bo Bulletin officiel de l’enseignement supérieur et de la recherche
Édité par le MESRE, le Bulletin officiel de l'enseignement supérieur et de la recherche publie des actes administratifs : décrets, arrêtés, notes de service, circulaires, avis de vacance de postes, etc. La mise en place de mesures ministérielles et les opérations annuelles de gestion font l'objet de textes réglementaires publiés dans des BO spéciaux.
Publication hebdomadaire (ISSN : 2110-6061)
Cneser
Sanctions disciplinaires
nor : ESRH2531497S
Décisions du 4-11-2025
MESRE – CNESER
Monsieur XXX
N° 1615
Monsieur Gaël Lancelot
Rapporteur
Séance publique du 9 octobre 2025
Décision du 4 novembre 2025
Vu la procédure suivante :
Par un mémoire du 20 janvier 2020, la présidente de l’université Paris 8 Vincennes Saint-Denis a saisi directement le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (Cneser) statuant en matière disciplinaire, conformément aux dispositions des articles L. 232-2 et R. 232-31 du Code de l’éducation, de poursuites disciplinaires à l’encontre de Monsieur XXX, maître de conférences affecté à l’institut universitaire technologique (IUT) de Tremblay-en-France, au motif qu’aucune section disciplinaire n’était constituée au sein du conseil académique de cette université ;
Elle soutient, en se prévalant d’un rapport de l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche (IGAENR) n° 2019-056 d’août 2019, que des faits pouvant être constitutifs de harcèlement moral ont été commis par Monsieur XXX et sont susceptibles de sanctions disciplinaires. Elle soutient par ailleurs que, en installant une caméra de vidéosurveillance dans un espace d’enseignement et de travail des agents de l’IUT sans procéder à l’intégralité des mesures d’information préalables requises, puis en ne se conformant pas à l’ordre donné par la présidente de l’université de désinstaller cette caméra, Monsieur XXX a commis un manquement au devoir d’obéissance hiérarchique susceptible de sanctions disciplinaires ;
Par un mémoire daté du 20 avril 2023, Monsieur XXX, représenté par Maître Valérie Champagne, demande au Cneser statuant en matière disciplinaire que soit prononcée sa relaxe. Il soutient :
- que le rapport de l’IGAENR n° 2019-056 d’août 2019 a été réalisé sans permettre à Monsieur XXX d’apporter des éléments contradictoires et est donc entaché de partialité ;
- que les agents prétendant avoir subi des faits constitutifs de harcèlement moral l’ont fait en réaction à des mesures prises par Monsieur XXX pour mettre fin à des activités illégales se déroulant dans les locaux de l’IUT et assurer la sécurité de l’établissement ;
- que la consigne donnée par la présidente de l’université le 24 mai 2018 de désinstaller la caméra litigieuse s’inscrivait dans un processus de dialogue plus large et n’était pas accompagnée par les justifications techniques et juridiques nécessaires pour que Monsieur XXX l’applique avant qu’elle soit réitérée en juillet 2019, date à laquelle il a procédé à la désinstallation ;
Par un mémoire en réplique réceptionné au greffe du Cneser statuant en matière disciplinaire le 9 mai 2023, le président de l’université Paris 8 Vincennes Saint-Denis demande au Cneser statuant en matière disciplinaire que soit prononcée une sanction à l’encontre de Monsieur XXX. Il soutient que, se prévalant de sa qualité de directeur de l’IUT, Monsieur XXX a créé une situation de mal-être au travail pour de nombreux agents, dont sept ont fait valoir leur droit de retrait, et trois pour lesquels des faits de harcèlement moral sont constitués ;
Par une décision rendue le 10 mai 2023, le Cneser statuant en matière disciplinaire a sanctionné Monsieur XXX d’une interdiction d’accéder à une classe, grade ou corps supérieurs pendant une durée d’un an ;
Par une décision du 4 avril 2025, le Conseil d’État, saisi d’un pourvoi en cassation formé par Monsieur XXX, a, d’une part, annulé la décision du 10 mai 2023 du Cneser statuant en matière disciplinaire au motif que la communication trop tardive de pièces n’avait pas permis de respecter le principe du contradictoire et, d’autre part, renvoyé l’affaire devant cette juridiction afin qu’elle soit à nouveau jugée ;
Par un mémoire daté du 23 septembre 2025, Monsieur XXX soutient :
- que l’installation de la caméra litigieuse s’est faite dans un contexte d’échanges informels constants avec les agents exerçant dans l’atelier filmé, avec la Commission nationale « Informatique et libertés » ainsi qu’avec la présidence de l’université, qui n’auraient donc pas été mis en défaut d’information ;
- que l’université a manifesté une volonté de l’écarter de ses fonctions à la tête de l’IUT, à la fois par le traitement favorable accordé aux agents ayant exprimé leur mal-être sous la forme de l’exercice du droit de retrait prévu aux articles L. 4131-1 et suivants du Code du travail sans que l’ensemble des procédures y afférentes aient été suivies, mais aussi par des mesures prises entre le 4 juillet et le 24 septembre 2019, incluant l’ordre de réintégrer les agents susnommés dans des conditions particulières, la nomination d’un médiateur externe, la désinstallation de la caméra litigieuse, et enfin la suspension des fonctions de directeur de Monsieur XXX. Ces mesures ont été suivies le 23 septembre 2020 de la dissolution du conseil de l’IUT par la ministre chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche, et par une mesure d’interdiction d’accès aux locaux de l’IUT prise par arrêté de la présidente de l’université ;
Par un mémoire en défense réceptionné au greffe du Cneser statuant en matière disciplinaire le 1er octobre 2023, le président de l’université Paris 8 Vincennes Saint-Denis demande au Cneser statuant en matière disciplinaire de sanctionner Monsieur XXX en adéquation avec les nombreux manquements et fautes disciplinaires relevés ;
Le président de l’université Paris 8 Vincennes Saint-Denis soutient que :
- l’ordre de désinstaller la caméra litigieuse, donné par écrit le 24 mai 2018 par la présidente alors en fonctions, était sans ambigüité et que sa contestation par Monsieur XXX représente un manquement manifeste au devoir d’obéissance hiérarchique ;
