Publié le 12.02.2019

Concertation sur l'admission dans les études de santé : discours de Frédérique Vidal

Frédérique Vidal a lancé la concertation régionale de réforme des études de santé lors d'une déplacement à la faculté de médecine de Reims -Université de Reims Champagne-Ardenne mardi 12 février 2019.

Étudiants en tp

Je suis heureuse d’ouvrir à Reims cette nouvelle phase de la concertation sur l’évolution de l’admission dans les études de santé, qui doit nous permettre de préciser ce que nous souhaitons collectivement dessiner pour l’admission des étudiants dans les filières de médecine, pharmacie, odontologie, maïeutique, mais aussi dans les filières qui aujourd’hui recrutaient via la paces, notamment la kinésithérapie. 

Je souhaite vous remercier tous de votre présence, et de votre mobilisation, dans un délai qui a été bien court pour ceux concernés par cette première réunion.

Le défi que nous devons relever est double. Il s’agit d’une part de faire réussir les étudiants qui s’inscrivent à l’université et vous savez que cet objectif est le fil conducteur des transformations que j’ai conduites à la tête du ministère. Il n’est pas acceptable que pour 1000 étudiants inscrits en PACES, 600 doivent le plus souvent tout recommencer après deux échecs, ni que deux tiers de ceux qui seront admis dans les filières santé aient redoublé. 

Il s’agit d’autre part de recruter autrement les futurs étudiants des filières de santé pour maintenir, dans un environnement qui change, l’excellence de nos formations.

Dans notre réflexion nous devons avoir à l’esprit à la fois le temps court – comment transformer nos formations pour que demain l’admission dans les études de santé se fassent dans un parcours de réussite pour le plus grand nombre, et le temps long – de quelles compétences le système de santé, et plus généralement l’ensemble de notre société ont-ils besoin dans dix à quinze ans ?

Commençons par le temps long, le plus important et celui que l’on risque le plus d’oublier une fois plongés dans l’action. 

La population, particulièrement dans certains territoires, dont celui où nous nous trouvons aujourd’hui nous demande de résoudre les difficultés auxquelles elle est confrontée lorsqu’elle recherche un médecin, qu’il s’agisse d’un médecin de famille ou d’un ophtalmo.

Je veux être claire ici. La suppression du numérus clausus ne peut pas être un outil permettant de répondre rapidement à cette demande légitime. La situation devant laquelle nous sommes est le résultat des décisions prises dans les années 1990 et de la réduction drastique du nombre de médecins qui ont été formés dans ces années, deux fois moins qu’aujourd’hui, dans certaines facultés comme celle-ci,  trois fois moins qu’aujourd’hui. Supprimer le numérus clausus, c’est donc proposer de déterminer le nombre de professionnels formés plus près du terrain, à partir des besoins des territoires et des capacités de formation, pour éviter de répéter les erreurs passées. C’est ce que propose l’article 1 du projet de loi soumis au conseil d’état. Dans vos régions vous devrez donc définir ensemble les objectifs que vous vous fixerez, au plus près des besoins de votre territoire, et en tenant compte de vos capacités de formation.

La réforme de l’admission dans les études de santé s’inscrit dans une perspective globale de transformation du système de santé, qui doit, elle, permettre, d’améliorer  rapidement l’accès aux soins. C’est par exemple l’objectif de la création des formations d’infirmier de pratiques avancées qui vont permettre, à une échéance beaucoup plus brève de disposer de professionnels qui amélioreront la prise en charge des patients, par exemple ceux atteints de maladies chroniques et libèreront du temps médical. 

Les métiers de la santé sont divers et évoluent. Recruter sur les mêmes critères les futurs pharmaciens de l’industrie, les futurs médecins généralistes, les futures sage-femmes,  et les futurs spécialistes de chirurgie orale n’a pas beaucoup de sens. Les patients nous demandent aussi de prêter plus d’attention, tout au long des études aux qualités relationnelles et humaines des étudiants. Nous devons donc repenser la façon dont nous décidons qu’un étudiant est admis ou non en deuxième année de telle filière.

Penser le temps long, c’est aussi se demander de quelles compétences notre société, notre système de santé auront besoin en 2030. Certaines évolutions sont déjà là, ou sont prévisibles. Je veux en citer trois. La population sera plus âgée et des patients porteurs de poly-pathologies complexes souhaiteront vivre et être soignés dans leur environnement. La capacité de collaborer au service d’un projet commun avec d’autres professionnels, le patient et ses proches sera une compétence clé des professionnels. L’intelligence artificielle transformera un certain nombre des processus diagnostics et la capacité à comprendre les principes de ces nouveaux process et à dialoguer avec des informaticiens et des ingénieurs sera une compétence clé. Les innovations thérapeutiques, les nouveaux médicaments et les nouveaux services nécessiteront que certains professionnels de santé aient une double compétence en mathématique et en santé, en bioingénierie et en santé. 

Ces évolutions ne sont pas entièrement spécifiques des professions de santé ; Elles sont caractéristiques d’un monde complexe, ou les connaissances sont si nombreuses qu’elles ne peuvent être contenues dans la mémoire d’un individu, ou elles sont accessibles et se renouvellent rapidement. Nous ne pouvons donc plus former seulement des étudiants qui savent, mais aussi des étudiants qui savent apprendre, savent faire, savent mettre en question, savent porter projet, savent prendre une décision dans un contexte d’incertitude et combinent ces différentes compétences dans leur activité professionnelle mais aussi en tant que citoyens. 

