bo Bulletin officiel Ministère de l'Enseignement supérieur
et de la Recherche

Édité par le MESR, le Bulletin officiel de l'enseignement supérieur et de la recherche publie des actes administratifs : décrets, arrêtés, notes de service, circulaires, avis de vacance de postes, etc. La mise en place de mesures ministérielles et les opérations annuelles de gestion font l'objet de textes réglementaires publiés dans des BO spéciaux.
Publication hebdomadaire (ISSN : 2110-6061)

Organisation

Prévention et traitement du harcèlement sexuel dans les établissements publics d'enseignement supérieur et de recherche relevant du MENESR

nor : MENS1522912C

Circulaire n° 2015-193 du 25-11-2015

MENESR - DDA1-2

Texte adressé aux présidentes et présidents d'universités et directrices et directeurs d'établissements d'enseignement supérieur ; aux présidentes et présidents et directrices et directeurs d'organismes de recherche ; aux rectrices et recteurs d'académie, chancelières et chanceliers des universités ; au directeur du Centre national des œuvres universitaires et scolaires ; aux directrices et directeurs des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires

Le harcèlement sexuel est une violence qui touche plus particulièrement les femmes et entretient les inégalités entre les femmes et les hommes.

Depuis la loi du 6 août 2012, la sanction de ce délit défini à l'article 222-33 du code pénal a été renforcée (1).

Pourtant la mise en lumière de la persistance de tels faits est demeurée trop confidentielle pour que la réprobation inscrite dans le Code pénal fasse écho à une réprobation de toutes et tous, dans la vie sociale, dans la vie au travail, ou dans les établissements d'enseignement supérieur et de recherche.

Le harcèlement sexuel peut concerner, comme auteur ou comme victime, les agents ou les usagers des établissements publics d'enseignement supérieur et des établissements publics de recherche.

La lutte contre le harcèlement sexuel dans l'enseignement supérieur et la recherche doit donc être l'affaire de tous. Seule une politique de prévention volontaire, inscrite dans un cadre global de lutte contre les discriminations et toute forme de violences sexistes et sexuelles, alliée à la fermeté dans la répression de ces actes, permettra de protéger efficacement les victimes, en faisant tomber le tabou et le sentiment d'impunité qui peuvent parfois exister. Il en va de la réputation et de l'image de vos établissements.

La présente circulaire appelle donc l'attention de chacun d'entre vous sur les dispositions qu'il vous appartient de mettre en œuvre lorsque des faits relevant du harcèlement sexuel sont portés à votre connaissance. Elle précise la procédure disciplinaire, rappelle certains principes en matière d'accompagnement des victimes (ou des personnes s'estimant victimes), et présente certaines mesures de prévention. Elle abroge la circulaire n° 2012-0027 du 25 novembre 2012 (Nor : ESRS1240749C).

I. L'existence de faits relevant du harcèlement sexuel et la protection des victimes

1. L'enquête interne

Une fois informée de faits susceptibles de relever du harcèlement sexuel, l'administration est tenue d'apporter une réponse. Il est fortement recommandé, sans préjudice des actions de nature judiciaire qui sont engagées, de diligenter une enquête interne permettant d'établir l'exactitude des faits (auditions, confrontations). Il est recommandé que cette enquête soit diligentée par le président ou le directeur de l'établissement ou son représentant, dans un esprit d'impartialité et de neutralité nécessaire à l'établissement des faits.

Lors de cette enquête, la personne désignée pour la conduire peut auditionner les victimes des faits litigieux, ses auteurs présumés, les collègues et d'autres éventuels témoins. L'examen de la situation, au travers des déclarations des agents et/ou des usagers et des éventuels témoignages recueillis au cours d'entretiens doit permettre d'aboutir à une vision objective des faits et, dans la mesure du possible, à des constats les avérant. Cette évaluation vise d'une part à établir les faits, et d'autre part à orienter la mise en œuvre des mesures pertinentes (mesures conservatoires dans un premier temps et si nécessaire, procédure disciplinaire).

Nous insistons particulièrement sur l'importance de l'enquête interne qu'il convient de conduire. Elle doit permettre de prendre en considération les déclarations de toutes les personnes concernées, agents et/ou usagers, tout en garantissant la confidentialité des propos recueillis. Sur la base des éléments circonstanciés recueillis, l'administration engage une procédure disciplinaire à l'encontre des auteurs présumés de harcèlement sexuel.

