Publié le 23.01.2018

Présentation du projet Campus 2022 de Sciences-Po : discours de Frédérique Vidal

Frédérique Vidal s'est exprimée le 11 janvier 2018 lors de la présentation du projet Campus 2022 de Sciences-Po.

Frédérique Vidal, ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation

Seul le prononcé fait foi

Le lieu où nous sommes réunis ce matin parle de lui-même et la vue de cet hôtel de l’Artillerie dit mieux que tous les discours le chemin remarquable parcouru par Sciences-Po en l’espace d’une vingtaine d’années.

Bien sûr, nous ne sommes pas loin de la rue Saint-Guillaume et de la rue des Saint-Pères, où l’institution est profondément enracinée. Mais avec l’hôtel de l’Artillerie, dont vous entendez faire un grand et beau campus, Sciences-Po  a désormais trouvé  un  cadre à sa mesure et vient en quelque  sorte parachever la réinvention qui a commencé au milieu des années quatre-vingt-dix.

A l’origine de ce mouvement, il y a une vision - et un homme pour la porter. Cet homme, c’est bien sûr Richard Descoings. Et au cœur de la vision qu’il a su porter, avec l’ensemble de ses équipes, il y avait une conviction simple : pour le Sciences-Po que nous connaissions à la fin du 20ème siècle, malgré sa réputation et sa place particulière dans le paysage de l’enseignement  supérieur  français,  il  était devenu vital  de se réinventer en profondeur pour continuer à briller au XXIe siècle.


Ce n’est pas qu’une formule. Car Sciences-Po, c’est alors un modèle singulier, un modèle très fort de formation d’élites politiques, administratives et économiques au cours de deux années d’enseignement à peine, avec, en fin de cursus, un diplôme renommé en France, mais sans reconnaissance organisée à l’échelle nationale et mondiale et sans connexion réelle avec le reste du tissu académique.

Sciences-Po, à l’époque, c’est un succès français – mais qui était menacé de devenir un jour un succès purement franco-français. La clef en était certes l’exigence humaine et intellectuelle, mais une exigence qui se conjuguait avec un tout petit nombre d’étudiants et avec, parfois, une certaine forme de fermeture – y compris en matière sociale.

L’intuition de Richard Descoings et de son équipe, c’est qu’il fallait ouvrir et développer largement Sciences-Po, pour lui donner toute sa place, dans le paysage français, bien sûr, mais aussi dans le paysage international.

La suite, nous la connaissons tous : la croissance du nombre d’étudiants, les 6 campus en région à vocation spécialisée le passage  à  une  scolarité  en  5  ans,  sanctionnée  par  un diplôme valant Master, avec au milieu une troisième année à l’étranger. La suite, ce sont des étudiants internationaux toujours plus nombreux et une institution qui s’est ouverte à des thématiques et à des champs professionnels qu’elle ignorait jusque-là. Et c’est une ouverture sociale appuyée sur des conventions passés avec les lycées des ZEP et appuyée par un dispositif de droits différenciés.

La transformation a été radicale. Elle a été rapide. Bien sûr, elle a aussi suscité des oppositions, des débats. Elle a aussi parfois posé des questions et il n’a pas toujours été facile de construire des cadres adaptés à cette évolution et à cette croissance permanente. Les difficultés ont parfois été aussi réelles et profondes que le changement.
 
Mais le résultat est tout simplement impressionnant. Et je veux le souligner ce matin, il vous doit beaucoup, cher Frédéric Mion. Non pas seulement parce que vous avez été le premier artisan de ce projet immobilier dans lequel vous vous êtes engagé sans compter ; mais aussi parce qu’à travers ce projet, ce qui se donne à voir, c’est l’aboutissement d’une démarche qui a donné de nouvelles bases – des bases solides dans le temps – à Sciences-Po, sans rien perdre des ambitions de l’institution et sans freiner le mouvement qui l’anime, mais en le rendant irréversible.

Et je veux souligner l’un de ces changements, qui constitue un beau   symbole   à   mes   yeux :   Sciences-Po   se   qualifie désormais comme une université – une université singulière, bien entendu, par son histoire et ses fonctions. C’est dire le chemin parcouru par notre enseignement supérieur ou, pour citer Christine Musselin, votre directrice scientifique, la "longue marche", puis la "grande course" dont nos universités et nos établissements sont les acteurs.

