Publié le 06.07.2018

Réforme des études de santé : discours de Frédérique Vidal

Lors du congrès de l'Association nationale des étudiants en médecine de France, jeudi 5 juillet 2018, Frédérique Vidal a annoncé la rénovation des études médicales qui vise à mieux former, mieux orienter et mieux insérer les futurs médecins. Cette réforme s'appliquera à partir de la rentrée 2019-2020. Les étudiants qui entreront en 4e année en 2019 bénéficieront d’un second cycle entièrement rénové.

université lille - etudiants

Je suis heureuse d’être présente aujourd’hui, aux côtés d’Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé pour votre assemblée générale. Notre présence, est symbolique de ce que sont les études de santé  et les étudiants en médecine. Vous êtes des étudiants, à cet âge particulier de la vie de définition de soi, et de son projet professionnel et  vous partagez la situation, les difficultés parfois, les bonheurs, les espoirs, les aspirations de votre génération. Et puis vous êtes de futurs professionnels de santé, désireux de participer à définir l’avenir dans lequel vous exercerez. 

Il y a un an vous étiez à Nantes. Le climat était alourdi des difficultés rencontrées lors de l’édition 2017 des épreuves classantes nationales, et nous avions pris deux engagements : le premier était de mettre tout en œuvre pour sécuriser l’édition 2018. C’est chose faite, et je veux en remercier tous ceux qui ont participé à ce succès et particulièrement le conseil scientifique et le jury, ainsi que le comité de pilotage des ECN auquel l’ANEMF participe activement. Mais les discussions entamées avec vos représentants à cette époque montraient aussi à quel point l’exaspération devant les difficultés rencontrées n’était que le sommet d’un iceberg. Il y a eu progressivement comme un  divorce entre l’organisation des études de médecine, et ce qu’en attendent la population que vous soignerez, les étudiants que vous êtes et les enseignants, hospitalo-universitaires, praticiens qui vous transmettent leurs connaissances et vous guident dans l’apprentissage de votre métier. 

 

La ministre des solidarités et de la santé détaillera mieux que moi ce que les patients attendent de vous, et comment les évolutions épidémiologiques et d’organisation du système de soins doivent modifier votre formation. Je veux simplement rappeler deux choses. Les patients sont plus souvent mécontents de la façon dont ils ont été écoutés, ou pas écoutés, que de la qualité technique de la réponse médicale qui leur est  faite ; et les connaissances que vous acquérez seront pour certaines périmées avant même que vous n’exerciez. Ces connaissances sont de plus devenues disponibles, au bout d’un clic, pour vous, mais également pour les patients. 

Chacun, patient, étudiant, professeur, a une conscience de ces constats. Dès lors quelle pertinence y a-t-il à une organisation des études qui fonde le recrutement des étudiants sur leur capacité à apprendre par cœur, et à restituer des connaissances détaillés en cochant des QCMS. Quelle pertinence y a-t-il à ce que les capacités d’un étudiant à interagir avec  un patient soient évaluées sous la forme d’une appréciation "bon stage" ou "étudiant agréable, motivé et bien intégré à l’équipe", et qu’il lui soit par contre demandé à l’ECN de restituer intégralement les connaissances de documents de référence toujours plus copieux ? Chacun voit bien que la formation des médecins, pour exercer la médecine, doit être repensée. 

Des évolutions plus globales doivent aussi être prises en compte. Les métiers pour lesquels des connaissances médicales sont utiles se sont diversifiés et ce mouvement va se poursuivre. Je veux prendre quelques exemples empruntés aux nombreux chantiers communs à l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation et à la santé. En commun Agnès Buzyn et moi-même nous portons le Plan France Médecine génomique 2025. En commun nous avons lancé cette semaine le 3e plan maladies rares. En commun nous participerons la semaine prochaine au conseil stratégique des industries de santé sous la présidence du premier ministre. 

Quel est le lien entre ces différents chantiers ? Et bien c’est notamment celui des compétences à venir nécessaires. 

Dans les trois cas, que ce soit pour généraliser la médecine personnalisée, ou faire de la France un leader dans les domaines de l’e santé ou des biotechnologies, nous avons besoin de professionnels ayant des connaissances médicales, et des connaissances d’autres champs, notamment en mathématique, informatique, intelligence artificielle, biologie.  La formation médicale pour exercer la médecine doit changer, et la formation médicale doit aussi servir à exercer d’autres métiers que celui de médecin. 

