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Publication hebdomadaire (ISSN : 2110-6061)

Cneser

Sanctions disciplinaires

nor : MENH2524976S

Décisions du 31-7-2025

MENESR – CNESER

Monsieur XXX
N° 1722
Monsieur Lilian Aveneau
Rapporteur
Séance publique du 19 juin 2025

Décision du 31 juillet 2025

Vu la procédure suivante : 

Le président de l’université de Lille a engagé le 11 avril 2022, contre Monsieur XXX, professeur agrégé en sciences industrielles de l’ingénieur affecté à l’université de Lille depuis 1993, des poursuites disciplinaires devant la section disciplinaire du conseil académique de l’établissement compétente à l’égard des enseignants-chercheurs ;

Par une décision du 1er décembre 2022, la section disciplinaire du conseil académique de l’université de Lille compétente à l’égard des enseignants-chercheurs a prononcé à l’encontre de Monsieur XXX et en application de l’article L. 952-8 du Code de l’éducation la sanction d’interruption de fonctions à l’université de Lille pour une durée de six mois avec privation de la totalité du traitement, décision immédiatement exécutoire nonobstant appel ;

Par un mémoire en appel du 8 février 2023, Monsieur XXX, représenté par Maître Pauline Anger-Bourez, demande au Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (Cneser) statuant en matière disciplinaire, d’une part, l’annulation de la décision du 1er décembre 2022 prise à son encontre par la section disciplinaire du conseil académique de l’université de Lille compétente à l’égard des enseignants-chercheurs, et, le cas échéant, de ne retenir aucune autre sanction supérieure à la sanction de rappel à l’ordre, et, d’autre part, que soit mise à la charge de l’université de Lille la somme de 1 800 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative ;

Monsieur XXX soutient d’abord que la décision contestée est entachée de plusieurs vices de procédure en ce que, en premier lieu, la composition de la formation de jugement est irrégulière dès lors qu’elle n’inclut pas de professeur agrégé et ainsi ne respecte pas l’article R. 712-25 du Code de l’éducation ; si la décision mentionne que Madame YYY est enseignante, elle ne justifie pas en effet que cette dernière a obtenu l’agrégation ; en ce que, en second lieu, la formation de jugement était partiale puisque Madame YYY, membre de cette formation, est collègue, au sein du même laboratoire, de Madame ZZZ, témoin dans cette affaire, et effectue, comme cette dernière, un doctorat sous la direction du même encadrant, le professeur AAA. Il soutient ensuite que la décision est insuffisamment motivée, notamment sur son comportement et les gestes déplacés qu’il aurait faits envers deux étudiantes lors d’événements organisés par l’université de Lille. Il soutient également que les griefs formulés à son encontre manquent de précision et sont entachés d’erreurs de fait ou d’appréciation. Ces erreurs montrent une volonté de sanctionner sa moralité, voire de le sanctionner pour des soupçons de harcèlement, malgré l’absence de preuves de la matérialité des faits reprochés, preuves qui incombent à l’administration (concernant notamment l’envoi d’un courriel au contenu dit inapproprié à Madame BBB ; l'adoption d'un comportement qui aurait fortement impacté l'étudiante concernée et lui aurait porté préjudice ; sa prétendue absence de reconnaissance d'avoir adopté un comportement déplacé et des gestes inappropriés envers deux étudiantes lors d'événements organisés par l'université de Lille ; les prétendues explications non convaincantes et la prétendue absence de prise de conscience de la gravité des faits reprochés ; un comportement de nature à nuire à l’image et à la réputation de l’université de Lille). Enfin, Monsieur XXX soutient que la sanction est disproportionnée au regard des faits qui lui sont reprochés, de son impact moral et financier et en ce qu’elle ne tient pas compte de sa carrière jusqu’ici exemplaire ;

Par un mémoire en défense daté du 6 janvier 2025, le président de l’université de Lille demande au Cneser statuant en matière disciplinaire de rejeter la requête en appel de Monsieur XXX. Le président de l’université de Lille soutient que les moyens présentés par Monsieur XXX ne sont pas fondés et que les faits justifient le maintien de la sanction prononcée ;

Par un courrier en date du 4 mars 2025, le Cneser statuant en matière disciplinaire a demandé aux deux parties leurs observations sur l’application de l’article L. 952-8 du Code de l’éducation dans la sanction infligée à Monsieur XXX en date du 1er décembre 2022 ;

Par un mémoire en réplique réceptionné au greffe du Cneser statuant en matière disciplinaire le 7 mars 2025, Monsieur XXX reprend à titre principal ses précédentes conclusions par les mêmes moyens et expose au surplus qu’il ne lui a pas été notifié, en première instance, son droit à se taire, et que la décision a été prise sur un fondement juridique inapplicable à sa situation, qu’elle est de ce fait entachée d’un défaut de base légale ;

Par un courrier et un deuxième mémoire en défense datés du 28 mars 2025, le président de l’université de Lille maintient ses précédentes écritures et ajoute que Monsieur XXX n’a pas été avisé de son droit à garder le silence car cette obligation n’était pas applicable aux agents publics dans le cadre de la procédure disciplinaire à  la date de la décision attaquée ; de plus, concernant l’application de l’article L. 952-8 du Code de l’éducation, il plaide l’erreur matérielle dans la rédaction de la décision, conteste son impact en arguant que l’utilisation du cinquième échelon des sanctions pour les enseignants-chercheurs et enseignants du supérieur correspond au second échelon pour les autres enseignants ; il précise qu’en vertu de l’article L. 712-1 du Code général de la fonction publique, et du fait que Monsieur XXX n’a pas d’activité de recherche statutaire, sa rémunération devait automatiquement être suspendue pendant sa période d’interruption de fonction à l’université de Lille ; ainsi, bien que l’indication dans la décision querellée de la suppression de son traitement pendant son interruption d’activité soit superfétatoire, elle n’entraîne pas pour autant son annulation ;

Par un second mémoire en réplique daté du 1er avril 2025, Monsieur XXX représenté par Maître Pauline Anger-Bourez, soutient que la décision du 1er décembre 2022 est entachée d’une erreur de droit en ce qu’elle vise l’article L. 952-8 du Code de l’éducation qui ne lui est pas applicable, si bien que la décision encourt l’annulation ;

Par un mémoire complémentaire daté du 17 juin 2025, Monsieur XXX représenté par Maître Pauline Anger-Bourez, reprend ses conclusions par les mêmes moyens ;

Par un troisième mémoire en défense daté du 17 juin 2025, le président de l’université de Lille maintient ses précédentes écritures et précise que les dispositions de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative relatives à la prise en charge des frais irrépétibles ne sont pas applicables devant le Cneser statuant en matière disciplinaire, juridiction administrative spécialisée 

La commission d’instruction s’est tenue le 2 avril 2025 ;

Par lettres recommandées du 9 mai 2025, Monsieur XXX, Maître Pauline Anger-Bourez, son conseil, ainsi que le président de l’université de Lille, ont été régulièrement convoqués à l’audience du 19 juin 2025 ;

Le rapport d’instruction rédigé par Monsieur Lilian Aveneau ayant été communiqué aux parties par courriers recommandés en même temps que la convocation à comparaître devant la formation de jugement ;

Monsieur XXX étant présent et assisté de Maître Pauline Anger-Bourez, avocate ;

Le président de l’université de Lille étant absent ;

Vu l’ensemble des pièces du dossier ;

Vu le Code de l’éducation, notamment ses articles L. 232-2 à L. 232-7, L. 952-9 et R. 232-23 à R. 232-48 ;

Vu le Code général de la fonction publique ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Après avoir entendu en séance publique le rapport de Monsieur Lilian Aveneau, rapporteur ;

Monsieur XXX ayant été informé de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire ;

La parole ayant été donnée aux parties, Monsieur XXX ayant eu la parole en dernier ;

La formation de jugement du Cneser statuant en matière disciplinaire ayant délibéré à huis clos sans que Monsieur Aveneau, rapporteur, n’intervienne ni n’ait voix délibérative ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un courrier du 11 avril 2022, le président de l’université de Lille a saisi le président du conseil académique de l’université constitué en section disciplinaire de poursuites engagées contre Monsieur XXX. Les motifs invoqués sont l’envoi de courriels au contenu inapproprié à une étudiante entre novembre et décembre 2018, ainsi qu’un comportement inapproprié et des gestes déplacés auprès de deux étudiantes lors d’événements organisés par l’université de Lille (un voyage à Séville en mars 2018, et les galas de remise de diplôme d’octobre 2018 et d’octobre 2019). La formation de jugement de la section disciplinaire du conseil académique de l’université de Lille, compétente à l’égard des enseignants, s’est réunie le 1er décembre 2022 en présence de Monsieur XXX et de son conseil. Sur le fondement de l’article L. 952-8 du Code de l’éducation, elle a prononcé le même jour à l’encontre de Monsieur XXX une sanction d’interruption de fonctions à l’université de Lille pour une durée de six mois, avec privation de la totalité du traitement, sanction immédiatement exécutoire, nonobstant toute procédure d’appel. Monsieur XXX demande au Cneser statuant en matière disciplinaire, à titre principal, d’annuler cette décision, et, à titre subsidiaire, de ramener la sanction à un rappel à l’ordre ;

Sur l’irrégularité de la décision contestée :

2. L’article L. 952-8 du Code de l’éducation dispose que : « Sous réserve des dispositions prises en application de l'article L. 952-23, les sanctions disciplinaires qui peuvent être appliquées aux enseignants-chercheurs et aux membres des corps des personnels enseignants de l'enseignement supérieur sont : 1° Le blâme ; / 2° Le retard à l'avancement d'échelon pour une durée de deux ans au maximum ; / 3° L'abaissement d'échelon ; / 4° L'interdiction d'accéder à une classe, grade ou corps supérieurs pendant une période de deux ans au maximum ; / 5° L'interdiction d'exercer toutes fonctions d'enseignement ou de recherche ou certaines d'entre elles dans l'établissement ou dans tout établissement public d'enseignement supérieur pendant cinq ans au maximum, avec privation de la moitié ou de la totalité du traitement ; / 6° La mise à la retraite d'office ; / 7° La révocation. / Les personnes à l'encontre desquelles a été prononcée la sixième ou la septième sanction peuvent être frappées à titre accessoire de l'interdiction d'exercer toute fonction dans un établissement public ou privé, soit pour une durée déterminée, soit définitivement. » ;

3. Il est constant que Monsieur XXX est membre d’un corps des personnels enseignants du second degré et que, bien qu’il soit affecté dans l’enseignement supérieur, il n’est pas pour autant membre d’un corps des personnels enseignants de l’enseignement supérieur. Les dispositions de l’article L. 952-8 du Code de l’éducation ne lui sont donc pas applicables. Ainsi, la décision du 1er décembre 2022 prise par la section disciplinaire du conseil académique de l’université de Lille, sur le fondement de l’article L. 952-8 du Code de l’éducation, est irrégulière, puisque fondée sur une base légale erronée. Dès lors, il y a lieu d’annuler cette décision et de statuer, par la voie de l’évocation, sur la plainte déposée le 11 avril 2022 par le président de l’université de Lille ;

Sur les faits reprochés à Monsieur XXX  

4. L’article L. 121-1 du Code général de la fonction publique dispose que : « l'agent public exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité. » De plus, l’article L. 123-5 du Code de l’éducation indique que le service public « de l’enseignement supérieur […] promeut des valeurs d'éthique, de responsabilité et d'exemplarité. / Il mène une action contre les stéréotypes sexués, tant dans les enseignements que dans les différents aspects de la vie de la communauté éducative. »

5. Il est reproché à Monsieur XXX, d’une part, d’avoir, lors du gala de remise des diplômes d’octobre 2018 et en état d’ivresse manifeste, touché la cuisse d’une de ses anciennes étudiantes, Madame BBB, d’avoir porté des regards insistants sur cette dernière et, d’avoir envoyé les jours suivants trois courriels au contenu inapproprié et, d’autre part, d’avoir eu également un comportement inapproprié et des gestes déplacés envers une autre étudiante, Madame CCC, là encore en état d’ivresse, lors d’événements organisés par l’université de Lille, à savoir un voyage à Séville en mars 2018 au cours duquel Monsieur XXX aurait passer sa main sous son tee-shirt lors d’une danse en boite de nuit en lui disant qu’il la trouvait belle, et lors des galas de remise de diplôme en octobre 2018 et octobre 2019 pendant lesquels Monsieur XXX aurait tenu des propos sur son physique, et aurait mis la main sous son body lors du premier gala ;

6. S’agissant des griefs relatifs à Madame BBB, si les deux premiers courriels semblent acceptables dans le cadre d’un échange entre un enseignant et une étudiante, le troisième courriel est clairement inapproprié. En effet, Monsieur XXX y fait directement référence aux fesses de Madame BBB, qualifiées de « belles », et dit regretter de ne pas se souvenir de les avoir caressées lors de la soirée de gala. Les faits vécus par Madame BBB lors de cette soirée, ainsi que ce courriel inapproprié, ont entraîné des répercussions sur sa scolarité, et l’ont amenée à s’interdire de participer au voyage de fin d’année de 2019, et à vivre difficilement ses deux années en master ;