2. La protection des victimes de harcèlement sexuel

L'administration doit veiller à la protection de la santé des agents placés sous son autorité et/ou des usagers, et mettre en œuvre des mesures de protection adaptées, le cas échéant.

Si elles ne peuvent pas saisir la section disciplinaire, les personnes s'estimant victimes disposent, comme tout personnel et usager d'un établissement public, de la faculté de s'adresser aux autorités qui en assurent la direction.

Dans ces conditions, toute personne (personnel ou usager) victime ou s'estimant victime de harcèlement sexuel de la part d'un personnel ou usager peut solliciter le responsable de l'établissement ou son représentant et lui demander d'engager des poursuites disciplinaires.

Le signalement auprès du responsable de l'établissement peut également être opéré via une instance de médiation (médiateur académique par exemple), les services de l'établissement (direction des ressources humaines, services sociaux, mission égalité, médecine préventive universitaire / médecine de prévention ou tout autre service) ou un représentant du CHSCT. Il importe en tout état de cause que le président ou le directeur de l'établissement dispose d'éléments circonstanciés lui permettant d'engager la procédure disciplinaire.

En leur qualité d'agent public, les personnes s'estimant victimes peuvent demander la protection fonctionnelle telle que mentionnée à l'article 11 alinéa 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires qui dispose que « la collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté ».

La protection fonctionnelle est une obligation d'assistance pour l'employeur, qui ne se manifeste pas uniquement par un soutien juridique ou financier (prise en charge des frais d'avocat, le cas échéant). Elle peut également consister en un soutien moral ou une modification des conditions de travail et de l'organisation du service.

II. La procédure disciplinaire

1. Procédure disciplinaire et procédure pénale

Sur la base des faits retracés dans le cadre de l'enquête interne diligentée, le responsable de l'établissement ou son représentant par délégation engage la procédure disciplinaire, et ce même en l'absence de poursuites pénales.

Nous appelons l'attention des responsables des établissements ainsi que celle des recteurs d'académie sur le fait qu'ils ne sauraient se dispenser de mettre en œuvre les pouvoirs qu'ils tiennent de la loi ou du règlement en matière disciplinaire dès lors que les personnels et les usagers desdits établissements se trouvent mis en cause pour des faits paraissant suffisamment avérés, relevant du harcèlement sexuel et susceptibles de donner lieu à des poursuites judiciaires.

Nous rappelons au responsable de l'établissement ou à son représentant l'obligation faite par l'article 40 du code de procédure pénale de porter sans délai les faits à la connaissance du Procureur de la République, avec à l'appui de sa saisine les éléments matériels recueillis lors de l'enquête interne. Cette information doit être faite sans qu'il soit pour autant nécessaire de porter une appréciation sur la qualification juridique des agissements commis, conformément au deuxième alinéa dudit article qui dispose que « toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs ».

Par ailleurs, nous rappelons qu'en application du principe d'indépendance des poursuites disciplinaires et des poursuites pénales, les instances disciplinaires ne sont en aucune façon liées par l'existence ou l'absence de poursuites pénales. Il n'est donc pas nécessaire que les victimes de faits de harcèlement sexuel aient déposé une plainte auprès de la juridiction pénale pour que des poursuites disciplinaires soient engagées et que les sanctions soient prononcées.

De fait, dès lors qu'une instance disciplinaire estime qu'elle dispose d'éléments d'information suffisants pour établir la réalité des faits de harcèlement sexuels dénoncés, elle peut se prononcer sans attendre l'issue de l'action pénale si celle-ci a été engagée. Il convient de noter qu'« en cas de poursuite devant une juridiction répressive, la juridiction disciplinaire peut surseoir à statuer jusqu'à ce qu'une décision ait été rendue par la juridiction répressive » (article 6 du décret n° 86-1053 du 18 septembre 1986 fixant les règles de procédure devant la juridiction disciplinaire). Une telle possibilité est, en tout état de cause, offerte à toute instance disciplinaire, même en l'absence de dispositions expresses le prévoyant.

