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Publication hebdomadaire (ISSN : 2110-6061)

Cneser

Sanctions disciplinaires

nor : ESRS2225735S

Décisions du 6-7-2022

MESR - CNESER

Affaire : Monsieur XXX, professeur agrégé né le 29 août 1966

Dossier enregistré sous le 1561

Appel formé par monsieur XXX d'une décision de la section disciplinaire du conseil académique de l'université Toulouse Jean Jaurès ;

Le Cneser statuant en matière disciplinaire ;

Étant présents :

Professeurs des universités ou personnels assimilés :

Mustapha Zidi, président

Frédérique Roux, rapporteur

Jean-Yves Puyo

Alain Bretto

Maître de conférences ou personnel assimilé :

Nicolas Guillet, rapporteur

Vu le Code de l'éducation, notamment ses articles L. 232-2 à L. 232-7, L. 712-4, L. 952-7, L. 952-9, R. 232-23 à R. 232-48 et R. 712-13 ;

Le dossier et le rapport ayant été tenus à la disposition des parties, de leur conseil et des membres du Cneser statuant en matière disciplinaire dix jours francs avant le jour fixé pour la délibération ;

Vu la décision prise à l'encontre de monsieur XXX le 11 juillet 2019 par la section disciplinaire du conseil académique de l'université Toulouse Jean Jaurès, prononçant l'interdiction définitive d'exercer des fonctions d'enseignement ou de recherche dans tout établissement public d'enseignement supérieur, décision immédiatement exécutoire nonobstant appel ;

Vu l'appel formé le 19 juillet 2019 par monsieur XXX, professeur agrégé, de la décision prise à son encontre par la section disciplinaire de l'établissement ;

Vu les mémoire et observations déposés par maître Emmanuelle De La Morena les 28 février 2020, 28 juin 2021, 29 mars 2022 et 4 juillet 2022 ;

Vu les observations déposées les 10 décembre 2021 et 5 avril 2022 par la présidente de l'université de Toulouse Jean Jaurès ;

Vu l'ensemble des pièces du dossier ;

Monsieur XXX ayant été informé de la tenue de la première séance par lettre recommandée avec avis de réception du 15 février 2022 ;

Madame la présidente de l'université Toulouse Jean Jaurès, ayant été informée de la tenue de la première séance par lettre recommandée avec avis de réception du 15 février 2022 ;

Monsieur XXX ayant été informé de la tenue de la seconde séance par lettre recommandée avec avis de réception du 11 avril 2022 ;

Madame la présidente de l'université Toulouse Jean Jaurès, ayant été informé de la tenue de la seconde séance par lettre recommandée avec avis de réception du 11 avril 2022 ;

Mesdames AAA, BBB, CCC, DDD, EEE, FFF, GGG et monsieur HHH ayant été convoqués en qualité de témoins ;

Monsieur XXX et son conseil, maître Emmanuelle De La Morena étant présents ;

Madame Anne Welcklen, directrice des affaires juridiques et institutionnelles représentant madame la présidente de l'université Toulouse Jean Jaurès étant présente ;

Madame BBB, témoin présente, étant assistée de maître Margaux Bendelac ;

Mesdames CCC, témoin absente, étant représentée par maître Margaux Bendelac ;

Madame AAA, témoin présente, étant assistée de madame III, maître de conférences ;

Mesdames DDD, FFF, GGG et monsieur HHH présents ayant été entendus en qualité de témoins ;

Madame EEE étant absente mais ayant adressé un témoignage écrit ;

Après lecture, en audience publique, du rapport d'instruction établi par Nicolas Guillet ;

Après avoir entendu, en audience publique, les demandes et explications des parties, puis les conclusions du déféré, celui-ci ayant eu la parole en dernier ;

Après que ces personnes et le public se sont retirés ;

Après en avoir délibéré

Sur la régularité de la décision rendue par la section disciplinaire de l'université Toulouse Jean Jaurès :

Considérant que lors de la procédure de première instance, uniquement des témoins à charge d'étudiants ont été entendus et aucun collègue enseignant de monsieur XXX ; que de ce fait, le principe du contradictoire n'a pas été respecté ; que le principe de la personnalité des peines n'a pas été respecté puisque dans les témoignages, deux enseignants sont visés sans qu'il soit possible d'identifier les actes et les propos de chacun d'entre eux ; que la décision rendue doit être annulée ;