- les conclusions du rapport de l’IGAENR n° 2019-056 d’août 2019 sont fondées sur des éléments objectifs et documentés, qui prouvent à la fois que des instances statutaires (notamment le conseil scientifique, le conseil de perfectionnement de la formation continue et la commission des personnels des bibliothèques, ingénieurs, administratifs, techniques, pédagogiques, sociaux et de santé [Biatss]) étaient à l’époque inexistantes, mais aussi que l’IUT était le cadre d’un climat généralisé de tensions, nuisible au bon fonctionnement de l’institut et alimenté par les méthodes de gestion de Monsieur XXX et de ses plus proches collaborateurs ;
- les mesures prises par l’université entre le 4 juillet et le 24 septembre 2019 l’ont été, non pas dans le but express d’écarter Monsieur XXX, mais pour rétablir le bon fonctionnement du service ;
- tous les recours engagés par Monsieur XXX contre ces mesures ont été rejetés par la justice administrative ;
Par un mémoire en réplique daté du 7 octobre 2025, Monsieur XXX reprend ses précédentes conclusions par les mêmes moyens ;
La commission d’instruction s’est tenue 18 juin 2025 ;
Le rapport d’instruction rédigé par Monsieur Gaël Lancelot a été communiqué aux parties par courrier recommandé du 9 septembre 2025 ;
Par lettres recommandées du 9 septembre 2025, Monsieur XXX et le président de l’université Paris 8 Vincennes Saint-Denis, ainsi que leurs conseils ont été régulièrement convoqués à l’audience du 9 octobre 2025 ;
Monsieur XXX étant présent et assisté de Maître Valérie Champagne, avocate et par Monsieur Rachid Zouhhad, défenseur syndical ;
Le président de l’université Paris 8 Vincennes Saint-Denis étant représenté par Maître Pierre Moreau, avocat ;
Vu l’ensemble des pièces du dossier ;
Vu le Code de l’éducation, notamment ses articles L. 232-2 à L. 232-7, L. 952-8 et R. 232-23 à R. 232-48 ;
Vu le Code général de la fonction publique ;
Après avoir entendu en séance publique le rapport de Monsieur Lancelot, rapporteur ;
Monsieur XXX ayant été informé de son droit de garder le silence à l’audience et de ne pas s’auto-incriminer ;
La parole ayant été donnée aux parties, Monsieur XXX ayant eu la parole en dernier ;
La formation de jugement du Cneser statuant en matière disciplinaire ayant délibéré à huis clos sans que Monsieur Lancelot, rapporteur, n’intervienne ni n’ait voix délibérative ;
Considérant ce qui suit :
- Monsieur XXX, né le 21 octobre 1959, est maître de conférences hors classe affecté à l’IUT de Tremblay-en-France, dépendant de l’université Paris 8 Vincennes Saint-Denis. Il est nommé directeur de cet IUT en juin 2014, reconduit dans ces fonctions le 18 avril 2019 à la suite d’élections internes à l’IUT, et suspendu de ces mêmes fonctions par un arrêté du 24 septembre 2019 ;
- Par un mémoire du 20 janvier 2020, en raison de l’absence de section disciplinaire régulièrement constituée à cette date au sein de l’établissement, la présidente de l’université Paris 8 Vincennes Saint-Denis a demandé au Cneser, conformément aux dispositions de l’article R. 232-31 du Code de l’éducation, de statuer en première et dernière instance sur des faits reprochés à Monsieur XXX de nature à porter atteinte à l’ordre ou au bon fonctionnement de l’IUT et de l’université ;
- Par une décision rendue le 10 mai 2023, le Cneser statuant en matière disciplinaire a sanctionné Monsieur XXX d’une interdiction d’accéder à une classe, grade ou corps supérieurs pendant une durée d’un an. Par une décision du 4 avril 2025, le Conseil d’État, saisi d’un pourvoi en cassation formé par Monsieur XXX, a, d’une part, annulé la décision du 10 mai 2023 du Cneser statuant en matière disciplinaire au motif que la communication trop tardive de pièces n’avait pas permis de respecter le principe du contradictoire et, d’autre part, renvoyé l’affaire devant cette même juridiction afin qu’elle soit à nouveau jugée ;
Sur les faits reprochés à Monsieur XXX : - Il résulte de l’instruction, et notamment d’un premier rapport de l’IGAENR daté de 2015, que l’IUT de Tremblay-en-France, rattaché à l’université Paris 8 Vincennes Saint-Denis, a connu de nombreux dysfonctionnements préalablement à la prise de fonctions de Monsieur XXX. Ce dernier soutient avoir, dès qu’il a été nommé directeur, mis au jour une pratique habituelle d’utilisation par des agents de l’institut des moyens de l’IUT pour des réalisations personnelles (dite pratique de la « perruque » ou du « perruquage ») et avoir notamment rassemblé un faisceau d’indices, établis par constat d’huissier, qu’il a transmis à la présidence de l’université. Du fait de cette remise en cause de pratiques interdites et néanmoins tolérées, les relations et les conditions de travail au sein de l’IUT se sont particulièrement dégradées, ce que Monsieur XXX ne semble pas avoir été en mesure de percevoir avant l’engagement de procédures disciplinaires à son encontre. Il ressort également des pièces du dossier que Monsieur XXX n’a pas mis en place les organes requis par les statuts de l’IUT, tels que la commission des Biatss, le conseil scientifique ou le conseil de perfectionnement de la formation continue, alors qu’ils auraient pu justement l’éclairer utilement sur la situation au sein de l’institut ;
En ce qui concerne les méthodes de management inapproprié et la qualification de harcèlement moral : - Aux termes de l’article L. 133-2 du Code général de la fonction publique : « Aucun agent public ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. » Il résulte de ces dispositions qu’est passible d’une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder à de tels agissements ;
- Il résulte de l’instruction que les agents identifiés par l’université Paris-8 Versailles Saint-Denis comme ayant fait l’objet de mesures pouvant être qualifiées de harcèlement moral ont bien été en conflit durable avec Monsieur XXX, qui les a identifiés comme incapables de remplir les missions leur étant assignées, soit pour des raisons médicales dans le cas d’un agent technique certifié médicalement comme incapable de porter des charges lourdes, soit pour des raisons de formation dans le cas d’un enseignant formé en mathématiques et chargé de cours en logistique, soit enfin pour des raisons de refus de service dans le cas d’un informaticien refusant de mettre à jour les serveurs sur lesquels il avait été formé. Les mesures prises par Monsieur XXX pour remédier à ces situations, bien qu’elles relèvent formellement de son pouvoir d’organisation du service, n’ont pas été précédées de tentatives sérieuses de conciliation ou d’adaptation des postes. Il apparaît néanmoins que Monsieur XXX n’a pas non plus bénéficié d’accompagnement des services centraux de l’université sur ce point ;