Enfin, nous précisons que les personnels des établissements d'enseignement supérieur privés ainsi que ceux des établissements publics à caractère industriel et commercial relèvent du code du travail. À ce titre, les dispositions de l'article L. 1155-2 du code du travail, issues de la loi du 6 août 2012 susmentionnée, leur sont applicables. Celles-ci prévoient que « sont punis d'un an d'emprisonnement et d'une amende de 3 750 euros les faits de discrimination commis à la suite d'un harcèlement moral ou sexuel définis aux articles L. 1152-2, L. 1153-2 et L. 1153-3 du présent code ».

Les usagers des établissements d'enseignement supérieur privés auteurs présumés des faits de harcèlement sexuel peuvent, le cas échant, relever du conseil de discipline mis en place au sein de leur établissement.

2. La section disciplinaire compétente

a. Les personnels et usagers des établissements d'enseignement supérieur

L'article R. 712-29 du code de l'éducation donne compétence aux responsables des établissements publics d'enseignement supérieur placés sous la tutelle du ministre chargé de l'enseignement supérieur pour engager des poursuites devant la section disciplinaire de l'établissement lorsque les auteurs présumés des faits sont des enseignants ou des usagers. Conformément à l'article R. 712-11 dudit code, les enseignants ou usagers auteurs présumés des faits relèvent de la section disciplinaire de l'établissement où les faits donnant lieu à poursuites ont été commis. L'article R. 712-17 du code de l'éducation spécifie toutefois que la personne responsable de l'établissement ne peut pas être membre d'une section disciplinaire.

Nous appelons tout particulièrement votre attention sur le fait que l'article R. 712-29 du code de l'éducation envisage l'hypothèse où la personne responsable d'un établissement public d'enseignement supérieur déciderait de ne pas saisir la section disciplinaire. Dans une telle éventualité, le recteur saisit le responsable de l'établissement et, si ce dernier n'a pas engagé les poursuites disciplinaires dans un délai d'un mois, le recteur peut se substituer à lui et engager les poursuites devant cette instance.

Le régime et la procédure disciplinaires applicables aux personnels BIATSS des établissements d'enseignement supérieur, à l'instar de ceux affectés au sein de l'administration centrale du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, relèvent des dispositions générales applicables à la fonction publique de l'État (2). En conséquence, le président de l'université doit saisir le recteur qui convoquera la commission administrative paritaire académique du corps concerné en formation disciplinaire.

La récusation d'un membre d'une section disciplinaire ou d'un membre du Cneser statuant en matière disciplinaire en premier ressort ou en appel peut être prononcée s'il existe une raison objective de mettre en doute son impartialité.

En outre, nous souhaitons rappeler ici la procédure de « dépaysement » introduite dans le code de l'éducation par l'article 53 de la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes. En effet, l'examen des poursuites peut être attribué à la section disciplinaire d'un autre établissement s'il existe une raison objective de mettre en doute l'impartialité de la section initialement saisie dans son ensemble.

La demande de récusation ou de renvoi à une autre section disciplinaire peut être formée par la personne poursuivie, par le responsable de l'établissement, par le recteur d'académie ou par le médiateur académique, dans les conditions prévues aux articles R. 232-30, R. 232-31-1, R. 712-26, R. 712-26-1 et R. 712-27-1 du code de l'éducation.

b. Les personnels enseignants hospitaliers

En application de l'article L. 952-22 du code de l'éducation, les personnels enseignants hospitaliers relèvent d'« une juridiction disciplinaire unique instituée sur le plan national ». La procédure suivie devant celle-ci est prévue par les dispositions du décret n° 86-1053 du 18 septembre 1986 fixant les règles de procédure devant la juridiction disciplinaire instituée par l'article L. 952-22 du code de l'éducation pour les membres du personnel enseignant et hospitalier.