Enfin, les enquêtes menées par l’ANEMF et par d’autres organisations d’étudiants en santé montrent que certains étudiants vivent mal leurs études. La discordance que vous percevez, entre ce qui vous est demandé, et ce qui serait le plus pertinent pour votre exercice futur, ce sentiment d’apprendre des choses dont on doute parfois de l’utilité, et d’y consacrer pourtant de très nombreuses heures, induisent comme une perte du sens de vos études. La compétition permanente dans laquelle vous enferment des études initiées et terminées par un concours n’est sans doute pas non plus très propice à l’épanouissement de tous. Ce constat appelle des réponses immédiates et nous mettons en place, comme  nous nous y sommes engagées le centre national d’appui pour la qualité de vie des étudiants en santé, qui bénéficiera de moyens dédiés, mais appelle aussi des évolutions de fond. 

A partir de ces trois constats, d’une plus grande diversité des métiers  pour lesquels des connaissances médicales sont nécessaires,  d’une importance encore plus grande des compétences relationnelles et cliniques dans l’exercice de la médecine, et d’une demande forte de pourvoir comme je l’ai déjà exprimé devant vous "réfléchir et respirer" ;, nous devons refonder les études de médecine, et mieux les inclure dans le paysage global de la santé et de l’enseignement supérieur et la recherche

Concernant l’entrée dans les études de santé, et le premier cycle, des expérimentations sont en cours. Nous avons permis dans le cadre de la loi orientation et réussite des étudiants qu’elles soient poursuivies et étendues ; L’évaluation d’autres compétences lors d’épreuves orales concernera l’année prochaine près du quart des étudiants inscrits en PACES. L’admission d’étudiants ayant débuté d’autres premiers cycles va progressivement devenir "normale". Il reste encore du travail pour dessiner complètement les modes d’admission dans les études de santé et nous le ferons avec toutes les parties concernées. Le souci d’inclure ces études dans une vision rénovée des premiers cycles universitaires valorisant  la construction progressive de l’orientation, la personnalisation des parcours et la réussite des étudiants sera central. 

Mais revenons à l’ECN et donc tout à la fois à l’organisation du 2e cycle et à l’admission dans le 3e cycle. Et venons-en à l’information que vous attendez tous. 

Les étudiants qui entreront en 4e année en 2019 bénéficieront d’un second cycle entièrement rénové. 

L’engagement de l’état d’assurer que les modes de spécialisation des médecins correspondent aux besoins de la population restera entier et La ministre des solidarités et de la santé y reviendra. Mais ceci ne signifie pas que les étudiants doivent être classés du premier au dernier sur un seul critère et que cette course au classement doive imprégner toute la pédagogie du second cycle. Dans la ligne du rapport que nous avions commandé au Professeur Dubois-Randé et à Quentin Hennion–Imbault, nous transformerons ce deuxième cycle sur la base de trois idées directrices :

  • Maintenir une évaluation nationale des connaissances, valorisant le recours aux nouvelles technologies qu’ont su développer les facultés de médecine et la centrer sur les connaissances essentielles ;
  • Introduire, résolument, un apprentissage par compétence, et une évaluation des compétences cliniques ; 
  • Permettre que les caractéristiques spécifiques de tel parcours étudiant soit prises en compte lorsqu’elles sont particulièrement pertinentes pour l’exercice de telle spécialité. Il n’est pas normal qu’un étudiant qui a assuré le tutorat d’anatomie et exercé comme aide-opératoire ne voit cette expérience aucunement prise en compte pour l’accès à une spécialité chirurgicale ; Il n’est pas normal qu’un étudiant faisant un double cursus de recherche soit découragé de poursuivre une activité recherche pour préparer l’ECN. 

Il n’est pas normal que le nombre d’étudiants souhaitant un exercice de la médecine générale décroisse au cours des études. 

Ces trois lignes de forces dessinent le contour d’une procédure rénovée d’admission dans le troisième cycle, basée sur  une pédagogie médicale moderne, compatible avec une adéquation des compétences aux besoins de la population, et favorable à l’épanouissement des étudiants. 

Vous avez choisi l’un des plus beaux métiers qui soit, appuyé sur des connaissances de champs très divers, au service des autres, ouvert sur le monde

Ensemble nous allons lui dessiner des études à son image.

Contact presse

Secrétariat presse du Cabinet

01 55 55 84 24