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Publication hebdomadaire (ISSN : 2110-6061)

CNESER

Sanctions disciplinaires

nor : ESRS1200425S

Décision du 12-7-2012

ESR - DGESIP


Affaire : Monsieur XXX, maître de conférences, né le xxx

Dossier enregistré sous le n° 750

Appel formé par Monsieur xxx d'une décision de la section disciplinaire du conseil d'administration de l'université de Paris 4

Le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire

Étant présents :

Professeurs des universités ou personnels assimilés :

Mustapha Zidi, président

Richard Kleinschmager, vice-président

Karine Doré-Mazars

Monsieur Michel Gay

Philippe Guérin

Maîtres de conférences ou personnels assimilés :

Christine Barralis

Anne Roger Y Pascual

Marc Boninchi

Jérôme Valluy

Vu la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie ;

Vu le code de l'éducation, notamment ses articles L. 232-2 à L. 232-7, L. 712-4 et L. 952-8, R. 232-23 à R. 232-48 ;

Vu le décret n° 92-657 du 13 juillet 1992 relatif à la procédure disciplinaire dans les établissements publics d'enseignement supérieur placés sous la tutelle du ministre chargé de l'enseignement supérieur, modifié en dernier lieu par le décret n° 2012-640 du 3 mai 2012 ;

Vu la décision de la section disciplinaire du conseil d'administration de l'université de Paris 4, en date du 21 mai 2010, prononçant la révocation de Monsieur XXX accompagnée d'une interdiction définitive d'exercer toute fonction dans un établissement public ou privé, décision immédiatement exécutoire nonobstant appel ;

Vu l'appel formé par Monsieur XXX le 7 juillet 2010 de la décision de la section disciplinaire du conseil d'administration de l'université de Paris 4 ;

Le dossier et le rapport ayant été tenus à la disposition des parties, de leur conseil et des membres du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire dix jours francs avant le jour fixé pour la délibération ;

Vu ensemble les pièces du dossier ;

Monsieur XXX ayant été informé de la tenue de cette séance par lettre du 20 juin 2012 ;

La rectrice de l'académie de Nice ayant été informée de la tenue de cette séance par lettre du 20 juin 2012 ;

Monsieur xxx et ses conseils maîtres Michel Gravé, Lionel Moroni et Arnaud Lucien étant présents en début de séance puis l'ayant quittée au bout d'une heure sans revenir ;

La rectrice de l'académie de Nice et ses conseils maîtres Thierry Dal Farra, Édouard Caupert et Mehdi Boudieb étant présents ;

Mesdames B. G., M. R., F. B., N. H., C. B., M. L., témoins, étant présentes ;

Messieurs P. T., J. G., M. B. et O. A. B., témoins, étant présents ;

Après lecture par Christine Barralis, en audience publique, du rapport établi au nom de la commission d'instruction par Olivier Beaud ;

Après avoir entendu, en audience publique, les demandes et explications des parties ;

Après que ces personnes et le public se sont retirés ;

Après en avoir délibéré

- Sur la recevabilité de l'appel formé par Monsieur XXX

Considérant que la rectrice de l'académie de Nice soutient que l'appel de Monsieur XXX serait irrecevable ; qu'elle fait valoir au soutien de cet argument que les conclusions de l'appelant et de ses conseils ne contiendraient aucun moyen visant à remettre en cause, sur le fond ou sur la forme, la décision de première instance ;

Considérant toutefois que Monsieur XXX a critiqué, lors de la séance d'instruction du 17 novembre 2011, la sévérité de la décision des premiers juges, en qualifiant la sanction prononcée à son encontre d'injuste et de disproportionnée ; qu'aucune disposition réglementaire n'oblige les parties à formuler leurs conclusions par voie écrite ; que le moyen d'irrecevabilité soulevé par la rectrice de l'académie de Nice doit dès lors être écarté ;

- Sur la régularité de la procédure devant le CNESER statuant en matière disciplinaire

Considérant que Monsieur XXX et ses conseils ont demandé, dès le début de l'audience, le renvoi à une date ultérieure de la séance de jugement, sous prétexte que l'appelant n'aurait pas été à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces de son dossier ;