La saisine de cette instance est effectuée conjointement par le ministre chargé de l'enseignement supérieur et par le ministre chargé de la santé (article 1er du décret du 18 septembre 1986 précité). C'est donc à ces derniers que les victimes de comportements constitutifs de harcèlement sexuel pourront demander de saisir la juridiction disciplinaire, en attirant le cas échéant leur attention sur les incompatibilités dans la composition de celle-ci prévues par l'article 3.

c. Les personnels des établissements à caractère scientifique et technologique

À l'instar des personnels BIATSS des établissements publics d'enseignement supérieur, les personnels des établissements publics à caractère scientifique et technologique (chercheurs, ingénieurs et techniciens) relèvent également des dispositions générales relatives à la fonction publique d'État. Le régime et la procédure disciplinaires sont précisés par la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984. Il en est de même s'agissant des chercheurs, ingénieurs et techniciens affectés au sein de l'administration centrale du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

En tout état de cause, c'est le responsable de l'établissement ou son représentant qui engage les poursuites disciplinaires. Étant placé sous la tutelle du ministre chargé de la recherche, ce dernier pourra l'inviter, le cas échéant, à exercer les compétences qui lui sont dévolues en ce domaine, s'il est constaté une carence de la part du responsable de l'établissement.

Enfin, s'agissant des agents non titulaires, ceux-ci relèvent des dispositions générales applicables aux agents non titulaires de l'État (décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 modifié). À ce titre, l'examen de leurs situations administratives en cas de manquement relève de la commission consultative des agents non titulaires (CCPNT) instituée dans leur établissement d'affectation.

3. Durant la procédure disciplinaire

a. Protection des victimes et mesures conservatoires

Dans tous les cas, dès que la procédure disciplinaire est engagée, il importe de prendre les mesures qui s'imposent pour préserver la victime d'éventuels nouveaux agissements.

Nous insistons sur le caractère immédiat des mesures conservatoires à prendre pour respecter ce principe. Il convient également de s'assurer que la victime ne soit pas pénalisée dans l'exercice de ses fonctions ou, pour les étudiants et doctorants, dans la poursuite de leurs études ou de leurs travaux de recherche.

Par exemple, nous attirons l'attention des directeurs et directrices des écoles doctorales sur les mesures conservatoires à mettre en œuvre auprès des doctorants victimes, ou s'estimant victimes, de harcèlement sexuel. Notamment, la possibilité de changer de direction de thèse devra être facilitée.

Nous rappelons que l'article 6 ter de la loi du 13 juillet 1983 précise qu'« aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire : 1° Parce qu'il a subi ou refusé de subir les faits de harcèlement sexuel mentionnés aux trois premiers alinéas, y compris, dans le cas mentionné au a, si les propos ou comportements n'ont pas été répétés ; 2° Parce qu'il a formulé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces faits ; 3° Ou bien parce qu'il a témoigné de tels faits ou qu'il les a relatés ».

Nous rappelons également que l'article 225-1-1 du code pénal dispose que « constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes parce qu'elles ont subi ou refusé de subir des faits de harcèlement sexuel tels que définis à l'article 222-33 ou témoigné de tels faits, y compris, dans le cas mentionné au I du même article, si les propos ou comportements n'ont pas été répétés ».

b. Le recours à des experts

Il convient de noter que les poursuites disciplinaires sont engagées par l'administration à l'encontre de ses personnels et usagers et que les victimes des agissements de ces derniers ne se voient pas reconnaître la possibilité d'intervenir dans la procédure. Toutefois, l'article R. 712-33 du code de l'éducation prévoit que « la commission d'instruction [de la section disciplinaire de l'établissement] instruit l'affaire par tous les moyens qu'elle juge propres à l'éclairer ».

De manière générale, le régime des procédures disciplinaires applicable aux établissements publics d'enseignement supérieur et des établissements publics de recherche permet d'entendre les victimes, de même qu'il autorise à faire appel à des experts des dossiers traités. À cet égard, nous vous encourageons dans les cas de procédures disciplinaires pour des faits de harcèlement sexuel à solliciter l'expertise de vos services juridiques et de ressources humaines ainsi que de la mission égalité de votre établissement.

c. Le respect des droits de la défense

Dans un souci du respect des droits de la défense de l'agent ou de l'usager mis en cause, dès l'engagement d'une procédure disciplinaire, il est demandé à l'administration d'informer l'agent ou l'usager par écrit (lettre recommandée avec avis de réception ou tout autre moyen).

Cette lettre précise notamment la nature des faits reprochés, ainsi que la date de la réunion de la commission disciplinaire compétente lorsque le niveau de la sanction justifie sa consultation (exclusion temporaire des fonctions et licenciement).