Sur l'appel formé par monsieur XXX :

Considérant que monsieur XXX a été condamné le 11 juillet 2019 par la section disciplinaire du conseil académique de l'université Toulouse Jean Jaurès à l'interdiction définitive d'exercer des fonctions d'enseignement ou de recherche dans tout établissement public d'enseignement supérieur ; qu'il est reproché à monsieur XXX des pratiques pédagogiques contraires à la déontologie de l'enseignant, ayant eu pour conséquence de placer les étudiants et étudiantes dans une situation de harcèlement moral et sexuel ; que la décision rappelle « des témoignages décrivant une ambiance de pression avec pour conséquences, auprès des étudiants, un sentiment d'humiliation, d'insécurité et d'anxiété ayant entrainé des situations d'absentéisme, de décrochage, de changement de filière ou d'abandon...Monsieur XXX a tenu de manière réitérée des propos à caractère sexuel ou sexistes, relatifs à une situation économique ou familiale, à l'apparence physique, à l'appartenance ethnique supposée, à la tenue vestimentaire et à la vie personnelle des étudiants et étudiantes, jusque dans leurs aspects les plus intimes...des pratiques inadaptées, la menace d'exclusion d'une étudiante, madame CCC...des faits et propos humiliants, dégradants et discriminants » ;

Considérant qu'au soutien des prétentions de son appel, monsieur XXX explique qu'il a fait l'objet de poursuite devant la section disciplinaire de son établissement à l'initiative d'une étudiante se prévalant du syndicat l'Union des étudiants toulousains (UET) ; il indique vouloir former appel « en raison à la fois de la contestation des griefs formulés à son encontre et des irrégularités affectant ladite décision. Il est manifeste que les motifs sur lesquels s'est prononcée la section disciplinaire ne peuvent justifier la qualification de faute disciplinaire et les conditions dans lesquelles la procédure disciplinaire a été mise en place présentent des irrégularités justifiant à elles seules la réformation de la décision prononcée » ;

Considérant que dans son mémoire en défense présenté le 28 juin 2021, maître Emmanuelle De La Morena expose que monsieur XXX, enseignant depuis 26 ans, a été condamné sur la base d'une « délation calomnieuse et sous forme de lettres anonymes » ; qu'une étudiante, madame AAA est « l'auteure revendiquée d'un dossier à sa charge qui n'a aucun fait précis à lui reprocher » ; que l'ensemble des accusations serait mensonger et que monsieur XXX conteste une à une, chaque lettre anonyme ; qu'il n'a pas été soutenu par la direction de son département et que des enseignants ont aidé des étudiantes et des étudiants à produire des accusations à son encontre ; qu'il a été accusé sur la base de simples mensonges, d'inventions grossières et d'accusations totalement gratuites qui reposent sur des projections malveillantes, de propos détournés, transformés et sortis de leur contexte ; que la section disciplinaire de première instance n'a pas cherché à faire la part des choses, mais s'est rangée aux témoignages à charge produits « en faisant peu de cas de la présomption d'innocence et d'un minimum de recherche de la vérité » ;

Considérant que dans ses observations du 10 décembre 2022, madame la présidente de l'université Toulouse Jean Jaurès considère que la procédure suivie par la section disciplinaire de l'établissement, tant lors de l'instruction que du jugement, est conforme aux dispositions du Code de l'éducation ; que suite au dossier de signalement déposé par la directrice de l'UFR qui comprenait notamment douze témoignages d'étudiants, de la nature des propos et comportements rapportés par les étudiants, du caractère précis et concordant des témoignages, des préconisations portées par la circulaire « Prévention et traitement du harcèlement sexuel dans les établissements publics d'enseignement supérieur et de recherche relevant du MENESR », elle a décidé de porter les faits à la connaissance du procureur de la République et de saisir la section disciplinaire de son établissement ; que la jurisprudence admet la validité de témoignages anonymes ; que le rapport d'instruction expose l'ensemble des éléments à charge et à décharge si bien qu'il ne peut être affirmé que l'instruction n'aurait été menée qu'à charge ; que le déclenchement des poursuites n'appartient qu'à la présidente de l'université si bien que l'argument selon lequel les plaignantes et plaignants ont une responsabilité dans le déclenchement et le déroulement de la procédure est contestable ; que la décision de classement sans suite du procureur de la République qui n'est pas une décision juridictionnelle n'est pas revêtue de l'autorité de la chose jugée ; que l'absence de plainte pénale des victimes ne peut être invoquée comme motif permettant d'écarter toute responsabilité de monsieur XXX ; qu'en ce qui concerne la caractérisation du harcèlement sexuel, la décision attaquée fait état de situations et événements réitérés comportant des propos ou comportements à connotation sexuelle ; que la décision attaquée relève aussi des situations de harcèlement moral (notamment quant au système d'évaluation) ; qu'ils s'agit bien de manquements aux obligations déontologiques et d'exemplarité propres à la profession d'enseignants ; que la présidente conclut « si l'appréciation de la nature des faits et de leur gravité appartient à la seule formation disciplinaire du conseil académique de l'établissement, l'établissement considère...que la procédure a été menée dans des conditions parfaitement régulières et que la sanction a été suffisamment motivée » ;