Considérant toutefois que le dossier a été mis à disposition des parties conformément aux dispositions de l'article R. 232-37 du code de l'éducation ; que l'argument de Monsieur XXX et de ses conseils est donc dépourvu de fondement ;

Considérant que la requête de la défense tendant au report de l'audience s'appuyait également sur le caractère tardif de la transmission du mémoire de la rectrice de l'académie de Nice, enregistré au siège de la juridiction et communiqué à Monsieur XXX et ses conseils le 9 juillet 2012 ; que Monsieur XXX et ses conseils ont affirmé que ce mémoire contiendrait des éléments nouveaux de nature à justifier un délai pour préparer sa défense ;

Considérant que ledit mémoire se contentait de résumer les faits et la procédure et qu'il tendait aux mêmes fins que les documents déjà présents dans le dossier ; qu'il ne contenait dès lors aucun élément nouveau de nature à justifier un report de l'audience ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il n'existait aucun motif sérieux de renvoi de l'audience à une date ultérieure ;

Considérant que l'article R. 232-37 du code de l'éducation donne compétence au président du CNESER statuant en matière disciplinaire pour fixer la date d'audience de chaque affaire soumise à cette juridiction ; que le même texte précise que le président du CNESER statuant en matière disciplinaire peut en outre ordonner un supplément d'information s'il considère que l'affaire n'est pas en état d'être jugée, ou ordonner la réouverture de l'instruction s'il estime que le CNESER se trouve saisi de nouveaux éléments ;

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que le président du CNESER statuant en matière disciplinaire était compétent pour statuer seul sur la demande de report formulée par Monsieur XXX et ses conseils; qu'il a donc pu rejeter en début d'audience ladite demande en estimant que la juridiction n'était pas saisie de faits nouveaux de nature à justifier la réouverture d'une instruction ;

Considérant que Monsieur XXX et ses conseils reprochent au président du CNESER statuant en matière disciplinaire de lui avoir adressé sa convocation à l'audience de jugement directement à son adresse personnelle ; qu'ils estiment que cette convocation aurait du être adressée à son premier avocat régulièrement constitué en application de l'article R. 431-1 du code de la justice administrative ;

Considérant toutefois que l'article R. 431-1 du code de la justice administrative n'est pas applicable au CNESER statuant en matière disciplinaire ; que le CNESER statuant en matière disciplinaire est régie par des dispositions spécifiques du code de l'éducation ; que les articles R. 232-38 et R. 232-41 dudit code indiquent que le président du CNESER statuant en matière disciplinaire convoque chacune des personnes intéressées devant la formation de jugement et que la notification de la décision de jugement est faite à l'intéressé ; qu'aucune disposition n'impose au président du CNESER statuant en matière disciplinaire de convoquer en outre les avocats des parties ou de les informer de la tenue de l'audience ;

Considérant qu'il appartenait à Monsieur XXX de communiquer à ses conseils la convocation qui lui a été régulièrement adressée ; que la procédure de convocation est juridiquement régulière et n'est pas de nature à engendrer une violation quelconque des droits de la défense ;

Considérant que Monsieur XXX et ses conseils ont demandé à plusieurs reprises une copie intégrale du dossier de la procédure ; que les conditions de communication aux parties sont régies pour le CNESER statuant en matière disciplinaire par l'article R. 232-37 du code de l'éducation qui indique que le rapport et les pièces du dossier sont tenus à leur disposition dix jours francs avant la date fixée pour la séance de jugement ; qu'aucune disposition réglementaire ne prévoit en revanche la délivrance de copies des pièces de procédure ;

Considérant dès lors que le président du CNESER statuant en matière disciplinaire n'avait pas à communiquer à Monsieur XXX une copie des pièces de son dossier ; qu'aucune violation des droits de la défense ne saurait être invoquée dans la mesure où le dossier a été communiqué à l'appelant dans le respect des dispositions réglementaires ;

