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Publication hebdomadaire (ISSN : 2110-6061)

Collège de déontologie

Prévention de situations susceptibles de relever de signalements de violences sexistes et sexuelles (VSS)

nor : ESRH2405020V

Avis du 16-2-2024

MESR - DGRH A2-1


Vu décret n° 2017-519 du 10-4-2017 ; arrêté du 1-3-2018 ; règlement intérieur du collège de déontologie de l’enseignement supérieur et de la recherche

Le collège a été saisi par le référent déontologue d’une université de la question du recours à l’article 40 du Code de procédure pénale par les agents chargés des cellules d’écoute des signalements de violences sexistes et sexuelles (VSS) en cas de refus de la victime de porter plainte elle-même. L’agent en charge de recueillir les signalements s’interroge sur ses obligations déontologiques au regard, d’une part, du respect du secret professionnel et de la stricte confidentialité et, d’autre part, de ses obligations de signalement envers les autorités judiciaires.

Le collège a signalé à la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) les difficultés qu’il a relevées de concilier les obligations de l’article 40 du Code de procédure pénale et l’obligation de confidentialité en matière de signalement des violences sexistes et sexuelles. L’articulation de ces dispositions fait l’objet d’un travail interministériel en cours.

Néanmoins, après avoir auditionné des membres de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR) et des représentants de la direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (Dgesip) en charge de la prévention et de la prise en charge des VSS, le collège souhaite d’ores et déjà faire aux établissements les recommandations suivantes :

1. Le collège tient à souligner la particularité du service public de l’enseignement supérieur et de la recherche concernant les publics accueillis :

  • d’une part, à la différence de l’enseignement scolaire et secondaire, qui accueille des mineurs incapables d’ester seuls en justice et dépendant d’un majeur pour le faire, et qui ne dispose donc pas de règles particulières relatives au secret en matière de signalement, l’enseignement supérieur accueille des personnes majeures, donc autonomes et juridiquement capables, et attitrées à décider pour elles-mêmes si elles souhaitent que leur signalement reste couvert par la confidentialité qui leur est garantie et/ou que la justice soit saisie.
  • d’autre part, les établissements de l’enseignement supérieur et de la recherche chevauchent à la fois le monde de l’enseignement et celui du travail avec, en conséquence, des modes de régulation et de contrôle parfois complexes. Cela concerne notamment la population étudiante en raison de la relation de magistère voire d’autorité instaurée avec les enseignants, comme l’illustre l’encadrement de thèse.

Conscient de cette complexité, le collège suggère d’étendre la notion de vulnérabilité aux personnes majeures soumises à un rapport d’autorité ou de magistère moral et appelle les établissements à une vigilance accrue pour prévenir toute situation d’emprise ou y remédier. Cette vigilance doit également s’étendre aux situations de VSS entre personnes de statut équivalent.

2. Les actions des établissements et du ministère menées ces dernières années en matière de signalement et de lutte contre les VSS doivent être saluées. Le collège souhaite néanmoins rappeler que le dépôt d’une plainte n’est pas nécessaire pour justifier l’ouverture d’une enquête interne ou externe en raison de l’indépendance entre les procédures pénales et disciplinaires.

Au plan opérationnel, le collège rejoint les préconisations de l’IGÉSR concernant la mise en place des personnels formés aux enquêtes internes pour éclairer l’autorité hiérarchique en charge de prendre la décision de poursuivre. Il est suggéré aux établissements de choisir ces personnels avec vigilance afin qu’ils ne soient pas bloqués dans leurs enquêtes, par exemple en raison de conflits d’intérêts.

Par ailleurs, afin d’éviter qu’une enquête interne ou procédure disciplinaire ait des effets négatifs sur des procédures externes à l’établissement, le collège recommande, à l’instar de ce que plusieurs établissements ont déjà fait, de passer une convention avec le parquet du tribunal judiciaire compétent afin d’établir avec ce dernier un partenariat, et de l’élargir, en associant le cas échéant le groupement de gendarmerie régional, la direction départementale de la sécurité publique, le centre régional des œuvres universitaires et scolaires (Crous) et l’association France Victimes. Ce ou ces partenariats auront pour objectif de faciliter les modalités de signalement et de traitement judiciaire des situations de sexisme, de harcèlement ou d’agression sexuelle. Par ailleurs, une autre convention de partenariat pourrait être établie avec le barreau pour faciliter l’accès à des consultations d’avocats par les victimes de violences sexuelles et sexistes. Ces partenariats et conventions devraient inclure dans leurs termes un suivi régulier.

3. Le collège recommande la mise en place de dispositifs opérationnels et efficients pour le recueil des plaintes et témoignages sur les VSS, avec comme objectif un accès facilité et plus lisible pour l’ensemble des acteurs impliqués au sein des établissements. Les différentes auditions menées par le collège (IGÉSR, Dgesip) ont en effet mis en évidence des problèmes relatifs au recueil de témoignages et une assez grande diversité dans la nature de la prise en charge selon les établissements.

Les remontées d’information de la part des établissements indiquent que les plateformes d’écoute, tout en étant reconnues comme nécessaires, ne semblent pas toujours exactement adaptées aux spécificités locales et besoins respectifs. Pour cette raison, le collège suggère une réflexion des établissements sur la possible attribution de ces plateformes à une association locale spécialisée plus à même de comprendre le contexte local.

4. Le collège estime également que la sensibilisation et la politique de prévention doivent être renforcées, aussi bien pour les enseignants que pour les étudiants et les personnels administratifs. La capacité à réagir lorsque l’on est victime ou témoin d’une VSS ne va pas de soi, elle s’apprend, tout comme les stéréotypes de genre se déconstruisent. Les enseignants, étudiants et personnels administratifs doivent être régulièrement informés, y compris pour rappel, des procédures et ressources existantes.

Cette information circule d’autant mieux que les personnes spécifiquement chargées de la lutte contre les VSS sont bien formées. À ce titre, le collège tient à encourager le ministère à poursuivre son soutien aux actions de lutte et de sensibilisation aux violences sexistes et sexuelles comme les actions de formation des personnels et des équipes de direction, de professionnalisation des personnels et membres de sections disciplinaires, de sensibilisation sur les campus, et de développement des liens avec France Victimes.

Le collège incite aussi à améliorer la détection de tous les signaux faibles en encourageant la communication régulière et l’échange d’informations entre toutes les parties prenantes en situation de responsabilité sur le sujet des VSS au sein de l’établissement. Le collège suggère pour cela de s’appuyer sur les formations dispensées par l’IGÉSR, qui pilote également la mission permanente de lutte contre les VSS, en charge d’un rôle de veille, d’appui, de conseil, et de suivi auprès des établissements.

Le collègue suggère également que les établissements entament une réflexion sur une possible coordination des différents référents (notamment VSS, déontologie, laïcité) pour faciliter le partage d’informations et l’éclairage de situations sensibles, voire systémiques, par des regards croisés. Cela pourrait en outre conjurer le risque d’attentisme que peut générer la liberté d’appréciation d’un référent sur la gravité d’une situation donnée.

En liaison avec les conférences d’établissements, le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche devrait veiller à la cohérence des différententes chartes et à l’incorporation dans ces dernières des questions relatives au harcèlement et aux VSS.

Cet avis sera rendu public

Le président du collège de déontologie,
Bernard Stirn

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