7. Monsieur XXX explique les événements de la soirée de gala d’octobre 2018 et l’envoi du troisième courriel par son état d’ivresse dû à une consommation excessive d’alcool. En dehors de ces deux événements, il nie avoir eu un comportement inapproprié vis-à-vis de Madame BBB, malgré le ressenti de cette dernière qui évoque des regards insistants de sa part, notamment lors du gala de 2019. Il ressort du dossier que le sentiment de Madame BBB est une conséquence des événements survenus lors de la soirée du premier gala, ainsi que du troisième courriel envoyé par Monsieur XXX à son adresse. Ainsi, seuls le comportement de Monsieur XXX lors de la soirée de gala de 2018 à l’égard de Madame BBB et l’envoi d’un courriel inapproprié à son adresse sont matériellement établis. Ces faits sont constitutifs d’une faute disciplinaire au regard des obligations de dignité et de probité de l’agent public et de l’exemplarité du service public de l’enseignement supérieur au sein duquel Monsieur XXX est affecté ;

8. Sur le second reproche concernant les événements en lien avec Madame CCC, si la matérialité des paroles échangées ne peut être établie, il ressort cependant des témoignages que Monsieur XXX est devenu tactile lors d’une danse pendant une soirée au cours du voyage annuel à Séville en mars 2018, ainsi que lors du gala d’octobre 2018, deux événements au cours desquels il était en état d’ébriété. Ces contacts physiques, bien que limités au dos de Madame CCC, restent totalement déplacés dans le cadre de la relation entre un enseignant et une étudiante et sont contraires aux obligations de dignité et de probité de l’agent public et de l’exemplarité du service public de l’enseignement supérieur, et doivent être considérés comme constitutifs d’une faute disciplinaire ;

Sur le quantum de la sanction disciplinaire :

9. Les faits retenus contre Monsieur XXX, à savoir l’envoi d’un courriel à Madame BBB et des contacts physiques inappropriés avec Madame BBB et Madame CCC lors du voyage de fin d’études à Séville en mars 2018 et des galas de fin de remise des diplômes d’octobre 2018, sont contraires aux obligations de dignité et de probité, ainsi qu’à la nécessaire exemplarité dont doit répondre tout personnel du service public de l’enseignement supérieur ;

10. Le fait que tous les faits fautifs retenus à son encontre soient survenus alors qu’il était en état d’ébriété avancé, et qu’il ait pu souffrir à cette époque d’une addiction à l’alcool, notamment en raison de problèmes personnels, n’exempte pas pour autant l’intéressé d’une sanction disciplinaire proportionnée aux fautes commises ;

11. L’article L. 952-9 du Code de l’éducation dispose que : « Sous réserve des dispositions prises en application de l'article L. 952-23, les sanctions disciplinaires applicables aux autres enseignants sont : / 1° Le rappel à l'ordre ; / 2° L'interruption de fonctions dans l'établissement pour une durée maximum de deux ans ; / 3° L'exclusion de l'établissement ; / 4° L'interdiction d'exercer des fonctions d'enseignement ou de recherche dans tout établissement public d'enseignement supérieur soit pour une durée déterminée, soit définitivement. » ;

12. Il sera fait une juste appréciation des fautes commises par Monsieur XXX en retenant à son encontre une sanction d’interruption de fonctions au sein de l’université de Lille pour une durée de deux mois ;

Sur les frais d’instance : 

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce de faire application des dispositions de l’article 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique et de mettre à la charge de l’université de Lille la somme de 1 500 euros ;

 

Décide

 

Article 1 – La décision rendue le 1er décembre 2022 par la section disciplinaire du conseil académique de l’université de Lille compétente à l’égard des enseignants-chercheurs qui a prononcé à l’encontre de Monsieur XXX la sanction d’interruption de fonctions à l’université de Lille pour une durée de six mois avec privation de la moitié du traitement est annulée.

 

Article 2 – Monsieur XXX est sanctionné d’une interruption de fonctions au sein de l’université de Lille pour une durée de deux mois.

 

Article 3 – L’université de Lille est condamnée à verser la somme de 1 500 euros à Monsieur XXX au titre des dispositions de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

 

Article 4 – Dans les conditions fixées aux articles R. 232-41 et R. 232-42 du Code de l’éducation susvisé, la présente décision sera notifiée à Monsieur XXX, au président de l’université de Lille, au ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche et publiée, sous forme anonyme, au Bulletin officiel de l’enseignement supérieur et de la recherche ; copie sera adressée, en outre, à la rectrice de l’académie de Lille.

 

Délibéré à l’issue de la séance du 19 juin 2025, où siégeaient Monsieur Christophe Devys, président de section au Conseil d’État, président du Cneser statuant en matière disciplinaire, Madame Frédérique Roux, Madame Julie Dalaison, Madame Anna Pappa, Madame Véronique Reynier, Monsieur Fabrice Guilbaud, membres de la juridiction disciplinaire.

 

Fait à Paris le 31 juillet 2025,

 

Le président, 
Christophe Devys 

La vice-présidente,
Frédérique Roux

Le greffier en chef, 
Éric Mourou

 

 

Monsieur XXX

N° 1730

Madame Frédérique Roux
Rapporteure
Séance publique du 19 juin 2025
Décision du 31 juillet 2025

Vu la procédure suivante : 

Le président de l’université de Picardie Jules Verne a engagé le 3 septembre 2021, contre Monsieur XXX, professeur d’éducation physique et sportive certifié affecté à l’université de Picardie Jules Verne, des poursuites disciplinaires devant la section disciplinaire du conseil académique de cet établissement compétente à l’égard des enseignants-chercheurs de son établissement ;

Par une décision du 5 mai 2022, la section disciplinaire du conseil académique de l’université de Picardie Jules Verne compétente à l’égard des enseignants-chercheurs a prononcé à l’encontre de Monsieur XXX la sanction d’interruption des fonctions à l’université de Picardie Jules Verne pour une durée de dix-huit mois, décision immédiatement exécutoire nonobstant appel ;

Par un mémoire en appel du 21 juin 2022, Monsieur XXX, représenté par Maître Élisabeth Noublanche-Veyer, demande au Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (Cneser) statuant en matière disciplinaire, l’annulation de la décision du 5 mai 2022 prise à son encontre par la section disciplinaire du conseil académique de l’université de Picardie Jules Verne compétente à l’égard des enseignants-chercheurs ;

Monsieur XXX conteste d’abord la décision en raison des vices de légalité externe qui l’affectent. Il soutient que la commission disciplinaire était irrégulièrement composée ; que les modalités de la saisine du président de l’université et de la procédure d’instruction n’étaient pas conformes aux dispositions de l’article R. 712-33 du Code de l’éducation ; que la procédure d’instruction n’a pas respecté les principes du contradictoire ; que l’anonymat de 24 témoins organisé par l’établissement est irrégulier ; que la formation de jugement n’a pas été régulièrement constituée ; que le rapporteur de la commission ne peut pas participer à la formation de jugement ; que la sanction prononcée n’est pas exhaustive puisqu’elle ne se prononce pas sur la privation totale ou pour moitié du traitement ;

Monsieur XXX conteste ensuite la décision en raison de vices de légalité interne. Il soutient  que certains faits très anciens sont prescrits (2005-2007-2012) ; qu'il n’est pas responsable du départ de certains enseignants de l'université ; qu’il est insupportable d'insinuer une quelconque relation entre lui et le décès de collègues ; que plusieurs attestations de collègues (enseignants, personnels administratifs) ayant travaillé à son contact ont témoigné de ses qualités professionnelles et humaines sur plus de trente années de carrière au sein de l'université ; qu’il a participé à la restructuration du service des sports en 2003-2005 puis en 2008 et en 2016, à la mastérisation en 2010, à la restructuration des maquettes sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps) à deux reprises, à la restructuration du service universitaire des activités physiques et sportives (Suaps), et que des tensions ont pu naitre au regard de ces changements et des restrictions budgétaires qui y sont liées ; qu’il a bien assuré ses cours, même s’il reconnait qu’il a dû interrompre un cours de travaux dirigés (TD) en visioconférence sur la conduite de projet car les étudiants n’avaient pas allumé leur caméra et qu’il ne pouvait donc faire l’appel ; qu’il a eu des retards lorsqu'il était doyen de 1'UFR Staps (2007-2017) mais qu’il a assuré chacun des enseignements ; que les volumes horaires annuels réalisés ont été validés en fin d'année universitaire par le directeur de la composante, Monsieur YYY ; qu’il a respecté les modalités de contrôle des connaissances et que la tenue des examens et des épreuves a toujours été réalisée en conformité avec les modalités de contrôle des connaissances (MCC) validées par l'université ; qu’en ce qui concerne les soutenances des rapports de stage, les jurys sont constitués de deux enseignants, et la note déterminée en concertation, ce qui ne permet pas de noter « à la tête du client » ; qu’il conteste tout abus de pouvoir sur les étudiants, et que s’il admet enseigner en suivant une pédagogie ferme, il ne fait pas pour autant preuve d'autoritarisme ; que son seul objectif est de tirer les promotions vers le haut ; qu’il n’est à l’origine d’aucune sanction sur aucun élève ; que des attestations d'anciens élèves démontrent son investissement et le décrivent comme un enseignant exigeant et juste n'ayant jamais eu de propos ou comportements ambigus, sexistes, racistes ou discriminatoires ; que la pesée des étudiants en judo est la conséquence de leur nécessaire répartition selon leur poids pour des combats effectués lors d'évaluations et ne constitue pas un abus de pouvoir ou du harcèlement ; qu’il n’a pas eu de comportements à connotation sexuelle lors de la pratique de séances de judo ou des propos et comportements ambigus à l'égard des étudiantes ; qu’il n’a pas eu un geste déplacé sur la poitrine d’une étudiante lors d’une démonstration, ni adopté aucune position sexuelle ou frottement lors de la pratique du judo ; qu’il n’a pas eu de relations sexuelles avec des étudiantes en dehors d’une relation amoureuse avec une ancienne élève qui a été sa compagne pendant trois ans ; qu’il n’a pas eu de geste déplacé à l’encontre de Monsieur ZZZ lors d’un combat de judo et qu’il n’a pas ensuite acheté le silence de l'étudiant en lui donnant son diplôme de licence ; qu’il n’a pas tenu de propos homophobes en picard ou liés au handicap ;

Par un mémoire en défense incident daté du 13 juillet 2022, complété par un mémoire réceptionné au greffe du Cneser statuant en matière disciplinaire le 30 septembre 2024, puis par un premier mémoire récapitulatif réceptionné au greffe du Cneser statuant en matière disciplinaire le 3 février 2025, et enfin un second mémoire récapitulatif réceptionné au greffe du Cneser statuant en matière disciplinaire le 10 mars 2025, le président de l’université de Picardie Jules Verne demande au Cneser statuant en matière disciplinaire d’aggraver la sanction prononcée en première instance et que soit prononcée à l’encontre de Monsieur XXX une sanction d’interruption de ses fonctions pendant deux ans, de rejeter toute demande contraire et de condamner Monsieur XXX aux entiers dépens et à verser à l’université de Picardie Jules Verne la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

Le président de l’université de Picardie Jules Verne soutient qu’aucun vice de légalité externe ne peut être retenu pour prononcer la nullité de la décision disciplinaire ; que la procédure de première instance est régulière et que tous les moyens soulevés doivent être écartés ; qu’ainsi la saisine initiale de la section disciplinaire a bien été faite par courrier du 3 septembre 2021 par le président de l’université et non par la cellule de référents ; que les modalités de la procédure d’instruction sont conformes aux dispositions de l’article R. 712-33 du Code de l’éducation, notamment en ce qui concerne les reports et suppléments d’instruction ; que la procédure d’instruction a respecté le contradictoire puisque toutes les pièces du dossier ont été transmises à Monsieur XXX, qu’il a pu lui-même communiquer des pièces qui ont été prises en compte ; que Monsieur XXX a pu être entendu à plusieurs reprises ; que l’anonymisation par l’établissement de 24 témoignages, soumis au débat contradictoire lors de l’instruction, peut se justifier par la crainte de représailles, et que plus de la moitié des témoignages du dossier sont nominatifs ; que la formation de jugement a été régulièrement constituée et répondait ainsi parfaitement aux exigences des dispositions de l’article R. 712-37 du Code de l’éducation puisque trois membres dont le président étaient présents ; qu’il est de jurisprudence constante que le rapporteur de la commission peut participer à la formation de jugement ; que la sanction prononcée est exhaustive et conforme aux dispositions de l’article L. 952-9 du Code de l’éducation qui prononce quatre niveaux de sanctions pour « les autres enseignants » et qu’en l’espèce Monsieur XXX en sa qualité de professeur certifié relève bien de cette disposition puisqu’il n’est pas enseignant-chercheur et ne relève donc pas par définition des dispositions de l’article L. 952-8 du Code de l’éducation, et qu’ainsi la juridiction de première instance n’avait donc pas à se prononcer sur la privation ou non du traitement ;