Considérant que les conseils de Monsieur XXX soulèvent une exception d'illégalité devant le CNESER statuant en matière disciplinaire et lui demandent de surseoir à statuer en renvoyant une question préjudicielle au conseil d'État ; qu'ils estiment en effet que l'article R. 232-37 du code de l'éducation serait contraire aux dispositions de la convention européenne des droits de l'homme et à plusieurs dispositions législatives ou réglementaires ;

Considérant que les juridictions comme le CNESER statuant en matière disciplinaire sont des juridictions administratives ; qu'elles sont donc compétentes pour apprécier la légalité des différentes dispositions réglementaires dont elles doivent faire application ; qu'elles ne peuvent pas, dès lors, surseoir à statuer et poser une question préjudicielle au conseil d'État ; que la légalité des dispositions de l'article R. 232-37 du code de l'éducation n'est au demeurant pas douteuse ;

Considérant que le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire a décidé, le 23 janvier 2012, et en application de l'article
23-3 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au conseil d'État la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 232-3, et des articles L. 712-4 et L. 952-8 du code de l'éducation ; que le conseil d'État a toutefois décidé, par décision en date du 16 mai 2012, de ne pas transmettre ladite question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel ;

Considérant que Monsieur XXX et ses conseils demandent que le rapport d'instruction soit écarté des débats ; qu'ils estiment en effet que la procédure d'instruction devant le CNESER statuant en matière disciplinaire aurait dû être suspendue pendant que la question prioritaire de constitutionnalité transmise par cette juridiction était pendante devant le conseil d'État ;

Considérant que l'article 23-3 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée par la loi organique n° 2009-1253 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article
61-1 de la Constitution précise au contraire que le cours de l'instruction n'est pas suspendu devant la juridiction administrative lorsqu'une question prioritaire de constitutionnalité est transmise au conseil d'État ; que le moyen soulevé par les conseils de Monsieur XXX doit donc être écarté ;

Considérant que Monsieur XXX et ses conseils reprochent au président du CNESER statuant en matière disciplinaire de ne pas avoir répondu de manière favorable à l'ensemble des demandes d'audition de témoins formulées par ses avocats ; qu'ils estiment que le président du CNESER statuant en matière disciplinaire est tenu d'entendre tous les témoins pour lesquels une demande d'audition est déposée ;

Considérant que l'article R. 232-38 alinéa 2 du code de l'éducation précise que le président du CNESER statuant en matière disciplinaire peut entendre des témoins à l'audience de jugement s'il l'estime nécessaire ; qu'il résulte de cette disposition que le président n'a pas l'obligation de donner une suite favorable aux demandes de convocations de témoins proposés par la défense ;

- Sur le caractère contradictoire de la procédure

Considérant que Monsieur XXX et ses conseils étaient présents le 11 juillet 2012 à l'ouverture de la séance de jugement ; qu'ils ont ensuite quitté l'audience au bout d'une heure sans y revenir ; qu'ils ont justifié ladite démarche en indiquant vouloir protester contre une supposée violation des droits de la défense ;

Considérant que Monsieur XXX et ses conseils ont quitté cette séance de jugement sans chercher au préalable à s'expliquer sur les faits reprochés à l'appelant ; que l'invocation de cette prétendue violation des droits de la défense est un argument qui ne peut être retenu et qui aurait permis à Monsieur XXX de différer son jugement ; que le CNESER statuant en matière disciplinaire a donc estimé, après en avoir délibéré, que l'absence de l'appelant était injustifiée au sens de l'article R. 232-38 du code de l'éducation ; qu'il ressort de ce qui précède que Monsieur XXX a été regardé comme jugé au terme d'une procédure réputée contradictoire ;

