudier les lunes glacées que sont Ganymède, Europe et Callisto. On va essayer d'avancer sur la question de l'habitabilité dans ces océans liquides sous la glace de l'Europe et Ganymède. L'habitabilité ne signifie pas qu'on va trouver la vie mais qu'on va essayer de déterminer si c'est potentiellement habitable. Aujourd'hui on travaille sur une mission de retour d'échantillons de Phobos, une lune de Mars, et ça c'est avec les Japonais. Tout ce qui est retour d'échantillons c'est une très forte priorité scientifique parce que quand vous avez le matériau et que vous pouvez l'analyser avec des instruments qui tiendraient à peine dans cette pièce, vous obtenez des résultats qui sont bien meilleurs que ce qu'on peut faire sur place.

Qu'est-ce qu'un astéroïde ?

Les astéroïdes, au même titre que les planètes mineures, sont des vestiges de la formation de notre Système solaire. Ces petits corps célestes dont la taille est variable sont composés de roche, de métal et de glace et sont en orbite autour d'une étoile.

Pourquoi une journée internationale consacrée aux astéroïdes ?

La journée internationale des astéroïdes, reconnue par l'ONU, vise à commémorer le 30 juin l'anniversaire de la célèbre explosion dans la région de Toungouska qui a été dévastée par la chute d'un astéroïde, en 1908. Elle permet donc de sensibiliser le grand public aux risques que font courir les astéroïdes, d'informer sur les mesures mises en place en cas de situation de crise et de rappeler l'importance de la recherche spatiale.

Quelles mesures de surveillance et de résolution de crise ?

Le recensement

Les astéroïdes potentiellement dangereux, dont la trajectoire passe à proximité de celle de notre planète, sont ceux que les agences spatiales et les chercheurs tentent de recenser de la façon la plus exhaustive possible. Les objets à fort potentiel de destruction qui croisent la trajectoire de la Terre, appelés les géocroiseurs, sont déjà connus et constamment placés sous surveillance.

La prochaine étape de ce travail de recensement est de finaliser l'inventaire de la vingtaine de milliers de géocroiseurs de diamètre supérieur à 140 mètres, dont seuls 40 % sont connus. Cette étape, qui prendrait plusieurs décennies avec les plus grands télescopes terrestres, mais qui pourrait être réduite à 10 ans avec l'utilisation du télescope spatial NEO Surveyor, que développe actuellement la NASA en vue de son lancement d'ici 2030.

Actuellement, deux systèmes automatisés calculent systématiquement les probabilités d'impact des astéroïdes identifiés : CNEOS au Jet Propulsion Laboratory aux USA et NEOCC à l'Agence spatiale européenne.

Objectif

En plus d'une meilleure connaissance de notre environnement spatial, il s'agit de pouvoir anticiper l'envoi d'une méthode fiable et testée suffisamment à temps pour détourner un astéroïde de la trajectoire de la Terre en cas de risque avéré d'impact avec celle-ci.

Au sein du comité d'utilisation pacifique de l'espace des Nations Unies, deux groupes de travail, l’IAWN composé des experts et le SMPAG composé des agences spatiales, et dans lesquels la France est présente, sont chargés d'élaborer une réponse à l'échelle internationale, permettant de communiquer sur un risque potentiel et d’élaborer une action coordonnée pour s’en protéger.

Connaissance des astéroïdes : en quête des origines !

Le saviez-vous ?

La connaissance des astéroïdes permet de remonter le temps pour élaborer des hypothèses de formation du Système solaire et des planètes ainsi que d'émergence de la vie sur Terre. De par leur petite taille, leur composition chimique a peu varié au fil du temps et a ainsi gardé la mémoire de la composition initiale des ingrédients qui ont formé nos planètes, nous permettant de remonter le temps jusqu'aux premières phases de l'histoire du Système Solaire.

Les missions de retour d'échantillons d'astéroïde riche en carbone, Hayabusa2 de la JAXA et OSIRIS-REx de la NASA, auxquelles plusieurs Français ont participé, ont révélé la complexité et la richesse géologique des astéroïdes. Elles ont notamment montré que ces objets réagissent de façon inattendue aux sollicitations externes (par exemple un système de récolte) et que les images de surface ne suffisent pas à déterminer si celle-ci réagit comme un milieu mou ou résistant, ce qui a des implications fortes pour élaborer des missions dédiées à dévier ces petits corps ou à en exploiter les ressources. De plus, les échantillons déjà ramenés sur Terre par Hayabusa2, dont certains ont été analysés dans des laboratoires français et par des instruments français, ont confirmé le lien entre les astéroïdes carbonés et les météorites les plus primitives que nous avons dans notre collection, ainsi que la présence d'acides aminés.