Le président de l’université de Picardie Jules Verne reprend dans une note très synthétique du 10 mars 2025 les faits les plus significatifs commis par Monsieur XXX en pointant notamment de nombreux faits fautifs relatifs à des comportements inappropriés envers les étudiants. Il souligne le climat sexualisé et les propos dénigrants qui ressortent de la quasi-totalité des témoignages recueillis et expose les principaux faits relevés, à savoir, pour l’année universitaire 2020-2021 : « l’agression d’un collègue, Monsieur AAA, le 2 février 2021 ; le coup de pied aux fesses donné à une étudiante ; les cours en visio non dispensés ou auxquels il a été mis fin précipitamment ; le chantage aux notes, les modifications arbitraires des barèmes, les représailles envers des étudiants ; la tenue de propos insultants/dénigrants/maltraitants ; le comportement potache et sexiste envers une étudiante en examen terminal ; le climat sexiste et les propos déplacés envers des étudiantes lors de cours ; l’atteinte sexuelle sur la poitrine d’une étudiante, Madame BBB lors d’un exercice ; pour l’année universitaire 2019-2020 : le comportement potache et sexiste envers une étudiante en examen terminal » ; pour les années universitaires 2015 à 2017 : « la présentation de ses armes à feu personnelles ; la provocation à un combat de judo violent avec un étudiant, Monsieur ZZZ » ; pour les années universitaires 2010 à 2015 : « l’entretien de relations intimes avec des étudiantes évoquant une relation d’emprise de la part d’un enseignant sur une étudiante; le climat sexualisé, les blagues sexistes et les postures inadaptées. » ;

Par un mémoire récapitulatif daté du 25 janvier 2025, Monsieur XXX, représenté par Maître Élisabeth Noublanche-Veyer, reprend ses précédentes conclusions par les mêmes moyens ;

La commission d’instruction s’est tenue le 6 février 2025. Lors de cette commission, Monsieur XXX était assisté de Madame Laure Brisoux, déléguée syndicale et le président de l’université de Picardie Jules Verne était représenté par Maître Thomas Léger, avocat ;

Par lettres recommandées du 25 avril 2025, Monsieur XXX, Maître Élisabeth Noublanche-Veyer, son conseil ainsi que le président de l’université de Picardie Jules Verne, ont été régulièrement convoqués à l’audience du 19 juin 2025 ;

Le rapport d’instruction rédigé par Madame Frédérique Roux, rapporteure, ayant été communiqué aux parties par courriers recommandés en même temps que la convocation à comparaître devant la formation de jugement ;

Par un courriel daté du 12 juin 2025Maître Élisabeth Noublanche-Veyer demande le renvoi de l’audience de formation de jugement ; cette demande de renvoi ayant été rejetée ;

Monsieur XXX étant présent et assisté de Maître Élisabeth Noublanche-Veyer, avocate et de Monsieur Sylvain Excoffon, délégué syndical ;

Le président de l’université de Picardie Jules Verne étant représenté par Maître Thomas Léger, avocat ;

Vu l’ensemble des pièces du dossier ;

Vu le Code de l’éducation, notamment ses articles L. 232-2 à L. 232-7, L. 952-9 et R. 232-23 à R. 232-48 ;

Vu le Code général de la fonction publique ;

Après avoir entendu en séance publique le rapport de Madame Frédérique Roux, rapporteure ;

Monsieur XXX ayant été informé de son droit de garder le silence à l’audience et de ne pas s’auto-incriminer ;

La parole ayant été donnée aux parties, Monsieur XXX ayant eu la parole en dernier ;

La formation de jugement du Cneser statuant en matière disciplinaire ayant délibéré à huis clos sans que Madame Roux, rapporteure, n’intervienne ni n’ait voix délibérative ;

Considérant ce qui suit :

Sur la régularité de la décision du 5 mai 2022 :

1. En premier lieu, l’article R. 712-10 du Code de l’éducation dispose que les personnels n’appartenant pas à un corps de l’enseignement supérieur mais exerçant des fonctions d’enseignement dans l’université relèvent du régime disciplinaire prévu par les articles R. 712-9 à R. 712-46 du même Code. Ainsi, c’est à tort que Monsieur XXX soutient que, en raison de son statut de professeur certifié, la section disciplinaire du conseil académique de l’université de Picardie Jules Verne est incompétente pour connaître de la plainte déposée par le président de cet établissement ;

2. En deuxième lieu, l’article R. 712-36 du Code de l’éducation dispose que la formation de jugement peut valablement délibérer si le nombre de membres présents y siégeant est, comme en l’espèce, au moins égal à trois. Ainsi, c’est à tort que Monsieur XXX soutient que la section disciplinaire ayant adopté la décision contestée était irrégulièrement constituée, faute de comprendre les quatre membres prévus par l’article R. 712-25 du Code de l’éducation. De plus, l’article R. 712-32 de ce même Code stipule que, contrairement à ce que soutient Monsieur XXX, le rapporteur participe à la formation de jugement ;

3. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient Monsieur XXX, la saisine initiale de la section disciplinaire a bien été effectuée par courrier du 3 septembre 2021 par le président de l’université et non par la cellule de référents. De plus, les modalités de la procédure d’instruction prévues par les dispositions de l’article R. 712-33 du Code de l’éducation ont été respectées, notamment en ce qui concerne les reports et suppléments d’instruction. Enfin, le principe du contradictoire a bien été respecté durant la procédure d’instruction, dès lors que toutes les pièces du dossier ont été transmises à Monsieur XXX, qu’il a pu lui-même communiquer des pièces qui ont été prises en compte et qu’il a pu être entendu à plusieurs reprises 

4. En quatrième lieu, Monsieur XXX soutient que les droits de la défense ont été méconnus dès lors que 24 témoignages recueillis par l’université Picardie Jules Verne ont été versés au dossier disciplinaire de manière anonymisée. Toutefois, une telle anonymisation était en l’espèce justifiée par les craintes légitimes que les étudiants intéressés pouvaient avoir quant aux répercussions, sur la suite de leur cursus universitaire, de leur témoignage à l’encontre d’un membre du corps enseignant, ainsi que par la protection de leur vie privée. Par ailleurs, il n’est pas contesté que les services de l’université, qui ont recueilli les témoignages, ont pu vérifier l’identité des témoins, tout comme la commission d’instruction de la juridiction disciplinaire de première instance. Enfin, il est constant que près de la moitié des personnes entendues, étudiants et enseignants, ont publié des témoignages écrits, non anonymisés et circonstanciés. Dans ces conditions, l’anonymisation des témoignages versés au dossier n’a pas, en l’espèce, entaché d’irrégularité la décision de première instance 

5. En dernier lieu, Monsieur XXX, en sa qualité de professeur certifié, ne relève pas des dispositions de l’article L. 952-8 du Code de l’éducation, dès lors qu’il n’est pas enseignant-chercheur, mais des dispositions de l’article L. 952-9 du Code de l’éducation, qui prévoient quatre niveaux de sanctions pour « les autres enseignants » et n’évoquent pas de suspension éventuelle de traitement. Monsieur XXX n’est donc pas fondé à soutenir que la décision serait irrégulière faute de s’être prononcée sur la privation ou non du traitement ;

Sur les faits retenus par la décision du 5 mai 2022 et sur la sanction qu’elle inflige :

6. L’article L. 532-2 du Code général de la fonction publique dispose que : « Aucune procédure disciplinaire ne peut être engagée au-delà d'un délai de trois ans à compter du jour où l'administration a eu une connaissance effective de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits passibles de sanction. / En cas de poursuites pénales exercées à l'encontre du fonctionnaire, ce délai est interrompu jusqu'à la décision définitive de classement sans suite, de non-lieu, d'acquittement, de relaxe ou de condamnation. / Passé ce délai et hormis le cas où une autre procédure disciplinaire a été engagée à l'encontre du fonctionnaire avant l'expiration de ce délai, les faits en cause ne peuvent plus être invoqués dans le cadre d'une procédure disciplinaire. » Il ressort des pièces du dossier qu’une enquête administrative a été ouverte en fin d’année 2013 pour examiner les conditions d'exercice du management par Monsieur XXX au sein de l'UFR Staps et que les conclusions de cette enquête ont été portées à la connaissance de la présidence de l’université Picardie Jules Verne en octobre 2014. Dès lors, au regard de la date de saisine, tous les événements intervenus avant octobre 2014 et évoqués dans cette enquête doivent être considérés comme prescrits ;

7. L’article L. 121-1 du Code général de la fonction publique dispose que : « l'agent public exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité. » De plus, l’article L. 123-5 du Code de l’éducation indique que le service public « de l’enseignement supérieur […] promeut des valeurs d'éthique, de responsabilité et d'exemplarité. / Il mène une action contre les stéréotypes sexués, tant dans les enseignements que dans les différents aspects de la vie de la communauté éducative. » La teneur et la répétition de propos tenus par Monsieur XXX à de nombreuses reprises sur une longue période comprise entre 2015 et le 3 septembre 2021, date de la saisine, à l’encontre des étudiants (« Vous êtes nuls » ; « certains étudiants n’ont pas de physique et… n’ont rien à faire là » ; « s’il y a une cochonne c’est toi » ou encore « Il dit qu'on est des merdes, qu'il n'est pas là pour s'occuper de nous, que lui a réussi sa vie »), reflètent l’adoption d’un comportement irrespectueux et insultant, qui n’est pas celui attendu d’un enseignant ; il est tout aussi inacceptable que Monsieur XXX ait pu adopter un comportement agressif envers d’autres enseignants, tel qu’il ressort de l’incident avec Monsieur AAA. Ces comportements sont contraires aux principes de dignité et de probité, ainsi qu’à l’exigence d’exemplarité du service public de l’enseignement supérieur. La récurrence et la persistance de ces incidents établissent la matérialité d’une faute disciplinaire ;

8. Monsieur XXX avait, au surplus, fait l’objet d’un courrier du président de l’université en date du 15 octobre 2014, l’invitant à « être vigilant quant à [son] management, à se dégager de certaines responsabilités, à prendre du recul et à partager l'initiative des décisions dans le cadre d'un management plus participatif » ou encore « à envisager de nouvelles méthodes de gestion afin de prendre en considération les mal-être exprimés ». En sa qualité d’enseignant, et a fortiori de directeur de son UFR, il lui appartenait de changer son management et son comportement, qui se devaient d’être exemplaires ;

9. L’article L. 123-6 du Code de l’éducation assigne au service public de l’enseignement supérieur la promotion « des valeurs d’éthique, de responsabilité et d’exemplarité ». Il résulte de ces dispositions que pèse sur les enseignants affectés dans le supérieur un devoir d’exemplarité et d’irréprochabilité qui, au regard de la relation d’autorité qui est celle d’un enseignant avec ses étudiants, leur impose d’adopter une vigilance rigoureuse pour respecter ce principe. Il en est de même dans leurs relations avec leurs collègues enseignants-chercheurs et les agents. En sa qualité d’enseignant et a fortiori de directeur de l’UFR Staps, Monsieur XXX se devait d’adopter un comportement respectueux et exemplaire. Or, son comportement a pu être brutal, insultant, dénigrant, provocateur et sexiste, constituant à ce titre une faute qu’il convient de sanctionner ;

10. Aux termes de l’article L. 952-9 du Code de l’éducation : « Sous réserve des dispositions prises en application de l'article L. 952-23, les sanctions disciplinaires applicables aux autres enseignants sont : 1° Le rappel à l'ordre ; 2° L'interruption de fonctions dans l'établissement pour une durée maximum de deux ans ; 3° L'exclusion de l'établissement ; 4° L'interdiction d'exercer des fonctions d'enseignement ou de recherche dans tout établissement public d'enseignement supérieur soit pour une durée déterminée, soit définitivement ». Eu égard à la nature des manquements relevés, à leur répétition et à leur gravité, ainsi qu’aux recommandations qui lui furent apportées par la présidence en 2014, il y a lieu de prononcer à l’encontre de Monsieur XXX la sanction d’une interruption des fonctions à l’université de Picardie Jules Verne pour une durée de douze mois ;

Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative : 

11. Ces dispositions font obstacle à ce qu’une somme soit mise, à ce titre, à la charge de Monsieur XXX au titre des frais exposés par l’université de Picardie Jules Verne et non compris dans les dépens ;

 

Décide

 

Article 1 – Monsieur XXX est sanctionné d’une interruption des fonctions à l’université de Picardie Jules Verne pour une durée de douze mois.

 

Article 2 – La décision du 5 mai 2022 du conseil académique de l’université de Picardie Jules Verne réuni en section disciplinaire est réformée en ce qu’elle est contraire à l’article premier.

