Publié le 26.01.2024

Discours de Sylvie Retailleau pour ses vœux aux acteurs de l’Enseignement supérieur et de la Recherche

Sylvie Retailleau, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a prononcé un discours le Jeudi 25 janvier 2024 au Musée du Quai Branly Jacques Chirac pour ses vœux aux acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche

SEUL LE PRONONCÉ FAIT FOI

Chères toutes et tous,

C’est un immense plaisir de vous retrouver aujourd’hui pour vous souhaiter, ainsi qu’à vos familles et à vos proches, une très belle année 2024.

Je vous souhaite une année pleine de réussites, personnelles et professionnelles, et je forme le vœu que 2024 nous permette de continuer à bâtir l’avenir de notre société.

Comme le veut la tradition, c’est aussi là, à l’orée d’une nouvelle année, l’occasion de faire le point sur les grands chantiers et les grands axes qui structurent le projet que je souhaite partager et construire à vos côtés.

Mais avant de vous en tracer les grandes lignes, permettez-moi de dire un mot sur le lieu où nous nous retrouvons ce soir.

Ce n’est pas anodin ; se réunir au sein du théâtre Claude Lévi-Strauss du Musée du Quai Branly Jacques Chirac a quelque chose de symbolique.

Imaginé comme un lieu d’accueil pour la culture des civilisations non-occidentales, ce musée est aussi un centre d’enseignement et de recherche, qui accueille aujourd’hui, entre autres, une université populaire, un salon de lecture et une médiathèque.

Le bâtiment principal, dans lequel nous nous trouvons actuellement, a la forme d’un pont, symbole fort du lien qui abolit la frontière entre le visiteur et la culture, entre l’homme et le savoir. C’est la même frontière que nos lieux d’enseignement aspirent, depuis toujours, à repousser sans cesse.

Dissimulé derrière une forêt, n’accède pourtant à cet endroit que celui qui se risque à regarder par-delà la végétation dense qui abrite les différents espaces. Quelle belle image, n’est-ce pas, pour toutes celles et ceux qui consacrent leur vie à regarder au-delà, à étendre le champ de la connaissance.

Nous réunir au sein de ce théâtre Claude Lévi-Strauss, c’est donc rassembler, dans un lieu chargé de sens, des acteurs animés par la belle et ambitieuse mission confiée à notre ministère : celle de repousser toujours plus les limites de la connaissance, et d’en garantir la transmission.

Le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, c’est aussi le ministère de la confiance.

Celle que l’on doit avoir en l’avenir pour pouvoir avancer ;

Celle que l’on doit avoir dans notre jeunesse pour la voir s’épanouir et imaginer les solutions de demain ;

Celle que l’on doit avoir dans toutes celles et ceux qui leur transmettent savoirs et compétences.

Et à l’heure de toutes les transitions, dans un monde complexe, en proie à des crises multiples, l’enseignement supérieur et la recherche sont, plus que jamais, essentiels. Parce qu’ils sont vecteurs d’espoir en l’avenir, d’innovation, de progrès.

En ce tout début d’année 2024, les crises, vous le savez, sont malheureusement loin d’être derrière nous.

Alors que nous sortions de la longue période de crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid, c’est la guerre qui est venue, il y a presque deux ans, sévir aux portes de l’Union Européenne.

Au mois d’octobre c’est, avec les attentats du Hamas, au Proche-Orient, qu’a éclaté un nouveau cycle de violences.

Notre pays a été la cible d’un terrible attentat, qui a frappé notre école, au mois d’octobre dernier. Et je voudrais avoir ici une pensée émue pour les victimes de l’attentat d’Arras et en particulier pour Dominique Bernard.

Si je vous dis tout cela, c’est moins pour dresser un sombre tableau de l’année passée, que pour vous rappeler que nous vivons et agissons dans un monde incertain.

Mais l’imprévisible, par nature, c’est aussi ce qui ouvre des possibilités nouvelles, infinies, mères de l’innovation, et du progrès.

On ne peut pas réindustrialiser la France, apporter des solutions aux défis des transitions écologique, numérique, énergétique, sans un enseignement supérieur, une recherche et une innovation portés au plus haut.