- Concernant les autres agents, notamment ceux s’étant exprimés sous couvert d’anonymat auprès de la mission de l’IGAENR de 2019 et ceux s’étant prévalu du droit de retrait en 2018, il résulte de l’instruction que leur mal-être au travail est dû à une atmosphère de tension et de suspicion pré-existante à la prise de fonctions de Monsieur XXX, à laquelle ses méthodes de management inappropriées n’ont pas su remédier, et auxquelles il ne s’est pas donné les moyens de prêter une attention suffisante, mais non d’une politique délibérée ou répétée de harcèlement moral de sa part. Si les agissements de Monsieur XXX ne peuvent, par conséquent, recevoir une qualification de harcèlement moral au sens du Code général de la fonction publique, le management inadapté qui a notamment conduit à l’incapacité de gestion des conflits de Monsieur XXX doit être toutefois regardée comme fautif et de nature à justifier une sanction ;
En ce qui concerne l’installation d’une caméra de vidéosurveillance dans l’atelier pédagogique : - Aux termes de l’article 22 alors applicable de la loi n° 78-17 du 16 janvier 1978 relative à l’informatique et aux libertés : « À l'exception de ceux qui relèvent des dispositions prévues aux articles 25, 26 et 27 ou qui sont visés au deuxième alinéa de l'article 36 [inapplicables en l’espèce], les traitements automatisés de données à caractère personnel font l'objet d'une déclaration auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil). ». Aux termes de l’article L. 2312-38 alors applicable du Code du travail : « Le comité social et économique est informé et consulté, préalablement à la décision de mise en œuvre dans l'entreprise, sur les moyens ou les techniques permettant un contrôle de l'activité des salariés. ». Aux termes de l’article L. 1222-4 du même Code : « Aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n'a pas été porté préalablement à sa connaissance. » ;
- Il résulte de l’instruction que Monsieur XXX a fait installer le 13 avril 2018 une caméra filmant, 24 heures sur 24, l’atelier pédagogique de génie industriel et maintenance de l’IUT. Contrairement aux cinq caméras pré-existantes dans l’IUT, qui n’avaient pas non plus fait l’objet d’une déclaration auprès de la Cnil et qui couvrent des lieux d’accès et de passage, cette nouvelle caméra, située sur un circuit distinct, filmait donc un lieu d’enseignement et de travail habituel de certains agents de l’IUT. Préalablement à cette date, aucune communication écrite sur l’installation de cette caméra n’a été adressée à la Cnil, au personnel ni aux organisations représentatives de celui-ci, nonobstant les échanges téléphoniques avec la Cnil et les discussions informelles avec certains agents dont Monsieur XXX a fait état ;
- Il résulte de l’instruction que l’université dispose d’un délégué à la protection des données répondant à la définition posée par la loi n° 78-17 du 16 janvier 1978 relative à l’informatique et aux libertés. Celui-ci a adressé des notes à la présidence de l’université l’avisant de l’irrégularité constituée par les conditions dans lesquelles la caméra avait été installée. Cependant, il n’a jamais contacté directement Monsieur XXX ni été saisi par celui-ci ;
- Le 24 mai 2018, la présidente de l’université a formellement donné par courrier à Monsieur XXX l’ordre de désinstaller cette caméra. Ce dernier n’a pas suivi cet ordre, auquel il était pourtant tenu de se conformer. Ce n’est que lorsque cet ordre a été réitéré par courrier du 4 juillet 2019, soit plus d’un an après l’ordre initial, que Monsieur XXX a fait procéder à la désinstallation de la caméra litigieuse lors de la rentrée universitaire suivante. Ces faits sont donc constitutifs d’un manquement au devoir d’obéissance hiérarchique, de nature à justifier que lui soit infligée une sanction disciplinaire ;
Sur la sanction : - Aux termes de l’article L. 952-8 du Code de l’éducation : « Sous réserve des dispositions prises en application de l'article L. 952-23, les sanctions disciplinaires qui peuvent être appliquées aux enseignants-chercheurs et aux membres des corps des personnels enseignants de l'enseignement supérieur sont : / 1° Le blâme ; / 2° Le retard à l'avancement d'échelon pour une durée de deux ans au maximum ; / 3° L'abaissement d'échelon ; / 4° L'interdiction d'accéder à une classe, grade ou corps supérieurs pendant une période de deux ans au maximum ; / 5° L'interdiction d'exercer toutes fonctions d'enseignement ou de recherche ou certaines d'entre elles dans l'établissement ou dans tout établissement public d'enseignement supérieur pendant cinq ans au maximum, avec privation de la moitié ou de la totalité du traitement ; / 6° La mise à la retraite d'office ; / 7° La révocation. / Les personnes à l'encontre desquelles a été prononcée la sixième ou la septième sanction peuvent être frappées à titre accessoire de l'interdiction d'exercer toute fonction dans un établissement public ou privé, soit pour une durée déterminée, soit définitivement. » ;
- Au regard d’une part, de la gravité des faits commis par Monsieur XXX à l’égard de plusieurs agents placés sous son autorité, ainsi que du retard de plus d’un an observé par lui pour se conformer à une mesure d’ordre interne édictée par son supérieur hiérarchique, mais aussi, d’autre part, du contexte spécifique de l’IUT de Tremblay-en-France, du fait que Monsieur XXX n’a reçu aucun soutien de la part de la présidence de l’université dans sa démarche de remise en ordre de l’IUT, ainsi que de la difficulté de retenir une intention malveillante avérée de sa part au moment de l’installation de la caméra litigieuse , il sera fait une juste application des dispositions de l’article L. 952-8 du Code de l’éducation en lui infligeant la sanction d’un retard à l’avancement d’échelon d’une durée d’un an ;
Décide
Article 1 – Monsieur XXX est sanctionné d’un retard à l'avancement d'échelon pour une durée d’un an.