 

Article 3 – Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

 

Article 4 – Dans les conditions fixées aux articles R. 232-41 et R. 232-42 du Code de l’éducation susvisé, la présente décision sera notifiée à Monsieur XXX, au président de l’université de Picardie Jules Verne, au ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche et publiée, sous forme anonyme, au Bulletin officiel de l’enseignement supérieur et de la recherche ; copie sera adressée, en outre, au recteur de l’académie d’Amiens.

 

Délibéré à l’issue de la séance du 19 juin 2025, où siégeaient Monsieur Christophe Devys, président de section au Conseil d’État, président du Cneser statuant en matière disciplinaire, Monsieur Lilian Aveneau, Monsieur Oliver Bast, Madame Anna Pappa, Madame Véronique Reynier, Madame Julie Dalaison, membres de la juridiction disciplinaire.

 

Fait à Paris le 31 juillet 2025,

 

La président,
Christophe Devys

Le secrétaire, la vice-présidente étant empêchée,
Lilian Aveneau

Le greffier en chef,
Éric Mourou

 

 

Monsieur XXX

N° 1737

Madame Barbara Aventino

Rapporteure

Séance publique du 26 juin 2025

Décision du 31 juillet 2025

Vu la procédure suivante : 

Le président de l’université Paris 8 Vincennes Saint-Denis a engagé le 3 mars 2022, contre Monsieur XXX, professeur des universités en psychologie sociale, des poursuites disciplinaires devant la section disciplinaire du conseil académique de son établissement ;

Par une décision du 23 septembre 2022, la section disciplinaire du conseil académique de l’université Paris 8 Vincennes Saint-Denis a infligé à Monsieur XXX la sanction d’interdiction d’exercer toutes fonctions d’enseignement ou de recherche dans l’établissement et dans tout établissement public d’enseignement supérieur pour une durée de cinq ans, avec privation de la totalité du traitement, et a décidé que sa décision serait immédiatement exécutoire nonobstant appel ;

Par une requête, des mémoires et des observations, enregistrés les 29 novembre 2022, 31 octobre 2024, 12 avril 2025 et 14 mai 2025, Monsieur XXX, représenté par Maître Marie Cornanguer, demande au Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (Cneser) statuant en matière disciplinaire d’annuler la décision du 23 septembre 2022 de la section disciplinaire de l’université Paris 8 Vincennes Saint-Denis, d’annuler la procédure en ce qu’elle est irrégulière et de mettre à la charge de l’État, pris en la personne de l’université Paris 8 Vincennes Saint-Denis, la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative ;

Il soutient que : 

  • la décision en litige est entachée d’un vice de procédure dès lors que les principes du contradictoire, des droits de la défense et du procès équitable n’ont pas été respectés ;
  • la composition de la formation de jugement de la section disciplinaire a méconnu les dispositions des articles L. 712-6-2, R. 712-15, R. 712-27 et R. 712-26-1 du Code de l’éducation dès lors qu’elle comprenait trois membres sans respect de la parité ;
  • l’impartialité objective de la formation de jugement de la section disciplinaire a été compromise en raison des pressions exercées par les collectifs et syndicats d’étudiants ;
  • il n’est pas justifié de la régularité de l’élection du président de la formation disciplinaire ;
  • la décision méconnait l’article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et l’article R. 712-41 du Code de l’éducation dès lors qu’elle est insuffisamment motivée en fait et en droit ; 
  • la procédure disciplinaire est irrégulière et entraîne des doutes objectivement justifiés quant à l’impartialité de la juridiction dès lors que :
    • la communication de son dossier lui a été refusée ; 
    • le président de la formation de jugement a refusé de faire droit à sa demande de renvoi sans motiver son refus ni soumettre cette demande à la collégialité ; 
    • l’instruction a été conduite uniquement à charge ; 
    • un supplément d’instruction a été effectué par le président de la formation de jugement en lieu et place des rapporteurs ; 
    • des pressions ont été exercées et un climat de tension a entouré cette procédure comme en témoigne notamment le départ de l’un des rapporteurs ; 
    • le président de la formation de jugement a conduit les échanges à charge ;
    • il n’a pas pu vérifier la régularité de l’élection du président de la formation disciplinaire ; 
  • la décision méconnait les articles R. 232-21 et R. 712-33 du Code de l’éducation dès lors que plusieurs délais ont été méconnus ce qui lui a causé grief compte tenu de la suspension provisoire de ses fonctions ;
  • la décision de la sanction infligée repose sur des faits qui ne figuraient pas dans la saisine de la section disciplinaire ;
  • la matérialité des faits n’est pas établie, reposant sur des rumeurs et accusations, la sanction est disproportionnée et ne prend pas en compte sa manière de servir ;

Par un mémoire en défense et des pièces, enregistrés les 31 mai 2024, 9 avril 2025 et 15 mai 2025, le président de l’université Paris 8 Vincennes Saint-Denis, représenté par Maître Moreau, conclut au rejet de la requête d’appel et à ce qu’une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Monsieur XXX au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative ; Il soutient que les moyens ne sont pas fondés ;

La commission d’instruction s’est tenue le 2 avril 2025. Monsieur XXX assisté de Maître Marie Cornanguer, ainsi que Maître Pierre Moreau, représentant le président de l’université Paris 8 Vincennes Saint-Denis ont été entendus ;

Madame YYY, témoin, ayant adressé un témoignage écrit daté du 13 mars 2025 et réceptionné le 25 mars 2025 au greffe du Cneser statuant en matière disciplinaire ;

Par lettres recommandées du 21 mai 2025, Monsieur XXX ainsi que le président de l’université Paris 8 Vincennes Saint-Denis, ont été régulièrement convoqués à l’audience du 26 juin 2025 ;

Le rapport d’instruction rédigé par Madame Barbara Aventino a été communiqué aux parties par courriers recommandés, en même temps que la convocation à comparaître devant la formation de jugement ;

Monsieur XXX étant présent et assisté de Maître Marie Cornanguer ;

Monsieur Arnaud Laimé, président de l’université Paris 8 Vincennes Saint-Denis étant présent et assisté de Maître Cérine Ben Hamouda ;

Vu l’ensemble des pièces du dossier ;

Vu : 

  • la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
  • le Code général de la fonction publique ;
  • le Code de l’éducation, notamment ses articles L. 232-2 à L. 232-7, L. 952-8, R. 232-23 à R. 232-48 ;

Après avoir entendu en séance publique le rapport de Madame Barbara Aventino, rapporteure ;

Monsieur XXX ayant été informé de son droit de garder le silence à l’audience et de ne pas s’auto-incriminer ;

La parole ayant été donnée aux parties, Monsieur XXX ayant eu la parole en dernier ;

La formation de jugement du Cneser statuant en matière disciplinaire ayant délibéré à huis clos sans que Madame Barbara Aventino, rapporteure, n’intervienne ni n’ait voix délibérative ;

Considérant ce qui suit :

1. Monsieur XXX, professeur des universités en psychologie sociale, exerce ses fonctions au sein de l’université Paris 8 Vincennes Saint-Denis depuis 2014. Le 16 septembre 2021, Madame YYY, alors âgée de vingt-quatre ans, diplômée d’un master 2 de psychologie clinique, fait état auprès de l’université des agissements de Monsieur XXX à son égard, qu’elle qualifie d’agression sexuelle, au cours de la journée du 30 juillet précédent. La présidente de l’université Paris 8 Vincennes Saint-Denis a signalé les faits au procureur de la République sur le fondement de l’article 40 du Code de procédure pénale et, par un arrêté du 18 octobre 2021, suspendu Monsieur XXX de ses fonctions pour une durée maximale de douze mois. Elle a, le 3 mars 2022, engagé à son encontre des poursuites disciplinaires au motif de son comportement équivoque et inapproprié à l’égard d’une ancienne étudiante, dans le cadre d’un entretien de pré-recrutement, qui contrevient à celui dont doit faire preuve un professeur des universités. Par une décision du 23 septembre 2022, dont Monsieur XXX relève appel, la section disciplinaire du conseil académique de l’université Paris 8 Vincennes Saint-Denis lui a infligé une sanction d’interdiction d’exercer toutes fonctions d’enseignement et de recherche dans l’établissement et dans tout établissement public d’enseignement supérieur pendant une durée de cinq ans avec privation de la totalité du traitement ;

Sur la recevabilité des conclusions à fin d’annulation de la présente procédure : 

2. Il n’appartient pas à la présente formation de jugement d’annuler la procédure suivie devant elle. Par suite, les conclusions présentées par Monsieur XXX en ce sens ne peuvent qu’être rejetées comme irrecevables ;

Sur la régularité de la procédure suivie devant la section disciplinaire de l’université :

3. En premier lieu, aux termes de l’article L. 712-6-2 du Code de l’éducation : « Le pouvoir disciplinaire à l'égard des enseignants-chercheurs et enseignants est exercé en premier ressort par le conseil académique de l'établissement constitué en section disciplinaire. […] Un décret en Conseil d'État précise la composition, qui respecte strictement la parité entre les hommes et les femmes, les modalités de désignation des membres et le fonctionnement de la section disciplinaire. […] ». Aux termes de l’article R. 712-13 de ce Code : « La section disciplinaire du conseil académique compétente à l'égard des enseignants-chercheurs et des enseignants comprend : / 1° Quatre professeurs des universités ou personnels assimilés en application de l'article 5 du décret n° 87-31 du 20 janvier 1987 relatif au Conseil national des universités pour les disciplines médicales, ondotologiques et pharmaceutiques ou de l'article 6 du décret n° 92-70 du 16 janvier 1992 relatif au Conseil national des universités, dont au moins un membre du corps des professeurs des universités ; […] » Aux termes de l’article R. 712-15 de ce Code : « Les membres de la section disciplinaire mentionnée à l'article R. 712-13 sont élus au sein de la commission de la recherche et de la commission de la formation et de la vie universitaire du conseil académique par et parmi les représentants élus relevant du collège auquel ils appartiennent. / Chacun des collèges prévus à l'article R. 712-13 est composé à parité d'hommes et de femmes. À cet effet, la moitié des sièges au sein de chaque collège est à pourvoir par des femmes, l'autre moitié par des hommes. […] » ;

4. Il résulte de ces dispositions que la composition du conseil académique d’un établissement constitué en section disciplinaire ainsi que l’élection de ses membres s’inscrivent dans le respect de la parité entre les femmes et les hommes. En conséquence, la section disciplinaire du conseil académique comprend notamment quatre professeurs d’université ou assimilés dont deux femmes et deux hommes. Toutefois, ni ces dispositions, ni aucune autre, n’imposent une représentation paritaire dans la désignation de la commission d’instruction appelée à instruire une affaire ou de la formation de jugement appelée à connaître des poursuites engagées contre un professeur des universités. Ainsi, si l’article R. 712-23 de ce Code prévoit que la formation de la section disciplinaire dans ce cadre est composée de quatre membres, à savoir le président et les trois autres membres parmi le collège des professeurs d’université, cette formation peut valablement délibérer si trois au moins des membres appelés à siéger, dont le président, sont présents, conformément à la règle de quorum instituée à l’article R. 712-36 du même Code, sans qu’une règle de parité, au demeurant impossible, soit alors prévue. Dès lors, le moyen tiré de ce que la formation de jugement ayant prononcé la sanction en litige, au sein de laquelle ont siégé deux hommes et une seule femme, méconnait la règle de la parité ne peut qu’être écarté ;

5. En deuxième lieu, aux termes de l’article R. 712-16 du Code de l’éducation dans sa version applicable : « Le président de la section disciplinaire est un professeur des universités élu en leur sein par l'ensemble des membres de la section au scrutin majoritaire à deux tours. Le scrutin est secret. / Dans le cas où les membres de la section disciplinaire appelés à élire le président ne sont pas tous présents, il ne peut être procédé à cette élection que si la moitié au moins des enseignants-chercheurs membres de la section disciplinaire participent à l'élection. / L'élection est acquise à la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour, à la majorité relative au second tour. En cas d'égalité des voix, le membre le plus âgé est désigné. » ;

6. Il ressort du compte-rendu de l’élection du président de la section disciplinaire produit par l’université en défense que Monsieur ZZZ a été élu conformément aux dispositions précitées de l’article R. 712-16 du Code de l’éducation à la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour par un vote à bulletin secret. Si Monsieur XXX soutient que la preuve de la régularité de l’élection de Monsieur ZZZ n’est pas suffisamment rapportée par la production de ce compte-rendu qui, d’une part, mentionne une date des élections au 20 octobre 2021 alors que la décision n° 2021-037 portant composition de la section disciplinaire compétente à l’égard des enseignants-chercheurs fait état d’une élection du président au 30 septembre 2021 et qui, d’autre part, fait état d’un membre votant qui n’est pas indiqué dans la liste des présents, ces erreurs matérielles ne sont pas de nature à remettre en cause le caractère probant de ce document. En outre, la seule circonstance que les membres ont participé à cette élection par visio-conférence ne permet pas d’établir que le vote n’a pu être effectué à bulletin secret ;