Rétrécissons la focale et venons-en au temps court, celui de la formation des étudiants en santé en premier cycle. 

Nous devons remplacer un système unique, qui ne propose aux étudiants qu’une voie d’accès et ne les recrute que sur un type d’intelligence, par un système d’accès multiple permettant à d’excellents étudiants de réussir.

Nous ne partons pas de rien, et les Alterpaces, comme développées par exemple par l’université de Strasbourg, sont une preuve de concept.  Un premier objectif est donc de pouvoir définir dans chaque université quelles sont les voies d’accès souhaitables pour les différentes filières. L’objectif n’est pas d’imposer un modèle unique mais bien de proposer partout plusieurs voies. Concrètement cela voudra dire informer les lycéens que l’inscription dans tel ou tel cursus de licence permet, dans des conditions que nous définirons de candidater pour les études de santé. L’objectif est bien que certains des étudiants qui aujourd’hui s’inscrivent en PACES s’orientent vers ces cursus et il faut donc que vous précisiez, pour chaque université, quelles évolutions des capacités d’accueil vous pouvez proposer, et que nous puissions fixer le nombre minimum de places dans les filières de santé offert pour chaque type d’accès. Cette offre doit bien sur être disponible aussi dans les universités qui n’ont pas de composante santé, et sont souvent situées sur des territoires très en difficulté démographique. 

Construire ces accès à partir de multiples filières existantes est le premier défi.

La PACES d’aujourd’hui n’a pas que des défauts, et elle propose dès la première année, un cursus centré sur les sciences de la santé ; au cours de la concertation est apparue l’idée d’un portail santé, qui aurait cette caractéristique, mais serait conçu, non comme une année de tri et de sélection des étudiants mais comme une réelle année de formation, utile à tous les étudiants, ceux qui intègreront les filières de santé, mais aussi tous les autres. Il faut le construire, en réutilisant les qualités de la PACES, notamment l’expertise de cette filière dans la dématérialisation, et en l’intégrant dans l’offre de premier cycle de vos universités. Transformer la PACES actuelle en un portail prévoyant des orientations (et non des réorientations après échec), développer  les formations nécessaires aux nouveaux métiers, je pense notamment à la bio-informatique et à tous les métiers du numérique en santé, est le second défi. 

C’est en fait une formidable opportunité pour l’évolution du premier cycle dans son ensemble.  Comme je l’ai dit en introduction, la complexité croissante du monde, et la nécessite de structurer nos premiers cycles en faisant plus de place à l’interdisiciplinarité, aux compétences transversales, n’est pas une caractéristique des seules formations en santé. 

C’est la ligne de force autour de laquelle sont construits la plupart des Nouveaux Cursus Universitaires et c’est l’esprit de la loi ORE et de l’arrêté licence. Jusqu’ici les étudiants inscrits en PACES, qui peuvent représenter de 20 à 40% des néo-entrants dans les universités avec composante santé n’étaient pas inclus dans cette dynamique. 

Demain ils doivent l’être et les solutions que vous proposerez pour la construction de portails santé d’une part, et pour l’accès par des licences comportant une mineure santé peuvent s’inclure dans les transformations que nous portons en général pour le premier cycle. Des adaptations spécifiques seront nécessaires pour ce portail santé et nous les inclurons dans le texte règlementaire.

Ces questions, qui ont trait à l’organisation de l’offre de formation, doivent d’abord être réfléchies localement, et c’est le sens du cycle de réunions que nous organisons ; La rédaction du décret en conseil d’état en fixera ensuite le cadre et garantira que les spécificités qui seraient nécessaires seront possibles.

La deuxième partie du travail qui nous attend consiste à définir de nouvelles modalités d’admission dans les filières de santé. Celle-ci doivent garantir une équité de traitement de tous les étudiants partout sur le territoire, tout en sortant du tout QCM actuel et en permettant à des étudiants de différents profils de réussir. Elles seront discutées dans le cadre d’un groupe de travail national. La clé de voute que nous proposerons sera de bien distinguer acquisition de crédit et validation d’une année universitaire d’une part, qui devra être un objectif atteint pour le plus grand nombre possible d’étudiants, et  recrutement dans les filières santé qui restera sélectif. Les modalités restent à préciser et pourront distinguer une phase d’admissibilité, permettant de constituer un groupe restreint d’étudiants admissibles, et une phase d’admission qui devra être construite pour évaluer des compétences principalement transversales que des étudiants de profils disciplinaires divers peuvent démontrer. La possibilité de se présenter à deux reprises à ce processus de sélection sera garantie pour tous les étudiants, à condition qu’ils progressent dans leur  parcours,  et des mesures transitoires, adaptées aux étudiants inscrits en PACES en 2019 seront proposées.  

Cette réunion est donc un premier tour de table de la façon dont vous envisagez les évolutions dans vos établissements. Elle pourra se poursuivre d’une discussion de mes services avec chacun d’entre vous, et elle s’articulera avec une concertation nationale sur certains sujets dont les modalités d’admission ou les spécificités d’un portail santé. 

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