Article 2 – Dans les conditions fixées aux articles R. 232-41 et R. 232-42 du Code de l’éducation susvisé, la présente décision sera notifiée à Monsieur XXX, au président de l’université Paris 8 Vincennes Saint-Denis, au ministre chargé de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’espace et publiée, sous forme anonyme, au Bulletin officiel de l’enseignement supérieur et de la recherche ; copie sera adressée, en outre, au recteur de l’académie de Créteil.
Délibéré à l’issue de la séance du 9 octobre 2025, où siégeaient Monsieur Christophe Devys, président de section au Conseil d’État, président du Cneser statuant en matière disciplinaire, Madame Frédérique Roux, Monsieur Olivier Garet, Monsieur Jean-Luc Hanus, Madame Julie Dalaison, Madame Véronique Reynier, Madame Delphine Galiana, Monsieur Fabrice Guilbaud, membres de la juridiction disciplinaire.
Fait à Paris le 4 novembre 2025,
Le président,
Christophe Devys
La vice-présidente,
Frédérique Roux
Le greffier en chef,
Éric Mourou
Monsieur XXX
N° 1740
Monsieur Guillaume Lefebvre
Rapporteur
Séance publique du 25 septembre 2025
Décision du 4 novembre 2025
Vu la procédure suivante :
Par un courrier du 1er octobre 2020, le président de l’université de Lille a saisi la section disciplinaire de son établissement afin que soient engagées des poursuites disciplinaires à l’encontre de Monsieur XXX, maître de conférences affecté au département sciences de l’éducation et de la formation d’adultes de l’université de Lille ;
Par une requête du 16 octobre 2020, Monsieur XXX a saisi le Cneser statuant en matière disciplinaire d’une demande de dessaisissement de la section disciplinaire du conseil académique de l’université de Lille, compétente pour connaitre de son dossier disciplinaire ;
Par une décision du 9 décembre 2020, le Cneser statuant en matière disciplinaire a renvoyé le dossier de Monsieur XXX devant la section disciplinaire du conseil académique de l’université Paris Saclay ;
Par un courrier du 29 août 2022, le président de l’université de Lille a saisi directement le Cneser statuant en matière disciplinaire de poursuites disciplinaires à l’encontre de Monsieur XXX, aucune décision n’ayant été rendue par la section disciplinaire du conseil académique de l’université Paris Saclay dans le délai de six mois prévu par les dispositions des articles L. 232-2 et R. 232-31 du Code de l’éducation ;
Par une requête du 6 janvier 2025 et un mémoire du 19 septembre 2025, le président de l’université de Lille demande au Cneser statuant en matière disciplinaire de reconnaître le caractère fautif du comportement de Monsieur XXX et de lui infliger une sanction disciplinaire en laissant au Cneser le soin d’en déterminer le quantum ;
Il soutient que :
- Monsieur XXX a procédé, entre le 27 février 2019 et le 8 avril 2020, à des envois répétés de courriels contenant des propos outrageants, injurieux, diffamatoires et menaçants à l’égard de personnels de l’université de Lille ;
- il a refusé de se rendre aux convocations du président de l’université, ainsi que de se présenter aux visites médicales de prévention ;
- les termes de certains courriels adressés à des personnels de l’université de Lille méconnaissent le principe de tolérance et portent atteinte à l’obligation de réserve des enseignants-chercheurs ;
- les refus de se rendre aux convocations du président de l’université, ainsi que les refus de se présenter aux visites médicales de prévention, méconnaissent l’obligation d’obéissance hiérarchique ;
- le comportement de Monsieur XXX justifie l’intervention d’une mesure disciplinaire adaptée et proportionnée ;
Par un mémoire en défense du 6 mars 2025, Monsieur XXX demande au Cneser statuant en matière disciplinaire de rejeter la demande du président de l’université de Lille ;
Monsieur XXX fait valoir que les griefs formulés par le président de l’université de Lille ne sont pas fondés ;
La commission d’instruction s’est tenue 4 juin 2025, les parties n’étaient ni présentes, ni représentées ;
Une mesure d’instruction a été adressée à l’université de Lille qui a produit les pièces sollicitées le 19 juin et le 12 août 2025 ;
Par lettres recommandées du 26 août 2025, Monsieur XXX et le président de l’université de Lille ont été régulièrement convoqués à l’audience du 25 septembre 2025 ;
Le rapport d’instruction rédigé par Monsieur Guillaume Lefebvre ayant été communiqué aux parties par courriers recommandés en même temps que la convocation à comparaître devant la formation de jugement ;
Monsieur XXX, étant absent ;
Le président de l’université de Lille n’étant ni présent ni représenté ;
Vu l’ensemble des pièces du dossier ;
Vu le Code de l’éducation, notamment ses articles L. 232-2 à L. 232-7, L. 952-8 et R. 232-23 à R. 232-48 ;
Vu le Code général de la fonction publique ;
Après avoir entendu en séance publique le rapport de Monsieur Lefebvre, rapporteur ;
La formation de jugement du Cneser statuant en matière disciplinaire ayant délibéré à huis clos sans que Monsieur Lefebvre, rapporteur, n’intervienne ni n’ait voix délibérative ;
Considérant ce qui suit :
- Monsieur XXX, enseignant-chercheur, titulaire du grade de maître de conférences de classe normale et affecté au département sciences de l’éducation et de la formation d’adultes à l’université de Lille a, à compter du 27 février 2019, adressé, au moyen de sa messagerie professionnelle, de nombreux messages à plusieurs de ses collègues enseignants-chercheurs ainsi qu’à différents agents administratifs de l’université de Lille. À la suite de signalements effectués par certains des destinataires de ces messages, plusieurs entretiens ont été proposés à Monsieur XXX par le président de l’université, le 12 juillet puis le 9 décembre 2019. Des invitations à des rendez-vous médicaux lui ont également été adressées au cours des mois de décembre 2019 et janvier 2020. Monsieur XXX, s’estimant victime de harcèlement moral, a sollicité le bénéfice de la protection fonctionnelle par courrier du 7 janvier 2020. Estimant que le comportement de Monsieur XXX présentait un caractère fautif, le président de l’université de Lille a, par courrier du 1er octobre 2020, saisi la section disciplinaire de son établissement. Puis, après le renvoi de l’affaire à l’université de Paris Saclay et en l’absence de décision rendue par la section disciplinaire du conseil académique de cette université, le président de l’université de Lille a, en application de l’article L. 232-2 du Code de l’éducation, sollicité, le 29 août 2022, la saisine en premier et dernier ressort du Cneser statuant en matière disciplinaire ;