7. En troisième lieu, aux termes de l’article R. 712-26 du Code de l’éducation : « Le membre de la section disciplinaire qui suppose en sa personne une cause de récusation ou estime en conscience devoir s'abstenir se fait remplacer dans les conditions prévues à l'article R. 712-27. […] ». Aux termes de l’article R. 712-27 du même Code : « Tout membre d'une section disciplinaire empêché d'exercer ses fonctions par application de l'article précédent est provisoirement remplacé par le membre du même collège qui a obtenu le plus grand nombre de voix lors de son élection à la section disciplinaire. En cas d'égalité des voix, le membre le plus âgé est désigné. » ;

8. Il est constant que Madame AAA, rapporteure et membre de la formation de jugement de la section disciplinaire, n’était pas présente à la séance du 23 septembre 2022 lors de laquelle la décision relative aux poursuites exercées à l’encontre de Monsieur XXX a été prononcée. Si Madame AAA a informé l’université dès le 1er septembre 2022 de sa volonté de se retirer et « de ne pas participer à la formation de jugement dans le dossier de Monsieur XXX » et qu’elle a précisé, dans un courriel du 23 octobre 2024, que son retrait était motivé par des « circonstances exceptionnelles » qui comprenaient « des pressions significatives sur les membres de la section disciplinaire, notamment par le biais de messages adressés à l’ensemble des membres de l’UFR » et « l’organisation de manifestations le jour de l’audition de Monsieur XXX », sans qu’elle ne soit remplacée dans les conditions prévues par les dispositions précitées de l’article R. 712-27 du Code de l’éducation, il ressort des pièces du dossier, qu’en tout état de cause, la règle de quorum a été respectée. Dès lors en outre que l’autre membre de la commission d’instruction a valablement siégé et que la décision de sanction a été prise à l’unanimité des trois membres présents, cette absence de remplacement n’a pas été de nature, en l’espèce, à priver Monsieur XXX d’une garantie ni susceptible d’exercer une influence sur le sens de la décision ;

9. En quatrième lieu, en vertu des principes généraux applicables à la fonction de juger dans un État de droit, la justice doit être rendue par une juridiction indépendante et impartiale. Toute personne appelée à y siéger doit se prononcer en toute indépendance, à l’abri de toute pression. Sa participation au jugement d’une affaire implique qu’elle exerce cette fonction en toute impartialité, sans parti pris ni préférence à l’égard de l’une des parties. Son indépendance et celle de la juridiction dont elle est membre participent de cette exigence. Elle doit se comporter de façon à prévenir tout doute légitime à cet égard ;

10. En l’espèce, la seule circonstance que des collectifs et syndicats étudiants ont manifesté le jour de l’audition par la commission d’instruction de Monsieur XXX et de ce que des messages ont été adressés aux membres de l’UFR de psychologie, n’est pas de nature à faire douter de l’impartialité des membres de la formation de jugement ayant prononcé la sanction en litige, alors au surplus que, comme il vient d’être dit, Madame AAA, membre de cet UFR et sur laquelle des pressions ont été exercées n’a pas pris part à la formation de jugement ;

11. En cinquième lieu, aux termes de l’article R. 712-30 du Code de l’éducation, dans sa version alors applicable : « La section disciplinaire est saisie par une lettre adressée à son président. Ce document mentionne le nom, l'adresse et la qualité des personnes faisant l'objet des poursuites ainsi que les faits qui leur sont reprochés. Il est accompagné de toutes pièces justificatives. » ;

12. D’une part, la lettre adressée le 3 mars 2022 par la présidente de l’université Paris 8 Vincennes Saint-Denis au président de la section disciplinaire de cette université, qui mentionne les faits qui se sont déroulés le 30 juillet 2021 et qualifie le comportement de Monsieur XXX « d’équivoque (rendez-vous de travail équivalent à un entretien de pré recrutement suivi, sans que cela ait été prévu ou annoncé en amont à une ancienne étudiante par une invitation dans un bar, puis dans un restaurant et enfin au domicile de l’enseignant) » et de « contraire aux règles relatives à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires que l’intéressé se doit de respecter en qualité de professeur des universités », est suffisamment précise. En outre, il ne résulte pas de l’instruction que Monsieur XXX n’aurait pas été en capacité de comprendre et contester utilement les manquements reprochés par la référence, dans cette saisine, aux obligations auxquelles il était soumis. D’autre part, aucune disposition ni aucun principe ne s’opposent à ce que l’autorité qui sanctionne se fonde sur des circonstances de fait qui ne figuraient pas dans la notification des griefs, dès lors qu’elles se rattachent aux griefs régulièrement notifiés. En l’espèce, les témoignages pris en compte postérieurement à la saisine se rattachent au comportement de l’intéressé à l’égard d’anciennes étudiantes. Par suite, le moyen tiré de ce que la saisine de la section disciplinaire se fonde sur des faits qui ne figuraient pas dans la saisine de la section disciplinaire ne peut qu’être écarté ;

13. En sixième lieu, aux termes de l’article R. 232-31 du Code de l’éducation dans sa version applicable : « Lorsqu'une section disciplinaire n'a pas été constituée ou lorsque aucun jugement n'est intervenu six mois après la date à laquelle les poursuites ont été engagées devant la juridiction disciplinaire compétente, l'autorité compétente pour engager les poursuites saisit le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche statuant en formation disciplinaire. ». Aux termes de l’article R. 712-33 de ce Code dans sa version applicable : « La commission d'instruction instruit l'affaire par tous les moyens qu'elle juge propres à l'éclairer. Elle doit convoquer l'intéressé, qui peut se faire accompagner de son défenseur, afin d'entendre ses observations. Le président fixe un délai pour le dépôt du rapport d'instruction, qui ne doit comporter que l'exposé des faits ainsi que les observations présentées par l'autorité qui a engagé la poursuite et celles présentées par la personne déférée. Ce rapport est transmis au président dans un délai qu'il a préalablement fixé et qui ne peut être supérieur à deux mois. […] » ;

14. Il résulte de ces dispositions qu’aucun des deux délais qu’elles prévoient n’est prescrit à peine de dessaisissement automatique ou de nullité de la procédure. Il ressort en outre des pièces du dossier que la prolongation du délai de l’instruction a permis à Monsieur XXX de produire des témoignages en sa faveur et que la circonstance que l’université n’a pas exercé la faculté que lui ouvre l’article R. 231-21 précité a permis à Monsieur XXX de bénéficier d’un double degré de juridiction ;

15. En septième lieu, aux termes de l’article R. 712-41 du Code de l’éducation : « La décision doit être motivée […] » ;

16. La décision en litige mentionne les textes sur lesquels elle se fonde. Elle rappelle qu’il est reproché à Monsieur XXX d’avoir eu un comportement contraire aux règles relatives à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires et énonce les éléments qui ont permis à la section disciplinaire de l’université de conclure à la matérialité des faits, à leur qualification et au prononcé de la sanction. Le moyen tiré du défaut de motivation ne peut dès lors qu’être écarté ainsi que celui tiré de la méconnaissance de l’article 6§1 de la convention européenne des droits de l’homme ;

17. En huitième lieu, aux termes de l’article L. 532-4 du Code général de la fonction publique : « Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes. / L'administration doit l'informer de son droit à communication du dossier. […] ». L’article R. 712-31 du Code de l’éducation en vigueur en 2022 prévoit également que : « […] Le président fait savoir aux intéressés qu'ils peuvent se faire assister d'un conseil de leur choix et qu'ils peuvent prendre connaissance du dossier pendant le déroulement de l'instruction. […] ». Aux termes de l’article R. 712-33 de ce Code : « […] Le rapport et les pièces des dossiers sont tenus à la disposition de la personne déférée et de l'autorité qui a engagé les poursuites, de leur conseil et des membres de la formation appelée à juger dans le délai fixé au troisième alinéa de l'article R. 712-35 […] ». Aux termes de l’article R. 712-35 de ce même Code : « Le président de la section disciplinaire convoque chacune des personnes déférées devant la formation de jugement, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, quinze jours au moins avant la date de la séance. / La convocation mentionne le droit pour les intéressés de présenter leur défense oralement, par écrit et par le conseil de leur choix. / Elle indique les conditions de lieu et d'heure dans lesquelles les intéressés peuvent prendre ou faire prendre par leur conseil connaissance du rapport d'instruction et des pièces du dossier dix jours francs avant la date de comparution devant la formation de jugement. […] » ;

18. En l’espèce, il ressort de la convocation de Monsieur XXX à la formation de jugement du conseil disciplinaire le 23 septembre 2022, qu’il a réceptionnée le 6 septembre 2022, que celui-ci a été informé de la possibilité de consulter l’ensemble du dossier dix jours francs avant la date de la séance, sur rendez-vous. Ont également été produits des échanges de courriels montrant que Monsieur XXX a souhaité, le 16 septembre 2022, consulter son dossier le 20 septembre suivant, ce qu’il a effectivement fait. Si Monsieur XXX fait état de nombreuses pièces qu’il aurait découvertes desquelles il ressortait des accusations n’ayant rien à voir avec la saisine, il a disposé d’un délai suffisant pour y répondre et il a d’ailleurs pu s’exprimer sur ces points lors de la séance ;

19. Monsieur XXX fait également état de ce que trois pièces importantes qu’il a produites ne figuraient pas au dossier de sorte que la formation de jugement n’a pu en prendre connaissance. Toutefois, s’agissant des témoignages de Messieurs BBB et CCC, ils sont mentionnés dans son recours hiérarchique, comme pièces du dossier du premier rapport. Ils sont également mentionnés dans le procès-verbal de l’audition par la commission d’instruction de Monsieur XXX du 23 mai 2022. S’agissant de la mention des quatorze témoignages produits dans le rapport d’instruction complémentaire, alors qu’il en a transmis quinze, le témoignage manquant a été produit lors de la séance de jugement et les membres de la formation de jugement ont pu en prendre connaissance. Enfin, la circonstance que toutes les pièces de son dossier n’ont pas été produites devant le Cneser par l’université n’est pas de nature à établir ni que le dossier consulté par Monsieur XXX en septembre 2022 était incomplet, ni que les membres de la formation de jugement de la section disciplinaire de l’université auraient eu connaissance d’un dossier partiel ;

20. En neuvième lieu, aux termes de l’article R. 712-33 du Code de l’éducation : « La commission d'instruction instruit l'affaire par tous les moyens qu'elle juge propres à l'éclairer. Elle doit convoquer l'intéressé, qui peut se faire accompagner de son défenseur, afin d'entendre ses observations. Le président fixe un délai pour le dépôt du rapport d'instruction, qui ne doit comporter que l'exposé des faits ainsi que les observations présentées par l'autorité qui a engagé la poursuite et celles présentées par la personne déférée. Ce rapport est transmis au président dans un délai qu'il a préalablement fixé et qui ne peut être supérieur à deux mois. Toutefois, le président peut ordonner un supplément d'instruction s'il estime que l'affaire n'est pas en état d'être jugée. Le rapport et les pièces des dossiers sont tenus à la disposition de la personne déférée et de l'autorité qui a engagé les poursuites, de leur conseil et des membres de la formation appelée à juger dans le délai fixé au troisième alinéa de l'article R. 712-35. / Dans le cas où la juridiction est saisie de nouveaux éléments, le président ordonne la réouverture de l'instruction qui se déroule selon les formes prescrites au premier alinéa du présent article. ». Aux termes de l’article R. 712-34 de ce Code : « Le président de la section disciplinaire fixe la date de la séance de jugement et convoque la formation compétente. » ;

21. D’une part, il résulte de ces dispositions que le président de la section disciplinaire peut ordonner un supplément d’instruction. En sa qualité de président de la formation de jugement, il assure la police de l’audience, et pouvait décider seul, sans motiver son refus, de ne pas donner suite à la demande de renvoi présentée par Monsieur XXX pour les motifs tirés du défaut de consultation et d’incomplétude du dossier, alors en outre qu’en l’espèce, lors de la séance, le président de la formation disciplinaire a indiqué les raisons pour lesquelles il ne faisait pas droit à cette demande ;

22. D’autre part, Monsieur XXX a pu consulter son dossier, il a pu produire tout élément écrit, notamment des témoignages, et faire part tant devant la commission d’instruction que devant la formation de jugement de ses observations orales. Il a ainsi pu discuter des griefs retenus et des pièces produites par Madame YYY et l’université. La commission d’instruction a entendu ou recueilli les observations d’un grand nombre de personnes. L’instruction a d’ailleurs été complétée, dans les conditions prévues par les dispositions précitées, notamment pour permettre à Monsieur XXX de produire des attestations. Les deux rapports qui ont été réalisés, analysent les témoignages, les pièces et les éléments fournis par les parties. Il ne ressort pas du procès-verbal de la séance de la formation de jugement que Monsieur XXX aurait été empêché de faire état de ses observations. Enfin, si l’affaire a été médiatisée et si des mouvements étudiants ont manifesté leur soutien à Madame YYY, il ressort des pièces du dossier que les auditions ont pu se tenir sans incident. Il ne ressort également pas des pièces du dossier ainsi qu’il a été dit au point 10, que les membres de la formation de jugement qui ont effectivement siégé auraient subi de pression particulière ou auraient été perméables à celle-ci. Par ailleurs, si Monsieur XXX met en cause le comportement de Madame DDD, alors directrice de l’UFR de psychologie, qui aurait été source d’un climat délétère au sein de ce département et a justifié d’ailleurs l’engagement d’une procédure disciplinaire à l’encontre de cette dernière, il ne ressort pas des pièces du dossier que la formation de jugement aurait été influencée par l’hostilité de Madame DDD à son égard, d’autant que celle-ci a refusé d’être auditionnée lors de l’instruction ;