Sans recherche et sans enseignement, pas d’innovation.

Sans recherche et sans enseignement, pas de progrès.

Mais le progrès, vous le savez, n’est rien sans la pensée du progrès. Une pensée de l’autre et de la mesure, où l’avenir de l’homme (et de la femme) doit toujours être l’horizon de notre action, en même temps que la limite éthique à toute forme d’expérimentation.

Vous êtes donc, nous sommes donc, toutes et tous, les garants de notre avenir collectif. 

Le Président de la République l’a rappelé, et je tiens à le souligner une nouvelle fois, même si je sais que je prêche ce soir des convaincus : l’avenir, c’est notre jeunesse.

Une jeunesse éclairée, capable de prendre toute sa part dans le monde de demain, qui n’a pas peur de faire entendre sa voix et à qui nous nous devons, aujourd’hui, de donner des moyens d’action, à la hauteur de ses ambitions. À ce titre, la formation continue d’être LE levier essentiel de l’émancipation individuelle et de la construction de notre avenir collectif.

Si les défis qui nous attendent sont grands, si la tâche qui nous revient est grande, cela doit nous inspirer à continuer notre action au service de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, et à l’inscrire dans le temps long. Parce que la France est une grande Nation scientifique, et doit le rester.

Je voudrais ici revenir sur les grands axes du projet qui nous anime et que nous allons, cette année encore, construire et mener ensemble. Je vais vous les présenter en 3 grandes parties :

La première, c’est qu’il nous faut, avant tout, continuer de libérer les potentiels, en œuvrant pour l’émancipation de nos chercheurs et de nos étudiants

La loi de programmation de la recherche de 2020 et le déploiement du programme d’investissement d’avenir France 2030 depuis 2021 constituent des témoignages concrets de la confiance que le gouvernement place dans la recherche française.

Au total, ce sont environ 38 milliards d’euros supplémentaires dont nous bénéficions pour l’enseignement supérieur et la recherche d’ici 2030. Il s’agit d’un investissement inédit, et, lors de son grand discours sur la Recherche le 7 décembre dernier à l’Élysée, le Président de la République s’est engagé à encore amplifier l’effort pour la recherche publique. Ce soutien renouvelé devra s’accompagner d’une évolution de notre système de recherche, afin de le rendre plus lisible, plus efficace, et donc plus performant.

Le cap que nous poursuivons autour du président de la République et du Premier ministre pour l’avenir de la recherche en France se décline en trois points :

  • D’abord, placer la science au cœur de nos décisions et renforcer l’attractivité des métiers de la recherche ;
  • Ensuite, clarifier les modalités de pilotage des organismes nationaux de recherche et des universités, ainsi que leurs rôles respectifs ;
  • Et enfin, regagner en simplicité pour redonner du temps de recherche à nos chercheurs et enseignants-chercheurs.

Pour réaliser ces objectifs, les acteurs de la recherche, les organismes nationaux de recherche ainsi que les universités et les écoles ont un rôle majeur à jouer, en complémentarité et non en concurrence, c’est-à-dire avec une articulation renforcée.

En premier lieu, avec les agences de programmes. Elles sont chargées de coordonner l’ensemble des acteurs de la recherche autour de thématiques prioritaires. Elles s’occupent également de la prospective scientifique et du développement des grandes infrastructures de recherche nationales européennes et internationales.

En second lieu, avec les universités cheffes de file. Elles devront jouer un rôle majeur comme opérateurs de l’enseignement, de la recherche et de l’innovation sur les territoires, à l’image des pôles universitaires d’innovation lancés cette année.

Le Président nous a demandé de déployer ces actions concrètes et ambitieuses, dont les premiers résultats sont attendus dans les 18 prochains mois. Pour ce faire, le ministère doit aussi se transformer afin de renforcer sa capacité de pilotage, en administration centrale et dans les rectorats, et pour être cohérent avec l’acte 2 de l’autonomie des universités.