Considérant que dans son mémoire présenté le 29 mars 2022, maître Emmanuelle De La Morena expose que son client a été poursuivi en violation de la circulaire précitée relative à la prévention et au traitement du harcèlement sexuel dans les établissements publics d'enseignement supérieur et de recherche, sans qu'aucune enquête préalable n'ait été menée par l'université, au vu des seules informations portées à sa connaissance par une étudiante en conflit avec nombre d'étudiants de monsieur XXX, induisant une atteinte manifeste à la présomption d'innocence ; que les accusations portées à l'encontre de monsieur XXX reposent sur des témoignages dont la recevabilité est contestable et sur des faits, en tout état de cause, contestés formellement par l'intéressé ; que ni le principe de la personnalité des peines, ni les principes relatifs à l'administration de la preuve n'ont été respectés ; que « la sanction prononcée, la plus lourde, ne se justifie pas car monsieur XXX n'a jamais manqué à ses obligations en adoptant des pratiques susceptibles de constituer un harcèlement moral et sexuel envers des étudiants ; il n'est pas plus l'auteur d'abus de pouvoir à l'égard des étudiants ; il est un fonctionnaire qui a toujours exercé ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité, traitant de façon égale toutes les personnes et respectant leur liberté de conscience et leur dignité » ;

Considérant que dans ses dernières observations du 5 avril 2022, madame la présidente de l'université Toulouse Jean Jaurès considère que l'instruction a été menée par la section disciplinaire si bien que contrairement à ce qu'affirme monsieur XXX, la procédure ne repose pas essentiellement sur une étudiante ; qu'il ne peut pas davantage reprocher à l'établissement de n'avoir réalisé d'enquête administrative préalable ou tenté une conciliation avec les étudiantes ; que la procédure pénale est complètement distincte de la procédure disciplinaire ; que le principe de la personnalité des peines a bien été appliqué par la section disciplinaire qui a par ailleurs, souverainement apprécié les faits et a adopté une sanction proportionnée à ces derniers ; qu'en conséquence, madame la présidente de l'université Toulouse Jean Jaurès demande le maintien de la sanction prononcée par la section disciplinaire du conseil académique de son établissement ;

Considérant que dans son mémoire présenté le 4 juillet 2022, maître Emmanuelle De La Morena expose que son client souhaite rappeler « je soutiens et répète que l'ensemble des accusations qui me sont faites sont mensongères ; c'est pourquoi j'ai déposé plainte entre les mains du procureur de la République pour dénonciations calomnieuses » ; qu'il doit faire face à « une litanie d'accusations imprécises et tortueuses et des calomnies infâmes, de mensonges, de déformations outrancières, de généralités, de ressentis, d'approximations, d'affirmations gratuites, de détournement de propos sortis de leur contexte avec une volonté d'insulter (porc) et un goût pour les commérages perfides », que selon lui, il fait l'objet d'une « chasse à l'homme pour ne pas dire de chasse à courre, d'attaques en meute telles qu'on les voit se déchainer sur les réseaux » qu'il explique par « trois motivations principales à l'entreprise de mes diffamateurs : un règlement de compte politique à propos de sa situation lors du dernier blocage de l'université, un second règlement de compte pour purger les rancunes qu'ont pu susciter deux altercations qu'il a eues avec deux étudiantes, et enfin de retour à la censure » ; in fine que la matérialité des faits reprochés à monsieur XXX n'est pas rapportée,

Considérant de ce qui précède, des pièces du dossiers et des témoignages entendus, il est apparu aux juges d'appel que rien ne permet de déterminer l'existence de pratiques pédagogiques de monsieur XXX contraires aux exigences déontologiques qu'on attend d'un enseignant ; qu'il n'existe aucun élément probant permettant de prouver que monsieur XXX a tenu des propos intrusifs, insultants, humiliants, dégradants et discriminants, constituant une situation de harcèlement à caractère moral et sexuel ayant porté préjudice aux étudiantes et étudiants ainsi qu'à l'établissement et que la réalité du préjudice n'a donc pas pu être démontrée ; que les accusations portées à l'encontre du déféré se situent dans un contexte de conflit social au sein de l'université auquel le déféré a pris position ;

Sur les frais irrépétibles :

Considérant que monsieur XXX formule une demande de versement par l'université Toulouse Jean Jaurès d'une somme de 8 000 € au titre des frais irrépétibles en application de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande formulée par monsieur XXX de versement par l'université Toulouse Jean Jaurès d'une somme de 8 000 € au titre des frais irrépétibles en application de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative ;

Par ces motifs

Statuant au scrutin secret, à la majorité absolue des membres présents,

Décide

Article 1 - La décision rendue par la section disciplinaire de l'université Toulouse Jean Jaurès est annulée ;

 

Article 2 - Monsieur XXX est relaxé ;

 

Article 3 - La demande de monsieur XXX de paiement par l'université Toulouse Jean Jaurès d'une somme de 8 000 € au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative est rejetée ;

 

Article 4 - Dans les conditions fixées aux articles R. 232-41 et R. 232-42 du Code de l'éducation susvisé, la présente décision sera notifiée à monsieur XXX, à madame la présidente de l'université Toulouse Jean Jaurès, à madame la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche et publiée, sous forme anonyme, au Bulletin officiel de l'enseignement supérieur et de la recherche ; copie sera adressée, en outre, à monsieur le recteur de l'académie de Toulouse.

 

Fait et prononcé en audience publique à Paris, le 6 juillet 2022 à 18 h 30 à l'issue du délibéré.

La secrétaire de séance

Frédérique Roux

Le président

Mustapha Zidi

 

Affaire : Monsieur XXX, Professeur agrégé né le 8 novembre 1955

Dossier enregistré sous le 1562

Appel formé par monsieur XXX d'une décision de la section disciplinaire du conseil académique de l'université Toulouse Jean Jaurès ;

Le Cneser statuant en matière disciplinaire ;

Étant présents :

Professeurs des universités ou personnels assimilés :

Mustapha Zidi, président

Frédérique Roux, rapporteur

Jean-Yves Puyo

Alain Bretto

Maître de conférences ou personnel assimilé :

Nicolas Guillet

Vu le Code de l'éducation, notamment ses articles L. 232-2 à L. 232-7, L. 712-4, L. 952-7, L. 952-9, R. 232-23 à R. 232-48 et R. 712-13 ;

Vu l'article 6 § 1et 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

Le dossier et le rapport ayant été tenus à la disposition des parties, de leur conseil et des membres du Cneser statuant en matière disciplinaire dix jours francs avant le jour fixé pour la délibération ;

Vu la décision prise à l'encontre de monsieur XXX le 11 juillet 2019 par la section disciplinaire du conseil académique de l'université Toulouse Jean Jaurès, prononçant l'interdiction définitive d'exercer des fonctions d'enseignement ou de recherche dans tout établissement public d'enseignement supérieur, décision immédiatement exécutoire nonobstant appel ;

Vu l'appel formé le 19 juillet 2019 par monsieur XXX, professeur agrégé, de la décision prise à son encontre par la section disciplinaire de l'établissement ;

Vu les mémoires et observations déposés par maître Agnès Souleau-Travers les 15 novembre 2021, 25 novembre 2021, 25 mars 2022 et 5 juillet 2022 ;

Vu les observations déposées les 9 décembre 2021 et 5 avril 2022 par la présidente de l'université de Toulouse Jean Jaurès ;

Vu l'ensemble des pièces du dossier ;

Monsieur XXX ayant été informé de la tenue de la première séance par lettre recommandée avec avis de réception du 15 février 2022 ;

Madame la présidente de l'université Toulouse Jean Jaurès, ayant été informée de la tenue de la première séance par lettre recommandée avec avis de réception du 15 février 2022 ;

Monsieur XXX ayant été informé de la tenue de la seconde séance par lettre recommandée avec avis de réception du 11 avril 2022 ;

Madame la présidente de l'université Toulouse Jean Jaurès, ayant été informé de la tenue de la seconde séance par lettre recommandée avec avis de réception du 11 avril 2022 ;

Mesdames AAA, BBB, CCC, DDD, EEE, FFF, GGG et monsieur HHH ayant été convoqués en qualité de témoins ;

Monsieur XXX et son conseil, maître Agnès Souleau-Travers, étant présents ;

Madame Anne Welcklen, directrice des affaires juridiques et institutionnelles représentant madame la présidente de l'université Toulouse Jean Jaurès étant présente ;

Mesdames AAA, BBB, CCC, DDD, FFF, GGG, présentes, ayant été entendues en qualité de témoins ;

Après lecture, en audience publique, du rapport d'instruction établi par Frédérique Roux ;

Après avoir entendu, en audience publique, les demandes et explications des parties, puis les conclusions du déféré, celui-ci ayant eu la parole en dernier ;

Après que ces personnes et le public se sont retirés ;

Après en avoir délibéré

Sur la régularité de la décision rendue par la section disciplinaire de l'université Toulouse Jean Jaurès :

Considérant que lors de la procédure de première instance, uniquement des témoins à charge d'étudiants ont été entendus et aucun collègue enseignant de monsieur XXX ; que de ce fait, le principe du contradictoire n'a pas été respecté ; que le principe de la personnalité des peines n'a pas été respecté puisque dans les témoignages de deux enseignants sont visés sans qu'il soit possible d'identifier les actes et les propos de chacun d'entre eux ; que la décision attaquée doit être annulée ;

Sur l'appel de monsieur XXX :

Considérant que monsieur XXX a été condamné le 11 juillet 2019 par la section disciplinaire du conseil académique de l'université Toulouse Jean Jaurès à l'interdiction définitive d'exercer des fonctions d'enseignement ou de recherche dans tout établissement public d'enseignement supérieur ; qu'il est reproché à monsieur XXX des pratiques pédagogiques contraires à la déontologie de l'enseignant, ayant eu pour conséquence de placer les étudiants et étudiantes dans une situation de harcèlement moral et sexuel ; que la décision mentionne « des témoignages décrivant une ambiance de pression avec pour conséquences, auprès des étudiants, un sentiment d'humiliation, d'insécurité et d'anxiété ayant entrainé des situations d'absentéisme, de décrochage, de changement de filière ou d'abandon...Monsieur XXX a tenu de manière réitérée des propos à caractère sexuel ou sexistes, relatifs à une situation économique ou familiale, à l'apparence physique, à l'appartenance ethnique supposée, à la tenue vestimentaire et à la vie personnelle des étudiants et étudiantes, jusque dans leurs aspects les plus intimes, notamment la maladie, la sexualité et le mode de vie...des propos ambigus tenus à l'encontre d'étudiant-e-s dans le cadre de sa pratique pédagogique et lors de l'appréciation des travaux des étudiants tels que « le naturisme, ça devrait lui plaire », « la voir dans un film porno avec ZZZ », « tu fais ce genre de pratiques ? » des propos sexistes et de nature à porter atteinte à l'image des femmes...qu'il a placé les étudiant-e-s en position de jugement sur leur personne ou leurs travaux selon des critères opaques, les mettant ainsi en situation d'insécurité dans une relation de pouvoir asymétrique... des pratiques pédagogiques inadaptées, des faits et propos intrusifs, humiliants, dégradants et discriminants  » ;

Considérant qu'au soutien de ses prétentions d'appel, monsieur XXX explique qu'il a fait l'objet de poursuites devant la section disciplinaire de son établissement  et indique vouloir former appel « en raison à la fois de la contestation des griefs formulés à son encontre et des irrégularités affectant ladite décision. Il est en effet constant que les motifs sur lesquels s'est prononcée la section disciplinaire ne peuvent justifier la qualification de faute disciplinaire et les conditions dans lesquelles la procédure disciplinaire a été mise en place présente des irrégularités justifiant à elles seules la réformation de la décision prononcée » ;

Considérant que maître Agnès Souleau-Travers a présenté le 15 novembre 2021 des observations dans lesquelles elle rappelle que la présomption d'innocence due à son client n'a pas été respectée ; que l'instruction menée n'a été qu'à charge ; que le dossier communiqué par monsieur XXX n'a pas été exploité par la section disciplinaire ; qu'aucun témoin à décharge n'a été entendu ; que la charge de la preuve incombe à l'université ; que neuf témoignages (souvent injurieux) sont anonymes si bien que son client ne peut utilement se défendre ; que les témoignages n'étant pas vérifiables, les faits relatés dans les témoignages ne permettent pas de déterminer quel en est l'auteur si bien qu'on ne peut les imputer à son client en raison du principe de personnalité des peines ; que l'université a été instrumentalisée par madame AAA, étudiante, qui, malgré la gravité des faits qu'elle dénonce n'a pas porté plainte ni en son nom, ni au nom du syndicat qu'elle représente ; que sur le fond, monsieur XXX conteste formellement les accusations qui lui sont portées ; que les allégations sont purement et simplement mensongères ; que suite à la saisine de la juridiction, le procureur a prononcé un classement sans suite ;

Considérant que dans ses dernières observations du 25 mars 2022, maître Agnès Souleau-Travers rappelle le principe de présomption d'innocence ; que les neuf témoignages anonymes des étudiants contreviennent à l'obligation de loyauté de la preuve prévu à l'article 6 § 1et 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ; que sur la foi de la parole de trois étudiantes, mesdames AAA, JJJ et BBB, les instances universitaires ont décidé de poursuivre ; que sur ces trois témoignages, deux seraient purement et simplement injurieux et le troisième ne contiendrait aucun fait concernant monsieur XXX, puisqu'il concerne l'atelier d'écriture dans lequel monsieur XXX n'intervient pas ; que les témoignages ne permettent pas de distinguer ce qui est reproché à monsieur XXX de ce qui est reproché à monsieur KKK si bien que le principe de personnalité des peines n'est pas respecté ; que madame AAA, l'étudiante qui a monté un dossier à charge à l'encontre de monsieur XXX se sert de l'université Toulouse Jean Jaurès et n'a pas porté plainte ni en son nom, ni au nom du syndicat qu'elle représente ; que l'université Toulouse Jean Jaurès est de mauvaise foi ; que maître Agnès Souleau-Travers précise encore que madame LLL rapporteur de la commission d'instruction participait également à la formation de jugement ;  que la décision de classement sans suite du procureur de la République était motivée par le fait que rien dans la relation des faits par les plaignantes n'était suffisamment étayée par des preuves pour pouvoir faire l'objet de poursuites ; que les témoignages ne sont donc pas probants ; que sur le fond, monsieur XXX estime qu'il n'a commis aucune faute ; qu'il conteste formellement les faits qui lui sont reprochés et que les allégations seraient purement et simplement mensongères ; que la sanction prononcée, la plus lourde, est totalement disproportionnée ;

Considérant que dans ses observations du 9 décembre 2022, madame la présidente de l'université Toulouse Jean Jaurès considère que la procédure suivie par la section disciplinaire de l'établissement, tant lors de l'instruction que du jugement, est conforme aux dispositions du Code de l'éducation ; que suite au dossier de signalement déposé par la directrice de l'UFR qui comprenait notamment douze témoignages d'étudiants, de la nature des propos et comportements rapportés par les étudiants, du caractère précis et concordant des témoignages, des préconisations portées par la circulaire « Prévention et traitement du harcèlement sexuel dans les établissements publics d'enseignement supérieur et de recherche relevant du MENESR », elle a décidé de porter les faits à la connaissance du procureur de la République et de saisir la section disciplinaire de son établissement ; que la jurisprudence admet la validité de témoignages anonymes ; que si madame LLL, rapporteur et membre de la formation de jugement est également membre du « CLIPHAS », cellule interne de prévention et de lutte instaurée conformément aux préconisations de la circulaire précitée, il n'y aurait aucun conflit d'intérêt entre ces différentes qualités et monsieur XXX n'a d'ailleurs formulé aucune demande de récusation en ce sens ; que le rapport d'instruction expose l'ensemble des éléments à charge et à décharge si bien qu'il ne peut être affirmé que l'instruction n'aurait été menée qu'à charge ; que le déclenchement des poursuites n'appartient qu'à la présidente de l'université si bien que l'argument selon lequel les plaignants et plaignantes ont une responsabilité dans le déclenchement et le déroulement de la procédure est contestable ; que la décision de classement sans suite du procureur de la République qui n'est pas une décision juridictionnelle n'est pas revêtue de l'autorité de la chose jugée ; que l'absence de plainte pénale des victimes ne peut être invoquée comme motif permettant d'écarter toute responsabilité de monsieur XXX ; qu'en ce qui concerne la caractérisation du harcèlement sexuel, les propos à connotation sexuelle ont existé et ont été réitérés ; qu'ils ont créé une situation hostile et offensante ; qu'il s'agit bien de manquements aux obligations déontologiques et d'exemplarité propres à la profession d'enseignant ; que la présidente conclut « si l'appréciation de la nature des faits et de leur gravité appartient à la seule formation disciplinaire du conseil académique de l'établissement, l'établissement considère...que la procédure a été menée dans des conditions parfaitement régulières et que la sanction a été suffisamment motivée » ;