23. En dernier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que les nombreuses irrégularités entachant la procédure disciplinaire entraînent des doutes objectivement justifiés quant à l’impartialité de la juridiction doit être écarté ;

Sur les faits retenus par la décision du 23 septembre 2022 et sur la sanction qu’elle inflige :

24. En vertu du premier alinéa de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, désormais codifié à l'article L. 121-1 du Code général de la fonction publique, le fonctionnaire exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité, le quatrième alinéa de l'article L. 123-6 du Code de l'éducation assignant par ailleurs au service public de l'enseignement supérieur la promotion « des valeurs d'éthique, de responsabilité et d'exemplarité ». En outre, aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 précitée désormais codifié à l'article L. 530-1 du Code général de la fonction publique : « Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ». Enfin, aux termes de l'article L. 952-8 du Code de l'éducation : « [...] les sanctions disciplinaires qui peuvent être appliquées aux enseignants-chercheurs et aux membres des corps des personnels enseignants de l'enseignement supérieur sont : / 1° Le blâme ; / 2° Le retard à l'avancement d'échelon pour une durée de deux ans au maximum ; / 3° L'abaissement d'échelon ; / 4° L'interdiction d'accéder à une classe, grade ou corps supérieurs pendant une période de deux ans au maximum ; / 5° L'interdiction d'exercer toutes fonctions d'enseignement ou de recherche ou certaines d'entre elles dans l'établissement ou dans tout établissement public d'enseignement supérieur pendant cinq ans au maximum, avec privation de la moitié ou de la totalité du traitement ; / 6° La mise à la retraite d'office ; / 7° La révocation. / Les personnes à l'encontre desquelles a été prononcée la sixième ou la septième sanction peuvent être frappées à titre accessoire de l'interdiction d'exercer toute fonction dans un établissement public ou privé, soit pour une durée déterminée, soit définitivement. » ;

25. Il ressort des pièces du dossier qu’au cours d’environ les deux années qui précèdent la journée du 30 juillet 2021, Monsieur XXX et Madame YYY, alors que cette dernière était encore étudiante, sans avoir Monsieur XXX comme enseignant, ont eu des échanges sur le réseau social Instagram, plus ou moins fréquents, à l’initiative de l’un ou de l’autre. Ces échanges, s’ils dépassaient la sphère « professionnelle », tout en restant dans le vouvoiement, avec une invitation à dîner, ne révèlent toutefois aucun propos tendancieux, malgré les réactions de Monsieur XXX aux éléments postés par un pictogramme en forme de cœur. C’est par ce réseau social, après que Monsieur XXX a félicité Madame YYY pour l’obtention de son master, que cette dernière lui a écrit le 20 juillet 2021 : « si vous avez besoin de chargée de cours à P8 n’hésitez pas ». Monsieur XXX lui a alors proposé le lendemain d’assurer des cours d’histoire de la psychologie au premier semestre. C’est également Madame YYY qui a proposé de rencontrer Monsieur XXX à l’université ou plus près de chez lui pour discuter des modalités de dispense de ce cours. Monsieur XXX a finalement accepté de la rencontrer à l’université le 30 juillet à son bureau. Son bureau étant encombré, Monsieur XXX a alors proposé que le rendez-vous se tienne dans un bar à Paris, à quelques stations de métro de l’université. Monsieur XXX et Madame YYY sont restés dans ce bar de 16 heures à environ 22 heures. Ils ont d’abord évoqué le poste de chargé de cours et selon les dires mêmes de Madame YYY, à l’issue de leurs échanges sur ce point qui ont duré de trente minutes à une heure, « le sujet parai(ssait) acté ». Ils sont toutefois restés et ont discuté de sujets variés en consommant au total environ quatre à cinq bières. Vers 19 h 30 ou 20 heures, Madame EEE, responsable hiérarchique de Madame YYY dans l’association au sein de laquelle elle venait de trouver un emploi, ainsi qu’une amie à elle, Madame FFF, ont rencontré fortuitement Madame YYY et Monsieur XXX dans ce bar. Ils ont consommé un nouveau verre ensemble pendant une heure ou deux puis Madame YYY et Monsieur XXX ont quitté le bar et se sont rendus dans un restaurant, où ils ont dîné, consommé de l’alcool. Ils se sont enfin rendus au domicile de Monsieur XXX où ils ont eu des échanges charnels. Madame YYY a quitté le domicile de Monsieur XXX vers 3 h 30 du matin, après avoir reçu un appel téléphonique de son petit ami ;

26. Si les témoignages au dossier de Madame EEE et de Madame FFF confirment que Madame YYY était sous l’emprise de l’alcool, ils confirment également que son départ pour le restaurant était convenu entre Madame YYY et Monsieur XXX, de sorte qu’aucune des deux personnes n’a estimé que Madame YYY était en danger ou dans l’incapacité de poursuivre la soirée, quand bien même l’une d’elle a envoyé un message à Madame YYY lui disant de faire attention à elle. Si Madame YYY maintient qu’elle aurait été droguée et ne pouvait être consentante au déroulement de la soirée, elle a retiré d’elle-même cet élément de sa plainte pénale pour agression sexuelle, qui a d’ailleurs été classée sans suite le 21 mars 2022 au motif que les faits ou les circonstances des faits n’ont pu être clairement établis par l’enquête et que les preuves étaient insuffisantes pour que l’infraction soit constituée et que des poursuites pénales puissent être engagées. En outre, au regard des différents témoignages de Madame YYY, Monsieur XXX, Mesdames EEE et FFF, du petit ami de Madame YYY ainsi que des échanges qui ont eu lieu les jours suivants, le fait que Madame YYY aurait été victime d’une soumission chimique aux alentours de 19 heures, de nature à altérer son consentement jusqu’à environ 3 heures 30 du matin, alors au surplus que Monsieur XXX n’a manifesté aucun empressement à quitter le bar et qu’ils sont allés dîner avant d’aller chez lui, n’est pas établi ;

27. Si l’atteinte sexuelle sous contrainte ne parait pas davantage établie, la conduite par un professeur d’université d’un rendez-vous professionnel en lien avec le recrutement comme chargée de cours d’une étudiante tout juste diplômée, dans un bar, suivi d’une invitation à dîner puis à son domicile personnel, dans un contexte de consommation poussée d’alcool, méconnait le devoir d’exemplarité auquel sont astreints les professeurs d’université et constitue une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire. En dépit du fait que le poste était acquis à Madame YYY et que Monsieur XXX n’aurait pas eu de véritable pouvoir hiérarchique, comme il l’a indiqué lors de son audition, sa situation de professeur des universités créée un ascendant évident, à l’égard des chargés de cours et des candidats à ces fonctions, jeunes adultes tout juste sortis de leurs études et le comportement de Monsieur XXX a eu des conséquences préjudiciables tant pour Madame YYY, qui a refusé le poste et été diagnostiquée comme souffrant d’un syndrome de stress post-traumatique donnant lieu à une incapacité temporaire de travail de vingt jours, que pour l’institution universitaire ;

28. En revanche, s’agissant du comportement inapproprié de Monsieur XXX au regard d’autres étudiants ou étudiantes, en raison de rendez-vous donnés à l’extérieur de l’université, dans des bars, et des liens tendancieux entretenus avec eux sur les réseaux sociaux, Monsieur XXX confirme qu’il lui arrivait de rencontrer des étudiants à l’extérieur de l’université par commodité et qu’il pouvait avoir des contacts avec certains sur les réseaux sociaux, en particulier au cours des périodes de confinement liées à l’épidémie de Covid. Toutefois, ces manifestations de familiarité, lorsqu’elles ne sont pas effectuées dans un positionnement où l’enseignant- chercheur cherche à imposer des relations de proximité, ne sont pas constitutives d’une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire. En l’espèce, si Madame YYY a rendu publique sa démarche, relayée par les syndicats et mouvements étudiants ainsi que la presse et si elle produit des échanges sur les réseaux sociaux avec des réactions de type « j’ai vécu la même chose, je ne sais pas si on parle du même prof », « j’ai pas mal de trucs à te raconter sur Monsieur XXX », « j’ai toujours été mal à l’aise en sa présence », ou encore « il m’a proposé d’aller boire un verre si j’avais besoin d’aide pour mes cours », « il a pris pour habitude de sortir boire des verres avec des étudiantes et elles rentrent régulièrement très très très ivres […] les personnes de Paris 8 m’ont toutes assuré qu’il sortait beaucoup mais qu’il n’arrivait jamais à rien » et même « sa conduite prédatrice avec les étudiantes était de notoriété publique dans le champ de la psychologie sociale française », aucun témoignage direct et circonstancié d’une étudiante qui ferait état d’un comportement tendancieux ou équivoque de Monsieur XXX à son égard n’est produit par l’université alors que Monsieur XXX produit de nombreux témoignages d’étudiantes et étudiants qu’il a dirigés ainsi que de professeurs établissant qu’il n’a jamais cherché à entretenir des relations inappropriées avec des étudiantes. Madame YYY a d’ailleurs elle-même indiqué qu’elle n’avait pas auparavant entendu de « bruits » sur Monsieur XXX. De même, le courriel de Monsieur GGG, présenté comme en réponse à l’appel à témoignages lancé par Madame YYY ne mentionne pas même le nom de Monsieur XXX et n’est pas davantage circonstancié. Enfin, les deux témoignages indirects de Messieurs HHH et III sur le flirt de Monsieur XXX avec une doctorante d’une trentaine d’années, d’une autre université, lors d’un colloque, ne permettent pas d’établir un comportement inapproprié généralisé ni même réitéré. Ainsi, aucune autre difficulté de propos et d’attitudes déplacés traduisant un comportement ambivalent d’un enseignant à l’égard de ses élèves n’est établi ;

29. La section disciplinaire du conseil académique de l’université Paris 8 Vincennes Saint-Denis a infligé à Monsieur XXX une sanction du 5° groupe d’interdiction d’exercer toutes fonctions d’enseignement et de recherche. Cette sanction, étendue à tout établissement, d’une durée de cinq ans et assortie d’une privation de la totalité de son traitement, apparait disproportionnée au regard de la faute commise par Monsieur XXX qui ne s’inscrit pas dans le cadre de violences sexistes et sexuelles mais d’un comportement inapproprié, de son caractère isolé et de la circonstance que Madame YYY n’était plus l’étudiante de Monsieur XXX. Au regard de ces éléments, il y a lieu de prononcer une sanction d’interdiction d’exercer toutes fonctions d’enseignement et de recherche au sein de l’université pour une durée de six mois en assortissant cette interdiction d’une privation de la moitié de son traitement ;

30. Il résulte de tout ce qui précède que Monsieur XXX est seulement fondé à soutenir que c’est à tort que par la décision attaquée, la section disciplinaire du conseil académique de l’université Paris 8 Vincennes Saint-Denis a prononcé à son encontre une interdiction d’exercer toutes fonctions d’enseignement et de recherche au sein de tout établissement public d’enseignement supérieur pour une durée de cinq ans en assortissant cette interdiction d’une privation de la totalité de son traitement ;

Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative : 

31. Ces dispositions font obstacle à ce qu’une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l’État qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n’y a pas davantage lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de Monsieur XXX la somme que l’université demande à ce titre ;

 

Décide

 

Article 1 – Il est infligé à Monsieur XXX la sanction d’interdiction d’exercer toutes fonctions d’enseignement et de recherche au sein de l’université pour une durée de six mois avec privation de la moitié du traitement. 

 

Article 2 – La décision de la section disciplinaire de l’université Paris 8 Vincennes Saint-Denis du 23 septembre 2022 est réformée en ce qu’elle a de contraire à la présente décision.

 

Article 3 – Le surplus des conclusions des parties est rejeté. 

 

Article 4 – Dans les conditions fixées aux articles R. 232-41 et R. 232-42 du Code de l’éducation susvisé, la présente décision sera notifiée à Monsieur XXX, au président de l’université Paris 8 Vincennes Saint-Denis, au ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche et publiée, sous forme anonyme, au Bulletin officiel de l’enseignement supérieur et de la recherche. Copie sera adressée, en outre, à la rectrice de l’académie de Créteil.

