Comment enseignants et bibliothécaires vont-ils travailler ensemble ? Leur collaboration est un levier potentiel pour la transformation pédagogique de l'enseignement supérieur. Une étude vient d'être menée sur le sujet et un groupe de travail propose des recommandations.
Le M.E.N.E.S.R. a initié un travail sur le thème de la collaboration entre les équipes pédagogiques et les services de documentation. Dans le contexte de la transformation pédagogique de l’enseignement supérieur, la manière dont les parcours de formation font appel à la bibliothèque et la façon dont les enseignants inter-réagissent avec les personnels de documentation deviennent un levier potentiel d’évolution des pratiques.
Les enjeux du lien pédagogie-documentation vont bien au-delà de l’introduction de nouvelles pédagogies dans les formations documentaires. Il s’agit, pour les enseignants et les personnels de documentation, de travailler à la définition d’objectifs communs sur ce que l’université peut apporter aux étudiants en termes de formation et d’apprentissage. Parmi ces objectifs : l’utilisation des espaces avec notamment la création de nouvelles structures de type learning center, l’acquisition des compétences transversales dites "informationnelles", la mise à disposition des ressources avec notamment la possibilité offerte par le numérique d’élargir avec équité l’accès aux ressources pédagogiques.
La D.G.E.S.I.P. a mis en place début 2015 un groupe de travail sur ce thème(*). Ce dernier a commandité au laboratoire Lisec(**) un rapport pour connaître le niveau actuel des collaborations. Rendu en juin 2016, le rapport dresse un état des lieux de la situation. Représentatif de tous les acteurs concernés, le groupe de travail publie en juillet 2016 ses recommandations pour le développement de la collaboration. Intitulé "Articulation et collaboration entre les équipes pédagogiques et les services de documentation au cœur de la transformation pédagogique de l’enseignement supérieur", le rapport présente l’étude que le laboratoire a conduite entre septembre 2015 et juin 2016.
Il se base sur deux enquêtes :
Les équipes pédagogiques et les services de documentation, d’une manière générale, travaillent plutôt côte à côte qu’ensemble. Le rapport, riche et fourni, offre des éclairages variés tirés des entretiens et des réponses aux questionnaires. Il fait un tour d’horizon des relations qu’entretiennent enseignants et personnels de documentation en les examinant sous quatre angles : les structures institutionnelles, les espaces, les ressources et les compétences.
AU niveau des structures institutionnelles, c’est notamment "la faiblesse des instances pédagogiques intermédiaires" qui rend difficile la collaboration. Quant aux services de documentation, ils échangent peu avec les autres services d’appui (SUP, TICE) et les conseils de perfectionnement. Lorsqu’un travail commun se met en place, il repose le plus souvent sur des initiatives individuelles.
Les espaces, qu’ils soient physiques (la bibliothèque), virtuels (les portails et les plateformes) ou hybrides, représentent un lieu de croisement important entre la pédagogie et la documentation. De nombreux projets sont en cours de développement, comme les learning center. Le concept de learning center reste toutefois "difficile à s’approprier".
S’agissant des ressources, elles suscitent des échanges entre enseignants et S.C.D. autour de la "médiation", pour faciliter leur accès auprès des étudiants. Mais d’autres volets, comme les acquisitions, l’indexation, l’hébergement, l’utilisation des nouvelles ressources numériques (Moocs...) ne donnent lieu qu’à une faible coopération. On constate en outre dans les formations de licence "un cloisonnement entre les ressources éditoriales proposées par la BU et celles présentées directement par les enseignants à leurs étudiants, souvent sur l’E.N.T.".
Enfin, l’enjeu des compétences informationnelles des étudiants est reconnu aussi bien par les directeurs de S.C.D. que par les responsables de formation. Mais les enseignants voient davantage la bibliothèque comme un centre de ressources que comme un espace d’apprentissage, et les formations documentaires s’appuient rarement sur les contenus disciplinaires.
Le rapport, dans ses conclusions (**), souligne que "peu de cours sont pensés ou dispensés en prenant appui sur les collections de la B.U." et qu’une meilleure collaboration entre les enseignants et les services de documentation nécessiterait « un décloisonnement des espaces formels et informels".
Le groupe de travail de la D.G.E.S.I.P, qui était le premier destinataire du rapport du Lisec, a rendu ses conclusions en juillet 2016. Il formule des recommandations pour le développement de la collaboration, qui sont ensuite déclinées en propositions d’actions au niveau du ministère, des établissements, et des opérateurs (*).
Les recommandations du groupe de travail :
La C.P.U., la C.D.E.F.I. et l’ADBU ont pris connaissance des conclusions du groupe de travail. L’ADBU soutient les propositions émises et souligne que les notions de ressources "pédagogiques" et "documentaires" doivent être explicitées chaque fois que c’est nécessaire en fonction des acteurs en présence, car ces derniers peuvent en avoir des représentations différentes. La C.P.U. exprime son point de vue sur certaines des recommandations : elle préconise de mettre en place une stratégie nationale plutôt que d’avoir recours au lancement d’appels à projet, et elle n’est pas favorable à ce que le directeur des services de documentation ait une représentativité de droit dans les conseils centraux. Nonobstant ces réserves, la commission de la formation de la C.P.U. encourage les actions proposées.
(*) Le groupe comprenait des représentants de réseaux d’enseignants et des bibliothèques, des responsables de formation, des personnels de documentation, des représentants de l’I.G.B. et de l’ENSSIB.
Voir l'ensemble des conclusions du groupe de travail, avec le détail des actions recommandées
(**) Le laboratoire regroupe des enseignants-chercheurs des universités de Strasbourg, de Haute Alsace et de Lorraine.