Seront également mentionnés dans cette lettre les droits de la personne mise en cause, à savoir :

- la possibilité de consulter l'intégralité de son dossier individuel ;

- la possibilité de formuler des observations écrites ou orales ;

- et de se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix, la défense pouvant être assurée par un avocat.

Que le prononcé de la sanction nécessite ou non la réunion d'un conseil de discipline, la personne mise en cause doit avoir été en mesure de produire ses observations en réponse aux faits qui lui sont reprochés.

4. Les décisions des sections disciplinaires

a. Le rôle du Cneser s'agissant des usagers

Les sanctions disciplinaires prononcées à l'encontre des usagers en application des articles R. 811-11 et  R. 811-12 du code de l'éducation, ou à l'encontre des enseignants en application des articles L. 952-8 et L. 952-9 du code de l'éducation, peuvent être contestées en appel devant le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (Cneser) statuant en matière disciplinaire.

Cette instance peut toutefois statuer en premier et dernier ressort « lorsque aucun jugement n'est intervenu six mois après la date à laquelle les poursuites ont été engagées devant la juridiction disciplinaire compétente » (article L. 232-2 du code de l'éducation).

Une telle disposition est de nature à éviter que des poursuites disciplinaires ne connaissent aucun aboutissement. Sa saisine est cependant opérée par « l'autorité compétente pour engager les poursuites » (article R. 232-31 du code de l'éducation) c'est-à-dire par le président, le directeur de l'établissement, ou par le recteur selon les cas. Le Cneser peut également statuer en premier et dernier ressort lorsqu'aucune section disciplinaire n'a été constituée (article L. 232-2 du code de l'éducation).

Il est à noter que l'article R. 232-37 du code de l'éducation prévoit, notamment, que la commission d'instruction du Cneser « instruit l'affaire par tous les moyens qu'elle juge propres à l'éclairer ». L'audition des victimes est donc tout à fait possible, de même que l'audition de personnes compétentes dans le traitement de dossiers de harcèlement sexuel.

Nous rappelons que le Cneser ne peut aggraver une sanction lorsque la décision de première instance a été portée en appel par la seule personne sanctionnée. Il s'agit là d'un principe général du droit rappelé par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 88-248 DC du 17 janvier 1989. En revanche, si l'administration seule fait appel de la décision rendue en première instance ou si l'administration ainsi que l'intéressé font tous les deux appels, la sanction peut être aggravée.

b. La publicité des décisions émanant des sections disciplinaires

Les modalités de publicité des décisions prononçant une sanction disciplinaire sont propres à chacune des instances appelées à statuer. S'agissant des décisions rendues par les sections disciplinaires des établissements publics d'enseignement supérieur, le deuxième alinéa de l'article R. 712-41 du code de l'éducation dispose  que « la décision (...) est affichée à l'intérieur de l'établissement » et que « la section disciplinaire peut décider que cet affichage ne comprendra pas l'identité et, le cas échéant, la date de naissance de la personne sanctionnée ». S'agissant des décisions rendues par le Cneser, l'article R. 232-42 du code de l'éducation dispose que « les décisions sont publiées au Bulletin officiel du ministère de l'éducation nationale sous forme anonyme ».

Les décisions prononçant une sanction à l'encontre des personnels des établissements publics à caractère scientifique et technologique suivent le régime prévus par l'article 67 de la loi du 11 janvier 1984 aux termes duquel l'autorité investie du pouvoir disciplinaire « peut décider, après avis du conseil de discipline, de rendre publics la décision portant sanction et ses motifs ».

Les décisions rendues par la juridiction disciplinaire instituée par l'article L. 952-22 du code de l'éducation pour les membres du personnel enseignant hospitalier ne font l'objet, aux termes du second alinéa de l'article 9 du décret du 18 septembre 1986, que d'une notification « adressée, d'une part, au ministre chargé de l'enseignement supérieur et au ministre chargé de la santé, d'autre part, à la personne intéressée et, à cette dernière, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ».

Une information sur la procédure disciplinaire ainsi que sur les mécanismes de « dépaysement » est assurée de manière régulière auprès des personnels et des usagers par chaque établissement.