Sur les faits reprochés à Monsieur XXX : - Dans sa plainte, le président de l’université de Lille reproche à Monsieur XXX, d’une part, d’avoir adressé depuis le mois de février 2019 divers courriels au moyen de la messagerie professionnelle contenant des propos outrageants, injurieux, diffamatoires ou menaçants à l’égard des agents de l’université et, d’autre part, d’avoir refusé de se rendre à ses convocations à des entretiens ainsi qu’à des visites médicales de prévention ;
- S’agissant des termes employés par Monsieur XXX dans différents courriels, il résulte tout d’abord de l’instruction qu’ils ont été utilisés tant dans des courriels adressés à des collègues enseignants-chercheurs que dans des messages adressés à des personnels administratifs de l’université, notamment à Madame AAA, directrice générale déléguée à la recherche, à Monsieur BBB, directeur des affaires juridiques, à Monsieur CCC, et à Madame DDD, agents de la direction de la formation continue et de l’alternance. Il résulte également de l’instruction que plusieurs des messages envoyés par Monsieur XXX entre les mois d’avril 2019 et 2020, par lesquels l’intéressé remet en cause les compétences de ses destinataires, les appelant parfois à la démission et usant de qualificatifs insultants, présentent un caractère injurieux, outrageant ou menaçant. Dans son mémoire en défense, Monsieur XXX ne conteste ni être l’auteur de ces courriels qu’il qualifie de « violents », ni avoir employé des « expressions radicales » et avoir eu des « excès langagiers », mais fait valoir que ces courriels s’inscrivent dans un contexte professionnel « violent, destructeur, injuste et immoral » dont il serait victime. Toutefois, une telle circonstance est insusceptible d’affecter la matérialité de ces faits ;
- S’agissant des refus de Monsieur XXX de se rendre aux convocations du président de l’université ainsi qu’à des visites médicales de prévention, il résulte de l’instruction que Monsieur XXX ne s’est effectivement présenté à aucun des rendez-vous qui lui ont été proposés. Si celui-ci fait valoir qu’il a systématiquement sollicité le report de ces différents entretiens, demandes qui ont systématiquement été refusées, cet élément ne résulte de l’instruction que s’agissant de l’entretien fixé au 12 juillet 2019 ;
Sur la qualification des faits : - D’une part, aux termes de l’article L. 121-1 du Code général de la fonction publique : « L'agent public exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité. ». Aux termes de l’article L. 121-2 du même Code : « L'agent public traite de façon égale toutes les personnes et respecte leur liberté de conscience et leur dignité. ». Aux termes de l’article L. 121-10 de ce Code : « L’agent public doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public. » ;
- D’autre part, aux termes de l’article L. 911-1 du Code de l’éducation : « Sous réserve des dispositions du présent livre, les dispositions statutaires de la fonction publique de l'État s'appliquent aux membres des corps de fonctionnaires du service public de l'éducation. ». Aux termes des dispositions de l’article L. 952-2 du même Code : « les enseignants-chercheurs, les enseignants et les chercheurs jouissent d'une pleine indépendance et d'une entière liberté d'expression dans l'exercice de leurs fonctions d'enseignement et de leurs activités de recherche, sous les réserves que leur imposent, conformément aux traditions universitaires et aux dispositions du présent Code, les principes de tolérance et d'objectivité. / Les libertés académiques sont le gage de l'excellence de l'enseignement supérieur et de la recherche français. Elles s'exercent conformément au principe à caractère constitutionnel d'indépendance des enseignants-chercheurs. » ;
- En premier lieu, les termes employés par Monsieur XXX dans certains de ses courriels, et notamment dans ceux adressés à des membres du personnel administratif de l’université de Lille, présentent, quel que soit le contexte dans lequel ils sont intervenus, un caractère inacceptable et constituent une méconnaissance de l’obligation de dignité ainsi qu’une atteinte au principe de tolérance qui s’attache aux enseignants-chercheurs, dès lors qu’ils ne peuvent être couverts par la liberté d’expression dont bénéficient ces corps de fonctionnaires. Ils présentent ainsi le caractère d’une faute disciplinaire ;
- En second lieu, s’il est constant que Monsieur XXX ne s’est pas rendu aux rendez-vous des 12 juillet et 9 décembre 2019, qui lui avaient été fixés par le président de l’université de Lille, le refus de donner une suite favorable à de telles demandes d’audition par les membres de la direction des affaires juridiques, préalables à l’engagement d’éventuelles poursuites disciplinaire, ne saurait, en tout état de cause, constituer un manquement au devoir d’obéissance hiérarchique et par suite caractériser une faute disciplinaire donnant lieu à une sanction ;
- S’il est également constant que Monsieur XXX n’a pas donné de suite aux différents rendez-vous médicaux qui lui ont été proposés les 19 décembre 2019, 16 et 23 janvier 2020 par le service de santé au travail, il ressort des pièces du dossier, et notamment des échanges entre Monsieur XXX et la direction de la cohésion sociale du Nord, que le requérant a pu croire que ces rendez-vous n’avaient pas de caractère obligatoire. Dès lors, ces refus, nés d’une incompréhension, ne paraissent pas pouvoir, dans les circonstances de l’espèce, être regardés comme constitutifs d’une faute disciplinaire ;
- Il résulte de ce qui précède que, si l’emploi de termes inacceptables par Monsieur XXX dans certains de ces courriels est constitutif d’une faute disciplinaire et susceptible de justifier le prononcé d’une sanction disciplinaire, les autres griefs doivent être écartés ;
Sur le quantum de la sanction : - Aux termes de l’article L. 952-8 du Code de l’éducation, « les sanctions disciplinaires qui peuvent être appliquées aux enseignants-chercheurs et aux membres des corps des personnels enseignants de l'enseignement supérieur sont : / 1° Le blâme ; / 2° Le retard à l'avancement d'échelon pour une durée de deux ans au maximum ; / 3° L'abaissement d'échelon ; / 4° L'interdiction d'accéder à une classe, grade ou corps supérieurs pendant une période de deux ans au maximum ; / 5° L'interdiction d'exercer toutes fonctions d'enseignement ou de recherche ou certaines d'entre elles dans l'établissement ou dans tout établissement public d'enseignement supérieur pendant cinq ans au maximum, avec privation de la moitié ou de la totalité du traitement ; / 6° La mise à la retraite d'office ; / 7° La révocation […] » ;
- Il résulte de l’instruction que les courriels outrageants, injurieux ou menaçants, adressés par Monsieur XXX à certains de ses pairs, à des membres de l’équipe de direction de l’université, mais également à des personnels administratifs, ont eu pour effet de perturber le fonctionnement du service public de l’enseignement supérieur, l’une des destinataires, Madame AAA, ayant sollicité et obtenu le bénéfice de la protection fonctionnelle. L’envoi de ces messages, qui s’étire dans le temps sur près d’une année en dépit des signalements effectués par certains des destinataires et des mesures entreprises par les services administratifs de l’université pour y mettre fin, présente un caractère répété. Il résulte toutefois de l’instruction que ces messages s’inscrivent dans un contexte d’isolement professionnel de Monsieur XXX, lié à une mésentente avec son directeur de laboratoire, qui a porté atteinte à ses conditions de travail et a été ressenti comme une situation de harcèlement moral par Monsieur XXX. Il résulte également de l’instruction que certains des termes les plus violents adressés par l’intéressé à ses interlocuteurs l’ont été en réponse à des courriels au ton également inapproprié dont il était le destinataire. Dans ces circonstances, il sera fait une juste application des dispositions de l’article L. 952-8 du Code de l’éducation en retenant, à l’encontre de Monsieur XXX, la sanction du retard à l’avancement d’échelon, pour une durée d’un an ;
Décide
Article 1 – Monsieur XXX est condamné à un retard à l'avancement d'échelon d’une durée d’un an.
Article 2 – Dans les conditions fixées aux articles R. 232-41 et R. 232-42 du Code de l’éducation susvisé, la présente décision sera notifiée à Monsieur XXX, au président de l’université de Lille, au ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Espace et publiée, sous forme anonyme, au Bulletin officiel de l’enseignement supérieur et de la recherche ; copie sera adressée, en outre, à la rectrice de l’académie de Lille.
Délibéré à l’issue de la séance du 25 septembre 2025, où siégeaient Monsieur Christophe Devys, président de section au Conseil d’État, président du Cneser statuant en matière disciplinaire, Madame Frédérique Roux, Monsieur Jean-Luc Hanus, Madame Julie Dalaison, Monsieur Olivier Garet, Monsieur Fabrice Guilbaud, Monsieur Christophe Voilliot, membres de la juridiction disciplinaire.
Fait à Paris le 4 novembre 2025,
Le président,
Christophe Devys
La vice-présidente,
Frédérique Roux
Le greffier en chef,
Éric Mourou
Monsieur XXX
N° 1751
Monsieur Gaël Lancelot
Rapporteur
Séance publique du 9 octobre 2025
Décision du 4 novembre 2025
Vu la procédure suivante :
La présidente de l’université de Poitiers a engagé le 12 septembre 2022, contre Monsieur XXX, maître de conférences de langue et civilisation chinoises affecté à l’UFR Lettres et langues, des poursuites disciplinaires devant la section disciplinaire du conseil académique de son établissement ;
Par un mémoire du 27 mars 2023, la présidente de l’université de Poitiers a saisi directement le Cneser statuant en matière disciplinaire de poursuites disciplinaires à l’encontre de Monsieur XXX, aucune décision n’ayant été rendue par la section disciplinaire du conseil académique de l’université de Poitiers dans le délai de six mois prévu par les dispositions des articles L. 232-2 et R. 232-31 du Code de l’éducation ;
Par un mémoire du 4 février 2025, la présidente de l’université de Poitiers complète sa saisine directe initiale par de nouveaux faits reprochés à Monsieur XXX. Par un nouveau mémoire daté du 17 juin 2025, la présidente de l’université de Poitiers indique que les faits reprochés à Monsieur XXX constituent des atteintes déontologiques graves et répétées à la dignité et au devoir d’exemplarité qu’exige la fonction d’enseignant-chercheur et ne sauraient être tolérés dans un établissement d’enseignement supérieur ;
Par ces divers mémoires, la présidente de l’université de Poitiers soutient que :
- Monsieur XXX a envoyé, de manière répétée et habituelle, des messages diffamatoires et agressifs envers de nombreux agents de l’université, susceptibles de constituer des faits de harcèlement moral ;
- Monsieur XXX a tenu, lors de ses enseignements, des propos insultants et dénigrants envers certains étudiants, ainsi qu’envers la direction de la composante et la présidence de l’établissement, outrepassant l’exercice normal de la libre expression garantie aux enseignants-chercheurs ;
- Monsieur XXX a refusé d’utiliser les outils informatiques mis à sa disposition ou validés par l’université pour effectuer ses missions ;
- Monsieur XXX a refusé de se déplacer dans les locaux de l’université pour y assurer le service d’enseignement exigé par ses fonctions ;
Par un premier mémoire réceptionné au greffe du Cneser statuant en matière disciplinaire le 5 juin 2025, complété par un second mémoire réceptionné le 4 août 2025, Monsieur XXX, représenté par Maître Auriane Mouret, demande au Cneser statuant en matière disciplinaire de constater qu’aucun des comportements qui lui sont imputés n’est susceptible d’être qualifié de fautif ;
Par des observations datées du 2 octobre 2025, Monsieur XXX demande au Cneser statuant en matière disciplinaire, à titre principal, que soit prononcée sa relaxe des poursuites disciplinaires initiées contre lui par l’université de Poitiers et, à titre subsidiaire, que soit prononcée une sanction ramenée à une plus juste proportion que la sanction de quatrième classe proposée par le rapport d’instruction, enfin, en tout état de cause, que l’université de Poitiers soit condamnée à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative ;
Monsieur XXX soutient que :
- de nombreux agents de l’université, dont ses présidents successifs, ont organisé et mettent en œuvre une forme de harcèlement moral à son encontre ;
- l’université de Poitiers l’a placé délibérément en situation de sous-service d’enseignement ;
Par un mémoire d’observations additionnelles daté du 8 octobre 2025, la présidente de l’université de Poitiers demande que Monsieur XXX, au regard du risque de récidive caractérisé par l’incapacité de Monsieur XXX, à réaliser le caractère fautif de ses agissements et d’en prendre la pleine responsabilité, soit sanctionné afin qu’il cesse de nuire à la sérénité, à l’ordre et au bon fonctionnement du service public universitaire ;
La commission d’instruction s’est tenue le 18 juin 2025 ;
Par lettres recommandées du 9 septembre 2025, Monsieur XXX ainsi que la présidente de l’université de Poitiers, ont été régulièrement convoqués à l’audience du 9 octobre 2025 ;
Le rapport d’instruction rédigé par Monsieur Gaël Lancelot a été communiqué aux parties par courriers recommandés, en même temps que la convocation à comparaître devant la formation de jugement ;
Monsieur XXXétant présent et assisté de Maître Auriane Mouret, avocate ;
La présidente de l’université de Poitiers étant représenté par Monsieur Przemyslaw Sokolski, directeur des affaires juridiques ;
Vu l’ensemble des pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu le Code de l’éducation, notamment ses articles L. 232-2 à L. 232-7, L. 952-8 et R. 232-23 à R. 232-48 ;
Vu le Code de justice administrative ;
Vu le Code général de la fonction publique ;
Après avoir entendu en séance publique le rapport de Monsieur Gaël Lancelot, rapporteur ;
Monsieur XXX ayant été informé de son droit de garder le silence à l’audience et de ne pas s’auto-incriminer ;
La parole ayant été donnée aux parties, Monsieur XXX ayant eu la parole en dernier ;
La formation de jugement du Cneser statuant en matière disciplinaire ayant délibéré à huis clos sans que Monsieur Gaël Lancelot, rapporteur, n’intervienne ni n’ait voix délibérative ;
Considérant ce qui suit :
- Monsieur XXX, professeur agrégé de lettres classiques, a été recruté en 2008 par l’université de Poitiers, comme maître de conférences, sur un profil de poste comprenant un enseignement en langue et civilisation chinoises. Pressenti à l’origine pour créer une licence et un diplôme universitaire en chinois, il enseigne à la date de la saisine exclusivement le chinois dans le cadre des langues optionnelles offertes aux étudiants d’autres formations ;
- La présidente de l’université de Poitiers a saisi le 12 septembre 2022 la section disciplinaire compétente au sein de son établissement, d’une part, de messages et propos de Monsieur XXX, qu’elle regarde comme fautifs en ce qu’ils outrepassent l’exercice normal de la libre expression garantie aux enseignants-chercheurs et, d’autre part, de comportements méconnaissant la bonne organisation de l’établissement. En l’absence de jugement rendu par la section disciplinaire de l’université de Poitiers dans un délai de six mois, la présidente de cette université a saisi le 27 mars 2023 le Cneser statuant en matière disciplinaire, appelé ainsi à statuer en premier et dernier ressort ;
Sur les faits reprochés à Monsieur XXX : - En premier lieu, s’il est reproché à Monsieur XXX des propos insultants et dénigrants envers deux étudiants lors d’un cours assuré le 11 octobre 2021, les pièces et témoignages produits par l’université et par le déféré, constitués de témoignages contradictoires recueillis après les faits supposés, ne permettent pas de regarder ces faits comme établis. Par suite, l’université ne peut être considérée comme apportant la preuve qui lui incombe de ce que de tels propos ont été tenus. Ce grief doit donc être rejeté ;
- En deuxième lieu, il est reproché à Monsieur XXX des critiques formulées le 20 janvier 2023 par un courrier électronique adressé aux étudiants et concernant à la fois la compétence des services de l’université ainsi qu’une prétendue volonté d’obstruction de leur part. Si ces critiques sont avérées et peuvent être regardées comme excédant le cadre normal de la liberté d’expression garantie aux enseignants-chercheurs, elles ne constituent pas, en l’absence de répétition et eu égard à leur gravité, une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire ;
- En troisième lieu, si Monsieur XXX a eu recours à l’enseignement à distance par vidéoconférence et a utilisé pour ce faire des plateformes commerciales qui ne figurent pas parmi les outils validés par l’université, ces manquements, s’ils constituent une gêne dans l’organisation de l’établissement, ne peuvent davantage être regardés, en l’absence de répétition et eu égard à leur gravité, comme constitutifs d’une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire ;
- En quatrième lieu, il est reproché à Monsieur XXX de se soustraire à son service d’enseignement. Il résulte de l’instruction que, sur les années universitaires 2022-2023 à 2024-2025, le volume d’enseignement assuré par Monsieur XXX s’est progressivement réduit, passant du volume de 192 heures statutaires fixé par le décret n°84-431 du 6 juin 1984 portant statut des enseignants-chercheurs à un volume de 120 heures pour cette dernière année universitaire. Or, aux termes de l’article 7 de ce même décret, « dans le respect des principes généraux de répartition des services définis par le conseil d'administration en formation restreinte ou par l'organe en tenant lieu, le président ou le directeur de l'établissement arrête les décisions individuelles d'attribution de services des enseignants-chercheurs dans l'intérêt du service, après avis motivé, du directeur de l'unité de recherche de rattachement et du directeur de la composante formulé après consultation du conseil de la composante, réuni en formation restreinte aux enseignants […]. Le service d'un enseignant-chercheur peut être modulé pour comporter un nombre d'heures d'enseignement inférieur ou supérieur au nombre d'heures de référence mentionné au I. Cette modulation est facultative et ne peut se faire sans l'accord écrit de l'intéressé. » ;