Considérant que dans ses observations du 5 mars 2022, madame la présidente de l'université Toulouse Jean Jaurès précise que « Madame AAA a rejoint le « CLIPHAS » après l'affaire, en septembre 2019, alors que l'affaire a été jugée en 2019 » ; que l'instruction a été menée par la section disciplinaire si bien que contrairement à ce qu'affirme monsieur XXX, la procédure ne repose pas essentiellement sur une étudiante ; qu'il ne peut pas davantage reprocher à l'établissement de n'avoir réalisé d'enquête administrative préalable ou tenté une conciliation avec les étudiantes ; que monsieur XXX ne peut reprocher aux témoins de ne pas avoir porté plainte au pénal car la procédure pénale est complètement distincte de la procédure disciplinaire ; que le principe de la personnalité des peines a bien été appliqué par la section disciplinaire qui a par ailleurs, souverainement apprécié les faits et a adopté une sanction proportionnée à ces derniers ; qu'en conséquence, madame la présidente de l'université Toulouse Jean Jaurès demande le maintien de la sanction prononcée par la section disciplinaire du conseil académique de son établissement ;

Considérant de ce qui précède, des pièces du dossiers et des témoignages entendus, il est apparu aux juges d'appel que rien ne permet de déterminer l'existence de pratiques pédagogiques de monsieur XXX contraires aux exigences déontologiques qu'on attend d'un enseignant ; qu'il n'existe aucun élément probant permettant de prouver que monsieur XXX a tenu des propos intrusifs, insultants, humiliants, dégradants et discriminants, constituant une situation de harcèlement à caractère moral et sexuel ayant porté préjudice aux étudiantes et étudiants ainsi qu'à l'établissement et que la réalité du préjudice n'a donc pas pu être démontrée ; que les accusations portées à l'encontre du déféré se situent dans un contexte de conflit social au sein de l'université auquel le déféré a pris position ;

Sur les frais irrépétibles :

Considérant que monsieur XXX formule une demande de versement par l'université Toulouse Jean Jaurès d'une somme de 8 866,42 € au titre des frais irrépétibles en application de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande formulée par monsieur XXX de versement par l'université Toulouse Jean Jaurès d'une somme de 8 866,42 € TTC au titre des frais irrépétibles en application de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative ;

Par ces motifs

Statuant au scrutin secret, à la majorité absolue des membres présents,

Décide

Article 1 - La décision rendue par la section disciplinaire de l'université Toulouse Jean Jaurès est annulée ;

 

Article 2 - Monsieur XXX est relaxé ;

 

Article 3 - La demande de monsieur XXX de paiement par l'université Toulouse Jean Jaurès d'une somme de 8 866,42 € au titre de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative est rejetée ;

 

Article 4 - Dans les conditions fixées aux articles R. 232-41 et R. 232-42 du Code de l'éducation susvisé, la présente décision sera notifiée à monsieur XXX, à madame la présidente de l'université Toulouse Jean Jaurès, à madame la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche et publiée, sous forme anonyme, au Bulletin officiel de l'enseignement supérieur et de la recherche ; copie sera adressée, en outre, à monsieur le recteur de l'académie de Toulouse.

 

Fait et prononcé en audience publique à Paris, le 6 juillet 2022 à 18 h 30 à l'issue du délibéré.

La secrétaire de séance                                                         

Frédérique Roux                                                                   

Le président

Mustapha Zidi

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