En libérant la recherche et nos capacités à innover, l’objectif est aussi de construire et de consolider un leadership français dans certains domaines scientifiques prioritaires. À l’heure de toutes les transitions la France doit pouvoir accompagner et soutenir les transformations techniques, sociétales, sanitaires ou environnementales de notre monde.

Je forme également le vœu que l’ensemble des travaux de nos chercheurs, ces résultats produits au cœur de nos territoires et qui révolutionnent la médecine, la connaissance de l’univers et des sociétés, et que tout cela puisse être mieux connu et valorisé dans le débat public français et les médias.

Par ailleurs, nous devons continuer à faire évoluer notre offre de formation, pour la rendre plus attractive, l’adapter aux besoins de notre société et aux ambitions de notre jeunesse. Pour donner à nos jeunes les moyens de répondre aux défis et aux enjeux du monde de demain, et de faire de nos étudiants les acteurs de leur destin et de celui de la nation. Je le répète, la formation est notre meilleur levier d’émancipation.

Ici, l’enjeu est triple puisque nous devons, comme je l’ai dit, adapter l’offre de formation, en particulier celle du 1er cycle, mieux orienter nos futurs étudiants dès le lycée, et identifier les différents besoins auxquels nous voulons répondre.  Nous avons déjà fait beaucoup, notamment avec la réforme des BUT et le développement de l’apprentissage dans le supérieur...

Il nous faut toutefois poursuivre ces efforts déjà engagés et que je salue.

Pour pouvoir répondre aux besoins de la Nation, nous devons former nos étudiants aux métiers en tension, et aux métiers d’avenir. Dans ce monde en forte évolution, je crois profondément en un droit à la reprise d’études en parallèle du droit à la poursuite d’études. Nos étudiants ont la moyenne d’âge la plus jeune d’Europe, car nous restons trop souvent sur l’idée qu’un bac + 5 doit être obtenu dans les 5 années suivant le bac. Dépassons ce schéma de pensée.
Nous vivons, j’en suis convaincue, un changement important de paradigme, et notre jeunesse, nos étudiants, aspirent aujourd’hui à une vie qui soit la promesse d’un juste équilibre entre un travail qui a du sens, et des conditions de vie désirables, sur le plan personnel, sociétal comme sur le plan matériel.

Pour que la formation soit véritablement un levier d’émancipation, il est essentiel qu’elle soit garante de l’égalité des chances, et qu’elle puisse être un instrument de lutte contre les fractures sociales.   C’est ma deuxième partie.

Être ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, c’est être la ministre des étudiants. Ils sont mon moteur depuis plus de 35 ans. Je suis consciente des difficultés que rencontrent certains d’entre eux, et surtout de l’importance de cette période de leur vie dans leur construction personnelle.

C’est pourquoi l’une de mes priorités a toujours été d’améliorer les conditions de vie des étudiants et de leur assurer les mêmes chances de réussite dans l’enseignement supérieur. Pour cela, nous sommes pleinement engagés dans le vaste et nécessaire chantier de réforme de notre système de bourses sur critères sociaux, qui, nous le savons, présente encore ses limites.

L’année 2023 nous a permis de construire une première étape de la réforme des bourses. Elle s’est notamment traduite par une augmentation du nombre de boursiers, et par la plus forte augmentation des bourses depuis 10 ans. Nous ne nous arrêtons pas là et continuons de construire la deuxième étape de cette réforme des bourses, pour changer durablement le système, le rendre plus redistributif, plus efficace et plus cohérent avec les autres prestations sociales. Notre ligne est d’aider plus ceux qui en ont le plus besoin.

Nous avons également pérennisé le repas à 1€ pour tous les étudiants précaires. ET Nous nous sommes aussi attaqués au problème du logement pour les étudiants.

En effet, d’ici 2027, nous allons construire 35 000 nouveaux logements étudiants, et rénover les 12 000 derniers logements CROUS qui attendaient encore une rénovation, 4000 sont d’ailleurs en cours.

Et nous demeurons vigilants sur chaque enjeu de la vie étudiante. Je pense notamment à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, pour laquelle nous avons tous un message de fermeté à relayer.