Premier test de déviation d'astéroïdes par l'Agence spatiale européenne et la NASA

L'Europe est pionnière dans l'étude des missions de déviation d'astéroïde, depuis le concept Don Quichotte étudié à l’Agence spatiale européenne au début des années 2000, qui a conduit à l’élaboration de deux missions, dont un Français fait partie des initiateurs : DART de la NASA et Hera de l'Agence spatiale européenne. La Commission européenne finance depuis 2012 des consortiums dédiés à l'étude de missions de déviation, dont le récent projet NEO-MAPP est coordonné par le CNRS.

La mission DART a effectué avec succès un impact sur la petite lune, appelée Dimorphos (de 150 mètres de diamètre) de l'astéroïde double Didymos le 26 Septembre 2022. Cet impact a altéré le temps mis par Dimorphos pour faire un tour autour de son corps principal, Didymos, appelé période orbitale. Si celle-ci était initialement de 11h55 minutes, l'impact l'a réduite à 11h22 minutes. Cette mesure a pu être effectuée grâce à une campagne internationale d'observations parfaitement coordonnée avec les télescopes terrestres répartis sur de nombreux continents.

La mission Hera , dont la responsabilité scientifique est française, sera lancée en Octobre 2024 depuis Cap Canaveral avec un lanceur Falcon 9 de la compagnie Space X. L'objectif est de rejoindre Didymos et Dimorphos en 2026 pour enquêter et proposer des opérations à forte proximité de deux petits corps, pendant six mois.

 

La sonde Hera et ses deux Cubesats, Juventas et Milani, qui seront déployés par la sonde avec implication du CNES pour leurs opérations pour effectuer des mesures à plus grande proximité de Dimorphos, permettra de mesurer :

  • l'efficacité de l'impact de DART ;
  • le résultat en termes de taille du cratère ou de l'entière déformation de Dimorphos ;
  • et pour la première fois la structure interne d'un astéroïde en effectuant un sondage radar, sous responsabilité Française, à l'aide du Cubesat Juventas.

 

Hera effectuera ainsi le premier rendez-vous avec un astéroïde double, la première mesure de structure interne, le premier déploiement de Cubesats dans l'espace interplanétaire à proximité d'un petit corps, et la première documentation complète d'un test de déviation, permettant de valider les modélisations numériques d'impact et leur extrapolation à d'autres scénarios.

Que se passera-t-il le vendredi 13 avril 2029 ?

Le vendredi 13 avril 2029, l'astéroïde Apophis, de 370 mètres de diamètres, passera à 31 000 kilomètres de la Terre, à l'intérieur de l'orbite des satellites artificielles géostationnaires, et sera visible à l'œil nu par plusieurs milliards de personnes depuis l'Europe de l'Ouest et l’Afrique du Nord.

Si cet astéroïde ne cause aucun risque, son passage si proche offre une opportunité qui ne se produit qu'une fois par millénaire de s'émerveiller devant la lumière réfléchie par un petit corps dans l'espace et, pour les scientifiques, d’étudier comment les forces de marée exercées par la Terre peuvent potentiellement produire des mouvements sur sa surface et modifier certaines de ses propriétés. Les connaissances qui pourraient être obtenues ont des implications pour se protéger de ces petits corps mais aussi dans notre compréhension de leurs propriétés, de leur histoire et de leurs évolutions. Plusieurs études sont en cours, en France (au CNES) et en Europe (à l'Agence spatiale européenne), pour effectuer une mission permettant d'aller voir Apophis lors de son passage en 2029.

L'espace en France

Le MEFSIN est chargé de l'espace avec le MESR qui intervient en co-tutelle des affaires spatiales, notamment sur les enjeux liés à la recherche spatiale. Le CNES assure la coordination de la recherche spatiale française.

3 000Chercheurs fédérés par le CNES

80 M€mis en œuvre par an dans les laboratoires

1 000publications de rang A chaque année

Le volet spatial de France 2030

  • Assurer le positionnement de la France sur des marchés en forte croissance
  • Investir sur les technologies de rupture qui structureront le futur paysage spatial en articulant recherche spatiale et innovations industrielles

 

Le volet spatial du plan d'investissement France 2030 est doté de 1,5 milliard d'euros.

Voir aussi

Sophie Adenot, nouvelle astronaute française
Crédits :
European Space Agency (ESA) / P. Sebirot
Crédits :
Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines