Publié le 05.03.2019

Introduction de la concertation sociale relative à la nouvelle licence universitaire : discours de Frédérique Vidal

Frédérique Vidal s'est exprimée mardi 20 mars 2018 devant le CNESER lors de l'ntroduction de la concertation sociale relative à la nouvelle licence universitaire.

Frédérique Vidal, ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation

SEUL LE PRONONCE FAIT FOI

 

 

Comme je vous l’avais annoncé le 6 mars dernier, s’ouvre à présent une nouvelle étape de la réforme du premier cycle : il s’agit d’aborder ensemble les nécessaires ajustements que nous devons apporter aux textes règlementaires qui cadrent la Licence, afin de mettre pleinement en œuvre la loi ORE.      

 

Car si la loi ORE a déjà permis une meilleure orientation des bacheliers et une pré-inscription des candidats transparente qui leur permette de s’inscrire dans des filières dans lesquelles ils ont toutes les chances de réussir, il convient maintenant de leur offrir des parcours de formation qui soient mieux adaptés à leur diversité - diversité des profils, bien sûr, mais aussi diversité des projets. 

 

C’était évidemment l’objet même de la loi ORE qui a été promulguée par le Président de la République le 8 mars dernier. Vous le savez, la loi a en effet introduit le principe de personnalisation et de diversification des parcours au service de la réussite des étudiants. 

 

Car l’enjeu, vous le savez, c’est non seulement d’ouvrir largement les portes de notre enseignement supérieur, mais c’est aussi et même surtout de conduire notre jeunesse vers la réussite dans ces formations. 

 

C’est tout le sens du principe de personnalisation que j’évoquais à l’instant, qui prend notamment la forme des "Oui si" que les universités proposeront dès la rentrée prochaine. 

 

Des inquiétudes se sont exprimées sur le rythme de mise en place de ces dispositifs pédagogiques et de ces parcours d’accompagnement personnalisé. Je veux donc y revenir avec vous ce matin. 

 

Ce que chacun a pu constater, c’est que depuis le mois de janvier, la communauté universitaire s’est largement mobilisée pour créer de nouvelles places dans les formations les plus demandées. Et en l’espace de quelques semaines, un travail remarquable a été accompli, qui a permis d’aboutir à la création de 19 000 places nouvelles financées grâce à l’enveloppe de 13 millions d’euros ouverte par le Gouvernement pour 2018. 

 

Ce travail intense a pu, dans un premier temps, prendre parfois le pas sur l’effort d’élaboration et de mise en place des dispositifs d’accompagnement pédagogique. Vous connaissez désormais ma méthode : elle est fondée sur le pragmatisme. 

 

Comme vous, j’ai constaté que les moyens ouverts jusqu’ici avaient été concentrés sur la création de capacités d’accueil – et c’est une bonne chose, car cela permettra de mieux accueillir les futurs étudiants dans une filière correspondant à leurs vœux à la rentrée prochaine. Mais du même coup, cela appelait des moyens supplémentaires pour favoriser la mise en place des dispositifs d’accompagnement pédagogique. 

 

 

C’est pourquoi, avec l’accord du Premier ministre, j’ai donc souhaité débloquer une enveloppe budgétaire supplémentaire de 10 millions d’euros qui sera destinée à financer la mise en place des  "Oui si" dans les universités. 

 

Je dis bien "supplémentaire" : ces 10 millions d’euros ne sont pas redéployés, ils sont ouverts en plus des crédits qui avaient été notifiés jusqu’ici. C’est bien de l’argent en plus – et non pas de l’argent "à la place de". 

 

Pour préciser la ventilation de cette enveloppe, 8 de ces 10 millions d’euros permettront aux universités de renforcer les équipes pédagogiques afin de mettre en place les "Oui si ", soit par des recrutements nouveaux soit par des heures complémentaires – comme cela a été le cas pour les capacités d’accueil. 

 

Quant aux 2 millions restants, ils seront destinés à renforcer encore la nécessaire indemnisation de l’engagement des enseignants-chercheurs, des enseignants et de l’ensemble des agents dans la mise en œuvre de la réforme. 

 

Et là aussi, je souhaite que la répartition des moyens puisse se faire au plus près de la réalité des établissements, dans un dialogue étroit entre les recteurs d’académie et les présidents d’université. 

 

Il nous faut à présent aller vite : dès les jours qui viennent, les recteurs seront amenés, en lien étroit avec la DGESIP, à engager ces discussions avec les établissements, afin d’identifier avec eux les besoins, les projets et mobiliser au mieux cette enveloppe supplémentaire. 

 

En parallèle, je souhaite que la DGESIP, qui a participé à mes côtés, aux échanges que j’ai souhaité avoir avec les équipes pédagogiques des établissements un peu partout en France, puisse mettre son expertise au service de ces échanges et faire ainsi en sorte que les initiatives qui ont vu le jour puissent être largement partagées. 

 

Cette méthode de travail au plus près du terrain, je l’assume et je la revendique, car c’est elle qui permet de prendre en compte la situation particulière de chaque établissement et de se donner ainsi toutes les chances d’atteindre très rapidement les résultats. 

 

Certains d’entre vous ont souhaité que les moyens mis à la disposition des rectorats puissent être publics. J’y suis favorable et cela sera fait dans les jours qui viennent. 

 

 

 

Mais au-delà des moyens, certes essentiels, nous devons également identifier l’ensemble des verrous qui pourraient faire obstacle à la mise en place de parcours personnalisés dès la rentrée prochaine. C’est tout l’objet du travail que nous devons conduire ensemble autour de l’arrêté Licence et du cadre national des formations. 

 

Cette question, nous avions commencé à l’aborder ensemble lors de la concertation qui s’est déroulée entre juillet et septembre dernier. Beaucoup de thèmes ont été abordés, discutés et le rapport final de Daniel Filâtre a déjà dégagé un certain nombre d’éléments de consensus et de pistes de réflexion. 

 

Nous ne partons donc pas de rien – loin s’en faut. C’est sur la base de ces travaux et des principes qui ont été fixés dans le projet de loi que nous devons procéder à l’ensemble des réglages et ajustements nécessaires dans les textes de niveau règlementaire. 

 

C’est l’objet de cette nouvelle phase de dialogue qui va être engagée autour des deux arrêtés que j’évoquais à l’instant. 

 

Cette nouvelle phase de concertation sociale doit, d’une part, s’inscrire dans une feuille de route et, d’autre part, obéir à une méthodologie de travail.

 

Cette feuille de route, quelle est-elle ? 

 

A mes yeux, il s’agit de partir des initiatives et des pratiques, d’identifier les points de blocage et de rechercher ensemble des solutions pour faire évoluer les textes existants et faire gagner la nouvelle Licence universitaire en reconnaissance et attractivité.

 

Je dis « partir des initiatives et des pratiques », car beaucoup a déjà été fait, au cours des dernières années, pour mieux accueillir les étudiants au sein des universités. Là aussi, nous ne partons pas de rien : l’enjeu, c’est de changer d’échelle, en apportant les souplesses nécessaires. 

 

Et je veux être très claire sur ce point : rendre possible la diversification et la personnalisation des parcours, ce n’est pas remettre en question la nécessité d’un cadre national pour nos diplômes ; il est indispensable, parce qu’il garantit précisément leur caractère national. 

 

L’objectif, ce n’est donc pas se passer d’un cadre, mais c’est construire un cadre qui favorise la diversification et la personnalisation au lieu de la rendre plus difficile. Cela veut donc dire trouver de nouveaux équilibres et faire évoluer nos règles, afin d’avoir un cadre souple, si je puis dire – c’est-à-dire un cadre qui puisse garantir que la diversification et la personnalisation pourront, à terme, concerner l’ensemble des étudiants. 

 

Vous me connaissez, je suis à l’écoute des acteurs de terrain, ceux qui savent le mieux ce qu’il faut faire pour faire davantage réussir les étudiants et ceux qui sont prêts à prendre les initiatives pédagogiques les plus appropriées. En somme : ceux à qui l’on doit aujourd’hui de donner les « clés » pour pouvoir aller plus loin encore. 

 

La diversification sera multiple :

  • Ce sera d’abord celle des parcours dont une partie sera plus flexible, plus concentrée ou plus professionnalisante,
  • La diversification sera ensuite celle de l’offre qui facilite sans les contraindre les changements d’orientation au sein de l’établissement (notamment dans une autre mention de Licence ou en DUT) ou à l’extérieur de l’établissement (et je redis tout le rôle que doivent jouer ici les politiques de site),
  • La diversification commandera encore celle des publics accueillis avec, notamment, un important développement aussi bien des publics de formation continue que des étudiants étrangers,
  • Enfin, la diversification sera aussi celle des pédagogies – et je songe tant aux méthodes d’enseignement qu’aux modalités de contrôle des connaissances.

 

Quant à la personnalisation des parcours, elle sera au cœur des contrats de réussite pédagogique que j’ai annoncés. Ce sont en effet ces contrats qui contiendront les conditions de réussite de chacun : remises à niveau, compléments nécessaires de formation, semestres de consolidation, rythmes d’études, ingénierie de formation rendue nécessaire par un projet professionnel original etc. A tous ces égards, les directeurs et directrices d’études - dont je souhaite la mise en place le plus rapidement possible -  seront évidemment déterminants.

 

 

 

De tout cela il faudra discuter dans les prochaines semaines dans un calendrier et une méthodologie que je souhaite maintenant vous exposer.

 

Comme je le disais il y a quelques minutes, nous ne partons pas d’une page blanche. De longues et fructueuses discussions ont déjà eu lieu et ont donné lieu à un rapport général du Recteur Filâtre. Pour autant, et bien sûr, tous les sujets n’ont pas été épuisés. Certains sont plus sensibles ou complexes que d’autres. Pour cette raison, et avant que ne reprennent les discussions bilatérales, je souhaite deux choses.

 

D’une part, je souhaite que 4 groupes de travail puissent se réunir durant le mois d’avril autour des thèmes suivants : 

 

• Le premier groupe de travail sera consacré au contrat de réussite pédagogique étudiant qui permettra notamment d’aborder la question de son contenu et des engagements qu’il formalise, de son évolution dans le temps, de la valorisation des parcours de remédiation et, donc, des modalités de contrôle des connaissances associées. La question clé est ici : quelles sont les mesures pédagogiques pertinentes pour fonder le contrat et permettre une personnalisation adaptée des parcours ? Et comment insérer ces parcours personnalisés dans un cadre pédagogique national ? 

 

• Le second groupe de travail sera dédié à l’ingénierie de formation de la nouvelle Licence universitaire qui permettra tant la diversification que la personnalisation, tant l’enseignement présentiel qu’à distance et qui permettra de déployer de nouvelles démarches de formation centrées davantage sur l’étudiant. 

 

Ce groupe de travail sera ainsi l’occasion d’aborder des thèmes variés : architecture des formations  - et notamment la place des blocs de compétences, mais aussi les modalités administratives d’inscription – à l’année, au semestre, à l’UE ? – ou bien encore la définition actualisée et multiforme du volume de formation aujourd’hui défini de façon purement traditionnelle par 1500h d’enseignement présentiel. 

 

Là aussi, je veux être très claire : je sais l’importance que revêt cette référence pour l’ensemble de notre enseignement supérieur. Cette question, je souhaite l’aborder avec pragmatisme : la question n’est donc pas de savoir s’il faut remettre en cause cette référence, mais de vérifier ensemble qu’elle permet bien de prendre en compte de manière satisfaisante les modalités d’intervention pédagogique nouvelles dans toutes leurs formes. 

 

Car la question clef au sein de ce groupe de savoir, c’est bien de savoir comment faire cohabiter une architecture et des modalités règlementaires nécessaires avec des parcours qui doivent être plus diversifiés et plus fluides.

 

  • Le troisième groupe de travail sera consacré aux nécessaires évolutions des dispositifs d’évaluation afin qu’ils soient compatibles avec les parcours personnalisés qui sont au cœur de la réforme de l’accès au premier cycle. 

 

Là aussi, cette question, je l’aborde sans dogmatisme et sans tabou. Sur la compensation, par exemple : j’ai déjà eu l’occasion de le dire, il ne fait guère de doute que les textes règlementaires actuels ne permettent pas d’organiser une compensation compatible avec des parcours personnalisés, par leur rythme et par leur contenu. 

 

Nous devons donc ajuster les modalités de compensation, même si – et là aussi, je l’ai dit très clairement – il est évidemment nécessaire de conserver des logiques de compensation, par exemple en travaillant autour de blocs de compétence cohérents. 

 

Demain, il y aura donc toujours une compensation, mais organisée selon une logique nouvelle afin de permettre des parcours plus fluides et plus personnalisés. 

 

Je suis prête également à travailler avec vous autour des questions du contrôle continu et de la place des rattrapages, dans un esprit ouvert afin à la fois de favoriser des modes et des rythmes d’évaluation qui aient plus de sens sur le plan pédagogique, qui accompagnent les étudiants dans une progression, mais sans remettre en cause la possibilité pour eux d’avoir une seconde chance. 

 

  • Enfin, le quatrième et dernier groupe de travail portera sur la question de la professionnalisation. L’enjeu est bien évidemment central ; il est aussi plus large et au plus long cours. Aussi les réflexions de ce groupe ne déboucheront-elles pas nécessairement sur des évolutions règlementaires immédiates. L’objectif, c’est en effet de mieux articuler une Licence à la double vocation affirmée – poursuite d’études ou insertion professionnelle – avec les réflexions et discussions à venir autour de la licence professionnelle et du D.U.T.

A l’évidence, ces questions sont en effet connectées, des évolutions sont en cours et nous devons prendre le temps ensemble d’y travailler pour y voir plus clair et fixer plus nettement la place de la Licence dans cet ensemble. 

 

Et si nous le devons, c’est qu’à mes yeux, si nous voulons donner à la Licence toute sa place dans notre paysage d’enseignement supérieur, nous devons être plus clairs sur ce que nous attendons des formations correspondantes en matière de professionnalisation. 

 

Dire que la Licence a une double vocation, ce n’est en effet ni dire qu’elle n’en a aucune, ni masquer le fait qu’elle n’en aurait en réalité qu’une seule. La préparation à la poursuite d’études et à l’insertion professionnelle doivent avoir l’une et l’autre toute leur place dans ces formations, en mobilisant aussi largement que nécessaire le principe de spécialisation progressive.

 

Outre ces temps de travail en groupe, nous aurons naturellement des temps d’échanges collectifs – que ce soit en CNESER, bien sûr, mais également dans le cadre du comité de suivi du L.M.D., qui aura l’occasion d’aborder chacune de ces thématiques et qui rendra ses conclusions à la fin du mois d’avril.

 

Je souhaite enfin qu’un premier temps de restitution puisse être organisé la semaine du 23 avril, afin de mesurer l’état d’avancement de nos réflexions. Des échanges bilatéraux auront lieu dans les semaines qui suivent : ils permettront de vous faire part, dans la première quinzaine du mois de mai, des grandes orientations retenues. 

 

Sur cette base, nous pourrons alors concerter sur des projets de texte et, à l’issue de ce dialogue, je souhaite que le CNESER puisse se réunir le 29 mai afin d’examiner les deux projets d’arrêté. 

 

 

 

Vous l’aurez compris, ce travail autour du « Cadre national des formations » et de l’arrêté Licence, je souhaite le placer sous le signe d’un dialogue approfondi. 

 

Bien entendu, le calendrier nous oblige et nous avons l’obligation collective de mettre en place un cadre aménagé à destination des équipes pédagogiques avant la rentrée prochaine. Cela nous conduit naturellement à nous focaliser sur un nombre déterminé de thèmes et de questions.

 

J’ai toutefois le sentiment, à l’issue des échanges qui ont eu lieu au cours des derniers jours, que ces thèmes et ces questions sont circonscrites et bien identifiées. Cela ne veut pas dire, bien sûr, qu’elles soient consensuelles, mais chacun voit bien que c’est sur ces différents points que nous devons travailler et avancer collectivement. 

 

Et je tiens par avance à vous remercier de votre engagement et de votre disponibilité, que j’ai pu mesurer lors des concertations de l’été dernier. Je sais que ces échanges mobilisent beaucoup vos organisations, mais ils sont essentiels si nous voulons accueillir dans les meilleures conditions nos étudiants à la rentrée prochaine et les accompagner vers la réussite. 

 

Je vous remercie.