III. L'accompagnement et la prise en charge des victimes

Pour favoriser un meilleur accompagnement et suivi de ces situations sensibles, nous vous demandons de mettre en œuvre une approche globale et pluridisciplinaire, par le recours aux différentes expertises présentes au sein de vos établissements.

Le service de ressources humaines de vos établissements joue un rôle central dans l'accompagnement et le suivi des victimes de harcèlement sexuel. Il peut bénéficier de l'appui d'autres acteurs énumérés ci-après.

1. La médecine de prévention

Le médecin de prévention « conseille l'administration, les agents et leurs représentants en ce qui concerne, notamment, la protection des agents contre l'ensemble des nuisances et les risques d'accidents de service ou de maladie professionnelle ou à caractère professionnel ». Il appartient donc au médecin de prévention de proposer, en consultation, des mesures médicales adaptées. Par ailleurs, avec l'accord de l'agent, il doit saisir l'autorité administrative compétente pour faire cesser le trouble subi par l'agent.

2. Le service universitaire de médecine préventive et de promotion de la santé (SUMPPS)

Dans le cadre de ses missions, le SUMPPS de l'établissement peut proposer un accompagnement psychologique à un usager victime de harcèlement sexuel. Plus largement, il assure une fonction d'écoute et de conseil et peut, avec l'accord de l'usager, solliciter la personne responsable de l'établissement pour lui demander d'engager des poursuites disciplinaires.

3. Les professionnels de proximité

Certains professionnels de l'institution intervenant en matière d'hygiène et de sécurité (prévention) ou de service social peuvent également être sollicités par les agents ou les usagers victimes de harcèlement sexuel mais également par un autre acteur ayant connaissance des faits.

Dans cette hypothèse, ils assurent une fonction d'écoute et de conseil. Il leur appartient, le cas échéant, d'orienter l'agent vers le médecin de prévention ou l'usager vers le SUMPPS.

4. La mission « égalité »

Dans le cadre de sa mission en faveur de l'égalité des sexes et de la lutte contre les discriminations, la personne référente en charge de l'égalité  propose, en lien avec les différentes composantes de l'établissement, des mesures d'accompagnement des victimes de harcèlement sexuel. Par ailleurs, elle peut, avec l'accord de l'agent ou de l'usager, solliciter la personne responsable de l'établissement pour lui demander d'engager des poursuites disciplinaires.

Nous demandons aux responsables des établissements d'enseignement supérieur et des établissements de recherche de mettre en place des dispositifs spécifiques de prévention et traitement du harcèlement sexuel. Trois ans après la mise en place des premières expériences dans vos établissements, nous souhaitons que de tels dispositifs soient généralisés. Un socle commun à tous les établissements sera donc défini, en lien avec le Comité pour l'égalité dans l'enseignement supérieur et la recherche (Comegal).

IV. La prévention

L'État et ses établissements publics doivent mettre en œuvre une politique de prévention sur le fondement des principes généraux de prévention fixés à l'article L. 4121-2 du code du travail. Le 7e alinéa de cet article fait référence au harcèlement sexuel, tel qu'il est défini à l'article L. 1153-1 du code du travail.

Conformément aux dispositions de l'article 51 du décret n° 82-453 du 28 mai 1982 modifié relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale de la fonction publique, il est prévu que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) contribue à la promotion de la prévention des risques professionnels et suscite toute initiative dans cette perspective. Il peut ainsi proposer des actions de prévention du harcèlement sexuel, notamment par le programme annuel de prévention des risques professionnels et d'amélioration des conditions de travail élaboré dans les établissements et présenté au CHSCT d'établissement.

Pour les étudiants, l'article 4 du décret n° 2012-571 du 24 avril 2012 relatif aux CHSCT dans les établissements publics d'enseignement supérieur relevant du ministère de l'enseignement supérieur précise que le CHSCT d'établissement peut se réunir en formation élargie aux représentants des usagers lorsque les questions entrant dans le champ de compétence du comité sont susceptibles d'avoir des conséquences directes sur les usagers au regard des risques auxquels ils peuvent être exposés.

Nous vous rappelons que le président d'université « est responsable de la sécurité dans l'enceinte de son établissement et assure le suivi des recommandations du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail permettant d'assurer la sécurité des personnels et des usagers accueillis dans les locaux » (article L. 712-2 du code de l'éducation).