Enfin, renforcer l’égalité et œuvrer pour la justice sociale, c’est participer à la construction d’une société soudée, et unie contre les violences.  C’est ma troisième et dernière partie.

Le vivre-ensemble repose sur des relations saines et bienveillantes, sur le refus de nuire et de porter atteinte à l’autre, et sur le respect et l’altérité. C’est la raison pour laquelle j’ai fait de la lutte contre tout ce qui vient heurter notre cohésion, comme la lutte contre l’antisémitisme ou toute forme de violence ou de discrimination, des priorités absolues.

À cet égard, j’ai pris acte de la décision du Conseil constitutionnel. Il a validé l’intégralité du texte initial du Gouvernement et a décidé de censurer, entre autres, la mesure instaurant une caution retour pour les étudiants internationaux. Cette mesure est, j’en suis convaincue, incompatible avec les valeurs de notre enseignement supérieur et son rayonnement à l’international.

Je veux le redire ici : les étudiants internationaux sont une chance pour la France.

Je pense à Léopold Sédar Senghor.

Je pense à Marie Curie. Ou encore à Hubert Reeves, Georges Charpak, Benoît Mandelbrot, Alexandre Yersin, Alexandre Grothendieck, etc. Tous des pionniers, de la radioactivité à la lutte contre la peste, des Nobel, prix Abel, médaille d’or du CNRS, et un conteur d’histoires du cosmos hors pair qui nous a quitté récemment.

Je pense à toutes celles et ceux qui n’étaient pas Français mais qui sont venus étudier en France et en sont devenus de véritables ambassadeurs, pétris qu’ils étaient de sa culture, de son Histoire, de sa langue, de sa richesse scientifique. Ces amoureux de la France que l’on trouve dans chaque laboratoire, dans chaque unité de recherche.

Aujourd’hui, la coopération internationale dans l'enseignement supérieur et dans la recherche est un outil précieux pour répondre aux crises auxquelles nos sociétés sont confrontées. Le succès du dispositif de mobilité européen le plus plébiscité, Erasmus, en est une belle illustration.

Ainsi, vous l’aurez compris, nos étudiantes et nos étudiants, le développement et le rayonnement de l’enseignement supérieur et de la recherche, ont encore, et peut-être plus que jamais besoin de nous tous.
Sans votre vision, votre portage, votre engagement et votre force de travail, sans chacune et chacun d’entre vous, nous n’en serions pas là aujourd’hui.

Je veux donc remercier, toutes celles et ceux qui chaque jour, au sein de notre ministère, nos universités, nos écoles, nos organismes de recherche, de nos grandes académies, de nos rectorats, mais aussi des organisations syndicales et représentatives étudiantes, du Parlement, des collectivités territoriales, du monde associatif, dans les médias, œuvrent à la production et à la diffusion du savoir.

Ensemble, nous continuerons de trouver la juste mesure, le bon équilibre, entre l’élaboration d’une politique publique sur le long terme, et la construction de solutions à court terme.

Comprendre le monde, préparer l’avenir et répondre aux besoins du présent. C’est là ce qui doit animer chacun d’entre nous et ce qui m’animera dans chacune des décisions que je prendrai. 

Ensemble, nous devrons sans cesse œuvrer à mettre la science au cœur de la société.

À une époque où les crises, politiques, climatiques, sanitaires ou sociales, bouleversent l’équilibre de notre monde et déplacent les exigences de vérité ; la science reste le meilleur moyen de conserver un esprit critique, de lutter contre les fausses informations, de permettre aux citoyens de s’épanouir, et de construire le monde de demain. La science est ce qui nous permet de protéger nos démocraties contre l’obscurantisme, les populismes, la défaite de la pensée.

Continuez donc d’enseigner, de chercher, d’innover, de penser. Apprenez, transmettez à votre tour, inventez, soyez, pour reprendre les mots d’Apollinaire, la torche inextinguible du feu nouveau.

À vous toutes et tous, artisans du savoir et de sa transmission, je vous souhaite une belle et heureuse année 2024.

Et je vous invite à nous retrouver autour d’un verre de l’amitié.

Je vous remercie.

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Service presse du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche (MESR)

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