En effet le concept même d’université s’impose désormais comme  une  évidence,  car  c’est  ainsi  que  se  qualifient  à l’échelle internationale, les lieux de formation nourris par la recherche et qui accueillent des étudiants venus de partout dans le monde, c’est ainsi que se nomment les institutions où se crée et se transmet le savoir, des institutions largement ouvertes sur le monde et sur la ville, connectée au monde économique et à leur territoire.

C’est cela, le modèle universitaire, un modèle qui n’a rien d’exclusif et au sein duquel les grandes écoles qui font partie intégrante de notre histoire et de notre culture peuvent trouver à s’épanouir librement. Sciences-Po est en la preuve.

Cette transformation, bien sûr, ne fait que commencer. Sciences-Po a su construire des liens forts avec ses partenaires de Sorbonne Paris Cité, avec, à la clef, de beaux succès et parfois des moments plus difficiles.

Mais l’essentiel, c’est bien l’existence d’un projet partagé et c’est la volonté de le mettre en œuvre ensemble. Cette volonté est à l’œuvre, je le sais, au sein de Sorbonne Paris Cité. Chacun sait au demeurant parfaitement que le repli n’est pas une option d’avenir. Et vous pouvez compter sur moi pour accompagner tous les projets ambitieux et leur donner les moyens – et notamment les moyens institutionnels et juridiques – de se réaliser.



Au fil de ces transformations, je veux le souligner, Sciences-Po a également été confronté à une sorte de crise de croissance sur le plan immobilier. Pour en sortir, il fallait un grand projet. C’est ici qu’il se réalisera, avec un hôtel de l’Artillerie profondément repensé pour en faire un campus, au sens plein du terme.

Et ce n’est pas le moindre des atouts du beau projet dévoilé aujourd’hui que de proposer une vision architecturale moderne et attractive d’un campus urbain. Il articule de manière originale toutes les dimensions qui doivent se mêler pour mériter ce beau nom de campus: c’est un lieu ouvert aux étudiants, un lieu qui, grâce à ses cloîtres devenus des cours intérieures, lieux de vie étudiante, et à ses futurs espaces de coworking, saura devenir un  point  de  repère et  le  symbole d’une communauté pour les étudiants et les personnels qui auront la chance de fréquenter ces lieux.

Car c’est aussi un lieu de recherche, qui offrira aux scientifiques les espaces de travail dont ils manquent trop souvent, tout particulièrement dans les sciences humaines et sociales. J’y suis profondément attachée, car le renouvellement des pédagogies et l’ancrage de la formation dans la recherche passent aussi par la mise à disposition de nouveaux espaces. Et c’est enfin un lieu d’innovation, avec son "smart campus" et son centre pour l’entreprenariat.

Et parce qu’il articule ces différentes dimensions en un espace cohérent et attractif, conçu pour être profondément cohérent avec la vision urbaine que vous portez, Madame la Maire,
 
dans l’ensemble de la ville de Paris, ce projet est déjà, au stade de  sa  conception,  une  vraie  réussite.  Je  profite  de  cette occasion pour vous remercier ainsi que votre équipe de la bienveillante attention que vous portez aux institutions d’enseignement supérieurs et de recherche à Paris.

Les compétences qui ont été rassemblées au sein du groupement retenu sont de premier ordre : toutes les forces sont donc réunies pour relever le défi qu’est toujours la réalisation d’un grand projet immobilier et je veux saluer le très beau travail que vous avez su fournir collectivement.

Alors oui, ce projet est ambitieux, mais il est réfléchi, construit, il est  assis  sur  une  véritable analyse  économique et  c’est  la raison pour laquelle Sciences-Po a pu ainsi construire une offre et une vision pour l’hôtel de l’Artillerie, qui lui permettent à présent d’aller de l’avant, et j’y vois également un signe de la maturité atteinte par votre institution, y compris en matière immobilière

Ce matin, je n’ai donc au fond que deux choses à vous dire : bravo, tout d’abord, pour avoir su oser, penser et porter une telle opération ; et ensuite, sachez que vous pourrez toujours compter sur l’Etat comme sur les collectivités – et notamment sur la Ville – pour accompagner Sciences-Po dans la poursuite de son développement.

Je vous remercie.