Au sein de tout établissement public d'enseignement supérieur et de recherche et de tout organisme de recherche, il appartient à la personne référente chargée de l'égalité d'inscrire la prévention du harcèlement sexuel dans les priorités du plan d'actions de l'établissement en faveur de l'égalité des sexes et de la lutte contre les discriminations.

La dimension préventive recouvre l'information et la formation.

- L'information

La première mesure de prévention consiste à informer et sensibiliser l'ensemble des agents et des usagers et notamment les acteurs de la gestion des ressources humaines, les représentants du personnel dans le cadre des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et des comités techniques d'établissement, ainsi que les représentants des usagers dans les conseils de l'établissement. Cette information porte sur les règles de déontologie et d'éthique, sur les procédures et le droit et sur les conséquences du harcèlement sexuel pour les victimes et les agresseurs.

Nous vous invitons notamment à diffuser largement au sein de vos services ou établissements, par les moyens les plus efficaces (affichage, sites internet et intranet...) la présente circulaire, la circulaire du ministère de la justice du 7 aout 2012, ainsi que les coordonnées des interlocuteurs susceptibles de recueillir, avec toutes les garanties de confidentialité nécessaires, le témoignage d'agents et d'usagers se considérant victimes de harcèlement sexuel.

Les dispositifs spécifiques de veille et d'orientation que nous vous encourageons à mettre en place peuvent assurer l'information des agents et des usagers.

- La formation

La formation sur le harcèlement sexuel doit être renforcée en direction de l'ensemble des personnels appelés à connaître et à prendre en charge des situations de harcèlement.

Des modules spécifiques de formation initiale et continue des personnels d'encadrement et des gestionnaires de ressources humaines seront mis en place à l'initiative de l'École supérieure de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, et des responsables de formation. De telles formations pourront également être proposées au sein des académies, des établissements ou de l'administration centrale.

Par ailleurs, nous vous invitons à introduire ce thème dans vos plans de formation et à veiller que les actions de formation développées soient élaborées en lien avec les associations spécialisées dans la prévention du harcèlement sexuel et l'accompagnement des victimes, mais également en lien avec les enseignants chercheurs et les chercheurs spécialistes des violences faites aux femmes.

Nous comptons sur votre implication et votre mobilisation afin de mettre en œuvre au plus vite l'ensemble des mesures décrites dans la présente circulaire pour traiter et prévenir les cas de harcèlements sexuels qui se présenteraient au sein de vos établissements. Nous vous invitons également à nous faire remonter vos éventuelles difficultés d'application de ces mesures.

  

Fait le 25 novembre 2015

La ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche
Najat Vallaud-Belkacem

Le secrétaire d'État chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche,
Thierry Mandon

(1) Circulaire CRIM 2012-15 / E 8 du 7 août 2012 de la Garde des Sceaux, ministre de la justice.

(2) Cf. Loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État.

Annexe

Article 222-33 du Code pénal

Créé par la loi n° 2012-954 du 6 août 2012 - art. 1

I. - Le harcèlement sexuel est le fait d'imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.

II. - Est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d'user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers.

III. - Les faits mentionnés aux I et II sont punis de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende.

Ces peines sont portées à trois ans d'emprisonnement et 45 000 € d'amende lorsque les faits sont commis :

1° Par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ;

2° Sur un mineur de quinze ans ;

3° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur ;

4° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de leur auteur ;

5° Par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice.

Circulaire CRIM 2012-15 / E8 du 7 août 2012 de la Garde des Sceaux, ministre de la justice

1.1.2. Harcèlement sexuel résultant de la commission d'un acte unique

Le II de l'article 222-33 dispose qu'est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d'user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers. [...].

Le délit prévu par le II de l'article 222-33 permet [...] de réprimer des faits de harcèlement sexuel, soit parce qu'il s'agissait de faits répétés, soit parce qu'il s'agissait d'un acte unique mais présentant une particulière gravité. Cette particulière gravité, telle que retenue par le II de l'article 222-33, résulte du fait qu'est exigée une pression grave commise contre la victime et présentant une finalité de nature sexuelle. Ces faits ont été qualifiés à plusieurs reprises lors des travaux parlementaires de « chantage sexuel » en raison du caractère expressif et imagé de cette expression.

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