 

Délibéré à l’issue de la séance du 26 juin 2025, où siégeaient Monsieur Christophe Devys, président de section au Conseil d’État, président du Cneser statuant en matières disciplinaires statuant en matière disciplinaire, Madame Frédérique Roux, Monsieur Lilian Aveneau, Madame Marguerite Zani, Monsieur Marcel Sousse, membres de la juridiction disciplinaire.

 

Fait à Paris le 31 juillet 2025,

 

La président,
Christophe Devys

La vice-présidente,
Frédérique Roux

Le greffier en chef,
Éric Mourou

 

 

Monsieur XXX

N° 1759, 1810 

Madame Maguy Fullana-Thevenet
Rapporteure
Séance publique du 3 juillet 2025
Décision du 31 juillet 2025

Vu les procédures suivantes : 

I. Le président de l’université de Haute-Alsace a engagé le 20 juillet 2020, contre Monsieur XXX, maître de conférences hors classe, des poursuites disciplinaires devant la section disciplinaire compétente à l’égard des enseignants-chercheurs de son établissement ;

Par une requête du 24 juillet 2020, le président de l’université de Haute-Alsace a saisi le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (Cneser) statuant en matière disciplinaire afin de dessaisir la section disciplinaire du conseil académique de son établissement, compétente pour connaitre du dossier disciplinaire de Monsieur XXX ;

Par une décision du 10 septembre 2020, le Cneser statuant en matière disciplinaire a renvoyé la connaissance du dossier de Monsieur XXX devant la section disciplinaire du conseil académique de l’université de technologie de Belfort-Montbéliard ;

Par une décision du 10 mai 2022, la section disciplinaire du conseil académique de l’université de technologie de Belfort-Montbéliard compétente à l’égard des enseignants-chercheurs a prononcé deux sanctions à l’encontre de Monsieur XXX : d’une part la sanction de blâme, et d’autre part une interdiction d’exercer toutes fonctions d’enseignement au sein de l’université de Haute-Alsace durant le premier semestre de l’année universitaire 2022-2023, assortie de la privation de la moitié du traitement, décision immédiatement exécutoire nonobstant appel ;

Par une requête en appel, enregistrée sous le n° 1759 au greffe du Cneser statuant en matière disciplinaire le 18 juillet 2022, Monsieur XXX, représenté par Maître Sophie Herren, demande au Cneser statuant en matière disciplinaire d’annuler la décision rendue le 10 mai 2022 par la section disciplinaire du conseil académique de l’université de technologie de Belfort-Montbéliard et de prononcer sa relaxe de toutes poursuites disciplinaires ;

Monsieur XXX soutient que :

  • la composition de la commission d’instruction et de la formation de jugement est irrégulière ; 
  • la décision de première instance est insuffisamment motivée ; 
  • les droits de la défense ont été méconnus ; 
  • le jugement repose sur des faits matériellement inexacts ; 
  • les faits reprochés ne présentent aucun caractère fautif ; 
  • les faits à l’origine du prononcé de la sanction d’interdiction d’exercer sont prescrits ; 
  • les sanctions prononcées présentent un caractère disproportionné ;

Par un mémoire en défense réceptionné au greffe du Cneser statuant en matière disciplinaire le 7 février 2025, le président de l’université de Haute-Alsace, représenté par Maître François Gerber, demande au Cneser statuant en matière disciplinaire de rejeter la requête en appel de Monsieur XXX et de confirmer la décision attaquée dans son intégralité ;

Le président de l’université de Haute-Alsace soutient que la requête d’appel est tardive, moyen abandonné au cours de l’audience de la formation de jugement du Cneser statuant en matière disciplinaire du 3 juillet 2025, et qu’aucun des moyens présentés en appel par Monsieur XXX n’est fondé ;

La commission d’instruction s’est tenue le 14 mai 2025 ;

Par lettres recommandées du 6 juin 2025, Monsieur XXX, Maître Sophie Herren, son conseil, ainsi que le président de l’université de Haute-Alsace ont été régulièrement convoqués à l’audience du 3 juillet 2025 ;

Par courriel du 13 juin 2025, Maître Sophie Herren a sollicité le report de l’audience ; par courriel du 17 juin 2025, Maître Sophie Herren a été informée du rejet de sa demande de renvoi ;

Le rapport d’instruction rédigé par Madame Maguy Fullana-Thevenet ayant été communiqué aux parties par courriers recommandés en même temps que la convocation à comparaître devant la formation de jugement ;

Monsieur XXX étant présent et assisté de Maître Jean-Paul Baduel, avocat ;

Le président de l’université de Haute-Alsace étant représenté par Maître François Gerber, avocat ;

II. Le président de l’université de Haute-Alsace a engagé, le 18 janvier 2022, contre Monsieur XXX, maître de conférences hors classe, des poursuites disciplinaires devant la section disciplinaire compétente à l’égard des enseignants-chercheurs de son établissement ;

Par une requête du 27 janvier 2022, le président de l’université de Haute-Alsace a saisi le Cneser statuant en matière disciplinaire afin de dessaisir la section disciplinaire du conseil académique de son établissement, compétente pour connaitre du dossier disciplinaire de Monsieur XXX ;

Par une décision du 6 avril 2022, le Cneser statuant en matière disciplinaire a renvoyé la connaissance du dossier de Monsieur XXX devant la section disciplinaire du conseil académique de l’université de technologie de Belfort-Montbéliard ;

Par une décision du 20 décembre 2023, la section disciplinaire du conseil académique de l’université de technologie de Belfort-Montbéliard compétente à l’égard des enseignants-chercheurs a prononcé à l’encontre de Monsieur XXX la sanction de la révocation, décision immédiatement exécutoire nonobstant appel ;

Par une requête en appel, enregistrée sous le n° 1810 au greffe du Cneser statuant en matière disciplinaire le 18 mars 2024, Monsieur XXX, représenté par Maître Sophie Herren, demande au Cneser statuant en matière disciplinaire, d’annuler la décision rendue le 20 décembre 2023 par la section disciplinaire du conseil académique de l’université de technologie de Belfort-Montbéliard et de prononcer sa relaxe de toutes poursuites disciplinaires ;

Monsieur XXX soutient que :

  • la décision de première instance est insuffisamment motivée ; 
  • les droits de la défense ont été méconnus ; 
  • le jugement est entaché d’une erreur de droit en raison de la méconnaissance du principe « non bis in idem » ;
  • le jugement repose sur des faits matériellement inexacts ; 
  • les faits reprochés ne présentent aucun caractère fautif ; 
  • la sanction présente un caractère disproportionné ;

Par un mémoire en défense réceptionné au greffe du Cneser statuant en matière disciplinaire le 7 février 2025, le président de l’université de Haute-Alsace, représenté par Maître François Gerber, demande au Cneser statuant en matière disciplinaire de rejeter la requête en appel de Monsieur XXX et de confirmer la décision attaquée dans son intégralité ;

Le président de l’université de Haute-Alsace soutient que la requête d’appel est tardive et qu’aucun des moyens présentés en appel par Monsieur XXX n’est fondé ;

La commission d’instruction s’est tenue le 14 mai 2025 ;

Par lettres recommandées du 6 juin 2025, Monsieur XXX, Maître Sophie Herren, son conseil ainsi que le président de l’université de Haute-Alsace, ont été régulièrement convoqués à l’audience du 3 juillet 2025 ;

Par courriel du 13 juin 2025, Maître Sophie Herren sollicite le report de l’audience ; par courriel du 17 juin 2025, Maître Sophie Herren est informée du rejet de sa demande de renvoi ;

Le rapport d’instruction rédigé par Madame Maguy Fullana-Thevenet ayant été communiqué aux parties par courriers recommandés en même temps que la convocation à comparaître devant la formation de jugement ;

Monsieur XXX étant présent et assisté de Maître Jean-Paul Baduel, avocat ;

Le président de l’université de Haute-Alsace étant représenté par Maître François Gerber, avocat ;

Vu l’ensemble des pièces des dossiers ;

Vu :

  • le Code général de la fonction publique ;
  • la loi n° 83-634 du 13 juillet 983 ;
  • le Code de l’éducation, notamment ses articles L. 232-2 à L. 232-7, L. 952-8 et R. 232-23 à R. 232-48 ;

Après avoir entendu en séance publique les rapports de Madame Maguy Fullana-Thevenet, rapporteure ;

Monsieur XXX ayant été informé, pour chacune des deux affaires, de son droit de garder le silence à l’audience et de ne pas s’auto-incriminer ;

La parole ayant été donnée aux parties, Monsieur XXX ayant eu la parole en dernier pour chacune des deux affaires ;

La formation de jugement du Cneser statuant en matière disciplinaire ayant délibéré à huis clos sans que Madame Maguy Fullana-Thevenet, rapporteure, n’intervienne ni n’ait voix délibérative ;

Considérant ce qui suit :

1. Monsieur XXX est maître de conférences hors classe au sein du département Droit de l’université de Haute-Alsace. Par une première procédure, le président de l’université a engagé, le 20 juillet 2020, à son encontre des poursuites disciplinaires en raison de la transmission de sujets d’examen aux étudiants avant la date programmée des épreuves et en raison d’un comportement irrespectueux et déplacé envers un étudiant pendant un cours. Par une décision du 10 mai 2022, dont Monsieur XXX relève appel, la section disciplinaire du conseil académique de l’université de technologie de Belfort-Montbéliard a estimé que ces faits étaient avérés et constituaient des fautes disciplinaires et a infligé à Monsieur XXX la sanction du blâme pour la transmission de certains sujets d’examen et la sanction de l’interdiction d’exercer toutes fonctions d’enseignement au sein de l’université de Haute-Alsace pendant le premier semestre de l’année universitaire 2022-2023 avec privation de la moitié du traitement. Par une seconde procédure, le président de l’université a engagé, le 18 janvier 2022, à l’encontre de Monsieur XXX des poursuites disciplinaires en raison de propos, insinuations et vexations publiques à connotation sexuelle. Par une décision du 20 décembre 2023, dont Monsieur XXX relève appel, la section disciplinaire du conseil académique de l’université de technologie de Belfort-Montbéliard a estimé que ces faits étaient avérés, constituaient des fautes disciplinaires et a infligé à Monsieur XXX la sanction de la révocation ;

Sur la jonction : 

2. Rien ne s’oppose à ce que le Cneser statuant en matière disciplinaire, saisi de différentes procédures disciplinaires, en particulier lorsqu’elles sont relatives à des poursuites disciplinaires engagées contre un même enseignant-chercheur, use de la faculté dont il dispose de joindre ces procédures pour statuer par une seule décision, se prononçant alors sur l’ensemble du comportement professionnel de l’intéressé, dès lors que chaque affaire a été instruite conformément aux dispositions des articles R. 232-36 et R. 232-37 du Code de l’éducation. Lorsqu’il décide de faire usage de cette faculté de joindre plusieurs affaires, le Cneser statuant en matière disciplinaire n’est pas tenu d’en informer préalablement les parties afin de les mettre en mesure de présenter des observations sur la jonction ;

3. Ces deux procédures concernent des faits, pour partie liés entre eux, reprochés à Monsieur XXX dont il y a lieu d’apprécier le comportement dans son ensemble. Par suite, il y a lieu de joindre les deux requêtes d’appel dirigées contre les sanctions dont il a fait l’objet pour y statuer par une seule décision ;

Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :

4. Aux termes de l’article R. 712-43 du Code de l’éducation : « L'appel et l'appel incident peuvent être formés devant le Cneser, statuant en matière disciplinaire contre les décisions des sections disciplinaires des universités, par les personnes à l'encontre desquelles ces décisions ont été rendues, par le président de l'université, par le recteur de région académique ou par le ministre chargé de l'enseignement supérieur lorsque les poursuites concernent le président de l'université. / L'appel est formé dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision. » ;

5. Si la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête d’appel enregistrée sous le n° 1759 a été abandonnée à l’audience par le président de l’université de Haute-Alsace, tel n’est pas le cas pour la seconde requête d’appel enregistrée sous le n° 1810. Il résulte toutefois des pièces du dossier que le jugement du 20 décembre 2023 a été notifié le 15 janvier 2024 à Monsieur XXX et que le délai de recours de deux mois, qui est un délai franc, expirait le samedi 16 mars 2024, délai reporté au premier jour ouvrable suivant, soit le lundi 18 mars 2024. Par suite, la requête d’appel introduite le 18 mars 2024 n’est pas tardive. La fin de non-recevoir opposée en défense ne peut, dès lors, qu’être écartée ;

Sur la régularité du jugement du 10 mai 2022 :