- En l’absence de l’accord écrit de Monsieur XXX pour la réduction de son service, il revient donc à la présidente de l’université de Poitiers d’attribuer à Monsieur XXX un service complet d’enseignement, dont elle est libre de déterminer le contenu dans l’intérêt du service et le respect des principes dont s’est dotée l’université. Il ressort de l’instruction que ce sont bien les créneaux de cours de chinois attribués à Monsieur XXX qui ont été progressivement réduits, conduisant à un sous-service, et que les fiches de service prévisionnel proposées à celui-ci ne sont pas signées et validées par l’administration. Néanmoins, il ressort également de l’instruction que Monsieur XXX a systématiquement refusé ou s’est abstenu de répondre, d’une part, aux propositions de ses collègues chargés de formation, et d’autre part, aux convocations qui lui ont été adressées par le directeur de l’UFR dont il dépend, aux fins expresses de remédier à ce sous-service. Celui-ci ne peut donc, de bonne foi, se prévaloir d’un préjudice auquel l’université a manifestement tenté de remédier. Toutefois, eu égard aux responsabilités partagées ayant mené à cette situation, aucune faute passible de sanction disciplinaire ne peut être retenue à l’encontre de Monsieur XXX ;
- En cinquième lieu aux termes de l’article L. 133-2 du Code général de la fonction publique : « Aucun agent public ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. » Il résulte de ces dispositions qu’est passible d’une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder à de tels agissements ;
- Il résulte de l’instruction que Monsieur XXX, depuis au moins 2021, a adressé régulièrement à ses interlocuteurs au sein de l’université des messages qui se caractérisent par leur contenu agressif et injurieux. L’instruction a relevé au moins vingt destinataires de tels messages, qui ont pu être adressés aussi bien à des collègues de longue date de Monsieur XXX qu’à certains de ses nouveaux interlocuteurs et aussi bien à des agents administratifs qu’à ses collègues enseignants-chercheurs ;
- Ces messages se caractérisent tant par leur longueur, leur fréquence, le caractère répété de leur contenu, le mépris affiché vis-à-vis de nombreux interlocuteurs que par le refus de tenir compte des réponses apportées par ses interlocuteurs et des solutions que ceux-ci lui proposent ;
- Il ressort certes des pièces du dossier, d’une part, que jamais l’université de Poitiers n’a pu donner à Monsieur XXX la place qu’il était en droit d’attendre et qui lui avait été annoncée à son arrivée et que, dès lors, il a pu vivre cette attitude comme un désaveu à son encontre et, d’autre part, que certains de ses interlocuteurs, ont pu adopter à son égard une attitude excédée. Il n’en est pas moins établi que Monsieur XXX a procédé de manière constante et répétée à des injures écrites portant atteinte aux conditions de travail de plusieurs agents de l’université, la directrice des ressources humaines ayant même bénéficié de la protection fonctionnelle. Ces faits sont constitutifs d’une faute justifiant le prononcé d’une sanction disciplinaire ;
Sur la sanction : - Aux termes de l’article L. 952-8 du Code de l’éducation : « Sous réserve des dispositions prises en application de l'article L. 952-23, les sanctions disciplinaires qui peuvent être appliquées aux enseignants-chercheurs et aux membres des corps des personnels enseignants de l'enseignement supérieur sont : / 1° Le blâme ; / 2° Le retard à l'avancement d'échelon pour une durée de deux ans au maximum ; / 3° L'abaissement d'échelon ; / 4° L'interdiction d'accéder à une classe, grade ou corps supérieurs pendant une période de deux ans au maximum ; / 5° L'interdiction d'exercer toutes fonctions d'enseignement ou de recherche ou certaines d'entre elles dans l'établissement ou dans tout établissement public d'enseignement supérieur pendant cinq ans au maximum, avec privation de la moitié ou de la totalité du traitement ; / 6° La mise à la retraite d'office ; / 7° La révocation. / Les personnes à l'encontre desquelles a été prononcée la sixième ou la septième sanction peuvent être frappées à titre accessoire de l'interdiction d'exercer toute fonction dans un établissement public ou privé, soit pour une durée déterminée, soit définitivement. » ;
- Au regard du caractère répété et de la gravité des agissements commis par Monsieur XXX à l’encontre de plusieurs agents de l’université de Poitiers, mais aussi du comportement de l’université à son égard, il y a lieu de lui infliger la sanction de l’abaissement d’échelon en application du 3° de l’article L. 952-8 du Code de l’éducation précité ;
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l’article 75 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle : - Ces dispositions font obstacle à ce que les sommes demandées par Monsieur XXX au titre des frais exposés et non compris dans les dépens soient mises à la charge de l’université de Poitiers qui n’est pas, dans la présente espèce, la partie perdante ;
Décide
Article 1 – Il est infligé à Monsieur XXX la sanction de l’abaissement d’échelon.*
Article 2 – La demande de Monsieur XXX tendant à la condamnation de l’université de Poitiers à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 75 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle est rejetée.
Article 3 – Dans les conditions fixées aux articles R. 232-41 et R. 232-42 du Code de l’éducation susvisé, la présente décision sera notifiée à Monsieur XXX, à la présidente de l’université de Poitiers, au ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Espace et publiée, sous forme anonyme, au Bulletin officiel de l’enseignement supérieur et de la recherche. Copie sera adressée, en outre, au recteur de l’académie de Poitiers.
Délibéré à l’issue de la séance du 9 octobre 2025, où siégeaient Monsieur Christophe Devys, président de section au Conseil d’État, président du Cneser statuant en matière disciplinaire, Madame Frédérique Roux, Monsieur Olivier Garet, Monsieur Jean-Luc Hanus, Madame Julie Dalaison, Madame Véronique Reynier, Madame Delphine Galiana, Monsieur Fabrice Guilbaud, membres de la juridiction disciplinaire.
Fait à Paris le 4 novembre 2025,
Le président,
Christophe Devys
La vice-présidente,
Frédérique Roux
Le greffier en chef,
Éric Mourou
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