SEUL LE PRONONCÉ FAIT FOI
Monsieur le président du Sénat,
Madame la rectrice,
Messieurs les présidents d’associations,
Madame l’adjointe à la maire de Paris,
Mesdames et Messieurs,
Chers professeurs et chers élèves,
Merci pour ces lectures, merci pour ces chants.
Merci de faire résonner ici la magie de la langue de nos poètes, de rendre vie à ces lignes tragiques et lumineuses laissées en testament par les martyrs du lycée Buffon.
Après de si belles paroles, il conviendrait peut-être de laisser le silence nous saisir.
Silence, devant le courage de ces étudiants, de ces élèves, de ces lycéens qui ont accepté de braver la mort au nom de la liberté.
Qui ont mis en jeu tout ce qu’ils avaient, à commencer par leur vie.
Quand on lit, quand on entend les mots de leurs dernières lettres, leurs ultimes paroles, on est saisi, je suis saisi par le drame des chances perdues, des destins brisés par la mort.
Dans les massacres de notre temps, les guerres qui agitent l’actualité, c’est cela qui nous effondre : le sacrifice de notre avenir sous le fracas des balles et des bombes du présent, cette injustice faite au possible.
Et en même temps, c’est cette mort que les étudiants résistants nous ont léguée.
Paradoxalement ce que nous connaissons d’eux, c’est justement leur fin.
Dans un autre poème d’Eluard, celui qu’il consacra à la mémoire de Lucien Legros, le poète termine par ces mots : « et le jour se leva pour lui ».
Le jour de sa mort, le jour en même temps du souvenir immortel de son sacrifice.
Comment laisser résonner leur absence aujourd’hui ? Comment nous laisser enseigner par ce silence ?
Nous avons, je crois, le devoir de la mémoire, et c’est ce qui nous rassemble ici.
Il faut continuer à faire vivre ce passé, plus de quatre-vingts ans après, et alors que les premiers témoins de cette époque disparaissent peu à peu.
Oui, tout cela doit se transmettre, par le travail des historiens, par l’enseignement.
Nous devons aussi nous demander ce qui leur a donné ce courage, à ces adolescents, nous demander ce qui nous donnerait le courage nécessaire pour tenir bon dans la tourmente, garder le cap face aux vents mauvais de notre époque.
Et je crois, je crois profondément, que l’éducation, l’enseignement ont leur rôle, un rôle irremplaçable, à jouer en la matière.
Il est beau de constater qu’on se rappelle les morts du lycée Buffon, on rappelle cinq amis, mais aussi cinq lycéens, il est beau de voir que le lien qui les unit au-delà de leur martyre, c’est celui de leur établissement.
Là où ils ont appris, je l’espère, le courage, avec l’histoire de leur pays ; l’amitié, forgée dans le feu des récits de la littérature ; l’exigence de vérité, par la pratique des sciences.
Là où ils ont forgé en eux les armes de la résistance intérieure, qui leur a donné la force de s’engager, ensemble, pour la liberté de leur pays.
C’est la raison pour laquelle il me semblait particulièrement important d’être parmi vous, au milieu de ce quartier latin qui a été le creuset de l’université française, le lieu de tant de vies étudiantes, de tant d’histoires de transmission et d’engagement.
Parce que cette mission n’est jamais terminée, chaque génération est appelée à la faire sienne : faire battre le cœur de chaque élève, chaque étudiant, à l’appel de la liberté.