6. Aux termes de l’article R. 712-13 du Code de l’éducation : « La section disciplinaire du conseil académique compétente à l'égard des enseignants-chercheurs et des enseignants comprend : / 1° Quatre professeurs des universités ou personnels assimilés en application de l'article 5 du décret n° 87-31 du 20 janvier 1987 relatif au Conseil national des universités pour les disciplines médicales, odontologiques et pharmaceutiques ou de l'article 6 du décret n° 92-70 du 16 janvier 1992 relatif au Conseil national des universités, dont au moins un membre du corps des professeurs des universités ; / 2° Quatre maîtres de conférences ou personnels assimilés titulaires, en application de l'article 5 du décret n° 87-31 du 20 janvier 1987 relatif au Conseil national des universités pour les disciplines médicales, odontologiques et pharmaceutiques ou de l'article 6 du décret n° 92-70 du 16 janvier 1992 relatif au Conseil national des universités ; / 3° Deux représentants des personnels titulaires, exerçant des fonctions d'enseignement, appartenant à un autre corps de fonctionnaires. » et aux termes de l’article R. 712-24 du même Code : « La formation de la section disciplinaire appelée à connaître des poursuites engagées contre un maître de conférences, un membre d'un personnel assimilé ou un enseignant associé de même niveau est composée de quatre membres, à savoir le président, un autre membre mentionné au 1° de l'article R. 712-13 et deux membres désignés au 2° de l'article R. 712-13. […] ». Enfin, l’article R. 712-21 de ce Code prévoit que les membres des sections disciplinaires « demeurent en fonctions jusqu’à la désignation de leurs successeurs […] » ;

7. La formation de jugement de la section disciplinaire qui a prononcé les sanctions attaquées du 10 mai 2022 était composée de Monsieur AAA, président et professeur des universités, de Madame BBB, professeure des universités, de Madame BBB, maître de conférences et de Madame DDD, maître de conférences. Il résulte de l’instruction que Madame DDD a été nommée professeure des universités par un décret du 17 février 2022 et que le conseil d’administration de l’université de technologie de Belfort-Montbéliard avait acté le 18 mars 2022 son remplacement par Madame CCC. Dès lors que les deux intéressées ont siégé ensemble dans la formation de jugement, et ce alors que Madame DDD était désormais professeure des universités, Monsieur XXX est fondé à soutenir que la formation de jugement était irrégulièrement composée. Il en résulte que le jugement du 10 mai 2022 est irrégulier et doit être annulé sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête ;

Sur la régularité du jugement du 20 décembre 2023 :

8. Aux termes de l’article R. 712-41 du Code de l’éducation dans sa version applicable au litige : « La décision doit être motivée […] » ;

9. Il ressort des énonciations de la décision attaquée du 20 décembre 2023 que, pour juger que Monsieur XXX avait méconnu ses obligations déontologiques et que ses agissements fautifs justifiaient la sanction de la révocation, la section disciplinaire du conseil académique de l’université de Belfort-Montbéliard s’est bornée à qualifier de manière générale le comportement de l’intéressé en évoquant « des propos, insinuations et vexations publiques à connotation sexuelle » et en renvoyant aux « témoignages précis et concordants produits au dossier », sans préciser ni analyser les faits qui lui étaient reprochés. En statuant ainsi, la section disciplinaire du conseil académique de l’université de Belfort-Montbéliard a entaché sa décision d’insuffisance de motivation. Par suite, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son appel, Monsieur XXX est fondé à en demander l’annulation ;

10. Compte tenu des annulations prononcées aux points 7 et 9 de la présente décision, il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur les plaintes transmises par le président de l’université de Haute-Alsace à la section disciplinaire du conseil académique de l’université de technologie de Belfort-Montbéliard ;

Sur les plaintes transmises par le président de l’université de Haute-Alsace : 

En ce qui concerne l’exception de prescription :

11. Aux termes de l’article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, applicable à la date des faits litigieux, désormais codifié à l’article L. 532-2 du Code général de la fonction publique : « Aucune procédure disciplinaire ne peut être engagée au-delà d'un délai de trois ans à compter du jour où l'administration a eu une connaissance effective de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits passibles de sanction. […] » ;

12. Si Monsieur XXX soutient que les faits qui lui sont reprochés, à savoir d’avoir eu un comportement irrespectueux et déplacé envers un étudiant, figurant dans la plainte du 20 juillet 2020, ne sont pas datés précisément et sont prescrits, il résulte de l’instruction que les faits en cause se sont déroulés pendant l’année universitaire 2019-2020. Par suite, la prescription de l’action disciplinaire à raison de ces faits n’était pas acquise lors de l’engagement des poursuites le 20 juillet 2020 et l’exception de prescription doit être écartée ;

En ce qui concerne la matérialité et le caractère fautif des faits reprochés à Monsieur XXX : 

13. Aux termes du premier alinéa de l’article L. 952-2 du Code de l’éducation : « Les enseignants-chercheurs, les enseignants et les chercheurs jouissent d’une pleine indépendance et d’une entière liberté d’expression dans l’exercice de leurs fonctions d’enseignement et de leurs activités de recherche, sous les réserves que leur imposent, conformément aux traditions universitaires et aux dispositions du présent Code, les principes de tolérance et d’objectivité ». Aux termes de l’article 25 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa version applicable à la date des faits litigieux, désormais codifié aux articles L. 121-1 et L. 121-2 du Code général de la fonction publique : « Le fonctionnaire exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité. / […] Le fonctionnaire traite de façon égale toutes les personnes et respecte leur liberté de conscience et leur dignité […] » ;

S’agissant de la transmission des sujets d’examen :

14. Il résulte de l’instruction que les faits reprochés à Monsieur XXX concernent la transmission des sujets des épreuves de droit constitutionnel, de relations internationales et de libertés fondamentales organisées au titre de l’année universitaire 2019-2020 pendant l’épidémie de Covid-19. S’il n’est pas établi par les pièces au dossier que Monsieur XXX a communiqué le sujet de droit constitutionnel, il est établi, en revanche, qu’il a communiqué le sujet des épreuves de relations internationales et de libertés fondamentales aux étudiants, plusieurs jours avant l’organisation des épreuves et en dépit des consignes d’examen arrêtées par l’université qui ne prévoyaient pas une telle diffusion. Un tel comportement de Monsieur XXX, qui a conduit l’université à modifier le sujet donné aux étudiants en ce qui concerne les relations internationales et à reprogrammer une nouvelle épreuve portant sur les libertés fondamentales, constitue une méconnaissance de l’exigence de dignité, d’impartialité, d’intégrité et de probité rappelé par les dispositions de l’article 25 de la loi du 13 juillet 1983 citées au point 13 ;

S’agissant des propos et comportements adoptés envers les étudiants : 

15. En premier lieu, il résulte de l’instruction et, en particulier, de plusieurs témoignages d’étudiants que, lors d’un cours dispensé pendant l’année universitaire 2019-2020, Monsieur XXX, revêtu de la robe, a fait venir un étudiant sur l’estrade et devant l’ensemble des autres étudiants, lui a demandé de se pencher comme pour un toucher rectal, lui a demandé s’il sentait son doigt à deux reprises en simulant un acte de sodomie ou, à tout le moins, de pénétration anale. Lors de son audition devant la commission d’instruction, Monsieur XXX a contesté avoir simulé un toucher rectal, une sodomie ou un quelconque acte médical ou sexuel et a exposé que le geste était une mise en scène visant à illustrer une théorie complexe, celle, en dernier lieu, du droit de vote et des citoyens actifs et passifs de l’abbé Sieyès ;

16. En second lieu, il résulte de l’instruction qu’à la suite d’un signalement de douze étudiants en master quelques semaines après la rentrée universitaire 2021-2022, plusieurs étudiants ont témoigné de propos et comportements inappropriés de la part de Monsieur XXX, pour certains tenus plusieurs années auparavant pendant leur première année de licence. Interrogé sur ces faits, Monsieur XXX a reconnu, tout en cherchant à les recontextualiser, avoir tenu les propos suivants, pour certains à plusieurs reprises : « Tu dis de la merde chérie », « Ta gueule », « Tu vas trop vite. Ta copine me l’a encore dit hier soir », « Tu aurais mieux fait de pas arrêter de te taire », « Comme tous les mecs putain. Ça commence bien, ça finit mal », « Je ne veux pas coucher avec des étudiantes de L1 mais plus tard, la porte sera grande ouverte ». Monsieur XXX a également, d’une part, proposé à des étudiants de montrer leurs fesses en classe en échange de places gratuites pour le gala de fin d’année, un des étudiants s’étant alors exécuté, d’autre part, répondu à des étudiants en cours par un doigt d’honneur et enfin expliqué aux étudiants le « baby-boom » par le fait que leurs grands-parents « avaient niqué comme des porcs ». M. XXX a également reconnu, en premier lieu, avoir expliqué la méthodologie de la dissertation de la manière suivante : « l’introduction ce sont les préliminaires et les préliminaires, c’est très important sinon ça ne glisse pas – ensuite il faut directement entrer dans le sujet – et ensuite repos après l’effort » ou après avoir lui-même évoqué la question « peut-on considérer qu’un doigt c’est un viol ? », avoir répondu « tout est relatif », en deuxième lieu, avoir utilisé pour expliquer un principe de cours une métaphore sur le viol en réunion, avoir expliqué aux jeunes femmes que pour le viol, celles-ci devraient « se laisser faire » ou encore, en troisième lieu, demandé à un étudiant « je vous mets dans une cave avec sept gars qui veulent faire de vous un bilboquet, vous préférez voter au scrutin proportionnel ou majoritaire ? ». Monsieur XXX conteste en revanche avoir indiqué que les pauses pour se rendre aux toilettes étaient interdites pendant ses cours, tout en réservant les cas d’urgence pour les jeunes femmes dont les organes génitaux étaient remplis de liquide séminal, ce type d’urgences étant mieux tolérée. Ces propos sont toutefois corroborés par plusieurs témoignages précis et concordants et doivent, dès lors, être également considérés comme matériellement établis ;

17. L’ensemble de ces agissements, constatés sur plusieurs années, constituent de la part de Monsieur XXX des manquements particulièrement graves aux exigences de dignité, d’intégrité et de probité rappelés par les dispositions de l’article 25 de la loi du 13 juillet 1983 et constituent des fautes disciplinaires, peu important à cet égard l’absence d’intention malveillante alléguée par Monsieur XXX qui ne saurait se retrancher derrière des maladresses, une attitude « un peu gauloise » et l’aggravation progressive de ses difficultés relationnelles au sein de l’université ;

En ce qui concerne la sanction :

18. Aux termes de l’article L. 952-8 du Code de l’éducation : « […] les sanctions disciplinaires qui peuvent être appliquées aux enseignants-chercheurs et aux membres des corps des personnels enseignants de l’enseignement supérieur sont : / 1° Le blâme ; / 2° Le retard à l’avancement d’échelon pour une durée de deux ans au maximum ; / 3° L’abaissement d’échelon ; / 4° L’interdiction d’accéder à une classe, grade ou corps supérieurs pendant une période de deux ans au maximum ; / 5° L’interdiction d’exercer toutes fonctions d’enseignement ou de recherche ou certaines d’entre elles dans l’établissement ou dans tout établissement public d’enseignement supérieur pendant cinq ans au maximum, avec privation de la moitié ou de la totalité du traitement ; / 6° La mise à la retraite d’office ; / 7° La révocation. / Les personnes à l’encontre desquelles a été prononcée la sixième ou la septième sanction peuvent être frappées à titre accessoire de l’interdiction d’exercer toute fonction dans un établissement public ou privé, soit pour une durée déterminée, soit définitivement. » ;

19. Eu égard à la gravité des fautes commises par Monsieur XXX en ce qui concerne les propos et comportements adoptés envers ses étudiants, tant en ce qui concerne la nature des manquements qui lui sont reprochés qu’en ce qui concerne leur diversité et leur étendue dans le temps, et à l’absence de sérieuse remise en question de sa part, il y a lieu de prononcer à son encontre la sanction de la révocation ;

 

Décide 

 

Article 1 – Les décisions rendues le 10 mai 2022 et le 20 décembre 2023 par la section disciplinaire du conseil académique de l’université de technologie de Belfort-Montbéliard compétente à l’égard des enseignants-chercheurs à l’encontre de Monsieur XXX sont annulées.

 

Article 2 – La sanction de la révocation est prononcée à l’encontre de Monsieur XXX. 

 

Article 3 – Dans les conditions fixées aux articles R 232-41 et R 232-42 du Code de l’éducation susvisé, la présente décision sera notifiée à Monsieur XXX, au président de l’université de Haute-Alsace, au ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche et publiée, sous forme anonyme, au Bulletin officiel de l’enseignement supérieur et de la recherche ; copie sera adressée, en outre, au recteur de l’académie de Strasbourg.

 

Délibéré à l’issue de la séance du 3 juillet 2025, où siégeaient Monsieur Christophe Devys, président de section au Conseil d’État, président du Cneser statuant en matière disciplinaire, Madame Frédérique Roux, Monsieur Lilian Aveneau, Madame Pascale Gonod, Madame Agnès Cousson, Madame Véronique Reynier, Monsieur Fabrice Guilbaud, membres de la juridiction disciplinaire.

 

Fait à Paris le 31 juillet 2025,

 

La président,
Christophe Devys

La vice-présidente,
Frédérique Roux

Le greffier en chef,
Éric Mourou

 

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