- Sur les faits reprochés à Monsieur XXX

Considérant qu'il résulte de l'instruction du dossier que Monsieur XXX a mis personnellement en place un dispositif d'instruction illégal des demandes d'inscription d'étudiants étrangers, en particulier chinois, au sein de l'université Sud-Toulon-Var (USTV) ; qu'il a recruté dans des conditions juridiquement irrégulières des attachés temporaires d'enseignement et de recherche de même nationalité, dont la mission était de jouer les intermédiaires pour recruter lesdits étudiants ; que la commission centralisée de validation mise en place à l'USTV et présidée par Monsieur XXX ne s'est jamais réunie et que l'appelant était le seul à décider des admissions des étudiants étrangers ; que, de ce fait, Monsieur XXX a délibérément contourné les procédures régulières prévues par le décret n° 85-906 du 23 août 1985 qui fixe les conditions de validation des études, expériences professionnelles ou acquis personnels et précise également l'organisation de la commission pédagogique pour les recrutements des étudiants étrangers ;

Considérant que Monsieur XXX a mis personnellement en place un système de préinscriptions d'étudiants étrangers au sein de l'USTV qui leur permettait d'obtenir des visas afin de séjourner en France ;

Considérant qu'en facilitant l'arrivée massive d'étudiants chinois ne maîtrisant pas le français, Monsieur XXX a contribué à désorganiser la marche de l'USTV, en particulier pour les enseignements et les examens ; qu'à aucun moment Monsieur XXX n'a réellement pris au sérieux les tentatives de corruption dont ont été l'objet certains personnels enseignants de l'institut d'administration des entreprises de l'USTV, de la part d'étudiants chinois cherchant à être inscrits dans l'enseignement supérieur et diplômés ;

Considérant que, à la suite de ces irrégularités et de ces malversations, et après la première visite de l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR) à l'USTV, dont l'objet était d'enquêter sur une présomption de trafic de diplômes, Monsieur XXX a exercé des pressions sur des membres de son université afin de freiner l'enquête administrative ; que, lors des différentes inspections effectuées par l'IGAENR, dont la deuxième consécutive à l'engagement de poursuites disciplinaires à l'encontre de Monsieur XXX, ce dernier a fait obstacle au travail des inspecteurs en ne leur fournissant pas accès à tous les éléments des dossiers ; qu'il a par conséquent violé l'article L. 241-2 du code de l'éducation qui indique que les administrations de l'État, les collectivités publiques, les services, établissements, institutions ou organismes mentionnés sont tenus de prêter leur concours aux membres de l'inspection générale, de leur fournir toutes justifications et tous renseignements utiles et de leur communiquer tous documents nécessaires à l'accomplissement de leurs missions ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction du dossier et des différentes auditions que la gouvernance de Monsieur XXX à la tête de l'USTV s'est caractérisée par la personnalisation et l'abus de pouvoir et une pratique clientéliste ; que, dans l'exercice de ses fonctions, Monsieur XXX a nui à l'université dans son ensemble et a manqué à ses obligations en raison d'agissements incompatibles avec l'éthique universitaire ;

Considérant dès lors que les juges de première instance ont fait une juste appréciation des faits en condamnant Monsieur XXX à la révocation de la fonction publique, accompagnée d'une interdiction définitive d'exercer toute fonction dans un établissement public ou privé ;

Par ces motifs

Statuant au scrutin secret, à la majorité absolue des membres présents ;

Décide

Article 1 - L'appel introduit par Monsieur XXX est recevable.


Article 2 - La demande de sursis à statuer et de renvoi au conseil d'État pour question préjudicielle est rejetée.


Article 3 - Le jugement de la section disciplinaire du conseil d'administration de l'université de Paris 4 du 21 mai 2010 prononçant la révocation de Monsieur XXX de la fonction publique, accompagnée d'une interdiction définitive d'exercer toute fonction dans un établissement public ou privé, est confirmé.


Article 4 - Dans les conditions fixées aux articles R. 232-41 et R. 232-42 du code de l'éducation susvisé, la présente décision sera notifiée à Monsieur XXX, à la rectrice de l'académie de Nice , au président de l'université Sud-Toulon-Var, à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche et publiée, sous forme anonyme, au Bulletin officiel du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche ; copie sera adressée, en outre, au président de l'université Paris 4.

 

Fait et prononcé en audience publique à Paris, le 12 juillet 2012 à 13 h 30, à l'issue du délibéré.

Le président,
Mustapha Zidi
La secrétaire de séance,
Christine Barralis

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