Publié le 26.05.2025

Les ouvrages nommés pour le prix du livre scientifique - le Goût des sciences, 16e édition

Les ouvrages nommés pour le prix du livre scientifique de la 16e édition du Goût des sciences nous parlent d'évolution, que ce soit à travers la figure de Darwin ou des recherches au sujet de Néandertal, et révèlent les vérités scientifiques que recouvrent l'aura d'illustres personnages de science, à l'instar de Newton. Pour évoquer ce travail d'écriture et de vulgarisation scientifique, nous sommes allés à la rencontre de leurs auteurs et autrices.

Et la pomme ne tomba pas sur la tête de Newton, Antoine Houlou-Garcia (Albin Michel)

Dans l'ouvrage Et la pomme ne tomba pas sur la tête de Newton (Albin Michel), Antoine Houlou-Garcia part de l’anecdote la plus célèbre de l’histoire des sciences pour opérer un retour à la vérité scientifique. De même qu'aucune pomme n’est tombée sur la tête de Newton, Galilée n’a jamais emprunté les escaliers de la tour de Pise, pas plus qu’Archimède ne s’est écrié « eurêka »… Ces légendes et fausses citations nuisent à la conception des sciences, c'est pourquoi, cet ouvrage, entre divertissement et culture, entend rétablir la vérité sur l’histoire des sciences, grâce à des outils et des réflexes utiles.

3 questions à Antoine Houlou-Garcia

Quel rôle jouent les anecdotes dans notre perception de la science ?

Antoine Houlou-Garcia : J'en profite pour remercier très sincèrement le jury d'avoir retenu mon livre parmi les nommés. Cela me donne l'impression que la teinte politique que j'ai voulu donner à ce livre d'histoire des sciences a plu. (...) Je suis convaincu que les deux domaines [science et politique] sont très connectés, particulièrement dans un régime démocratique. Dans cette perspective, j’ai voulu travailler sur ces mythes qui nuisent à la fois à la science et à notre conception de la démocratie. Ces fausses anecdotes nous donnent une vision fausse de la science : idée du coup de génie qui fait oublier tout le travail fait avant, idée de l’homme providentiel qui est supérieur aux autres grâce à son coup de génie, oubli des nombreuses femmes scientifiques et de leurs apports, oubli de tout ce qui n’est pas dans le « corpus officiel » de l’histoire des sciences. Et cela a des conséquences politiques désastreuses car l’ADN de ces fausses anecdotes a quelque chose de foncièrement anti-démocratique.

En quoi Newton et la pomme en sont un exemple emblématique ?

A. H-G : L’histoire de la pomme de Newton est emblématique car c’est Newton lui-même qui l’invente pour se légitimer comme unique inventeur d’une théorie, écartant dans notre imaginaire l’idée-même que toute théorie est une co-construction au fil du temps et grâce à des échanges avec les contemporains. Elle donne aussi l’image du coup de génie qui arrive malgré soi : la pomme est le moteur de l’idée de Newton, ce qui fait croire à beaucoup de gens, évidemment à tort, qu’ils vont peut-être obtenir un prix Nobel sur un coup de chance.

Quels sont vos prochains projets ?

A. H-G : Outre l'écriture de deux ouvrages universitaires que je viens de terminer, je suis par ailleurs très fier de vous annoncer que mon premier roman va paraître début 2026 chez Albin Michel et qui mêlera mathématiques, féminisme et politique.

Dans les pantoufles de Darwin, Camille Van Belle, Adrien Miqueu (Alisio)

Camille Van Belle, journaliste, et Adrien Miqueu, historien des sciences, rendent ici un hommage espiègle, néanmoins fidèle et extrêmement documenté au plus célèbre des naturalistes. Dans les pantoufles de Darwin est un récit illustré à la façon d'une BD qui prend des tournures humoristiques pour donner corps à l’illustre personnage scientifique. Toutefois, l’ouvrage se fonde sur un colossal travail de recherche, le Darwin Correspondence Project de l’Université de Cambridge, qui a mobilisé une centaine de chercheurs plus de cinquante années durant, afin de rendre la foisonnante correspondance du scientifique – composée de 15 000 lettres –, disponible gratuitement en ligne.

3 questions à Camille Van Belle et Adrien Miqueu

Crédits :
Camille Van Belle, Adrien Miqueu

Dans les pantoufles de Darwin, Camille Van Belle, Adrien Miqueu (Alisio)

Quelle difficulté majeure avez-vous dû surmonter pour écrire et illustrer cet ouvrage ?

Camille Van Belle et Adrien Miqueu : L’album a la particularité d’avoir été dessiné à quatre mains, ce qui n’est pas un exercice facile ! Nous avons dû trouver des astuces pour fondre nos styles, et il paraît qu’on n’y voit que du feu… 


Avez-vous découvert des facettes de la personnalité de Darwin qui vous ont marquées ?

C. V. B. et A. M. : Très loin de l’image du savant austère à longue barbe, Darwin s’est révélé être un excellent compagnon de travail. Après un an plongés dans ses lettres, nous avons découvert un personnage qui nous fait regretter de ne pas l’avoir connu. Un homme infiniment drôle, doux, attachant, qui parle aux plantes et déteste la purée.

Darwin nourrissait une passion pour les orchidées, et vous ?

C. V. B. et A. M. : Si seulement Darwin n’était passionné que par ça ! Pigeons, plantes carnivores, vers de terre, tout y passe. Il a des phases d’intérêt intense et on peut le comprendre : nous, nous sommes dans notre phase Darwin !

Néandertal à la plage. Nos frères disparus dans un transat, Silvana Condemi et Jean-François Mondot (Dunod)

L’homme de Néandertal a vécu en Europe entre 300 000 et 40 000 ans avant notre ère. Grâce aux chercheurs qui ont fait parler son ADN, nous connaissons aujourd'hui la composition de son sang et les pathologies dont il souffrait. Néandertal a définitivement cessé d’être un Autre quand nous avons appris qu’il enterrait certains de ses morts et prenait soin de ses malades. Nous avons également des preuves que Sapiens et Néandertal se sont fréquentés, puisque 2 % de nos gènes nous viennent de lui. Cette proximité rend sa disparition encore plus troublante et énigmatique. Installez-vous confortablement dans un transat et laissez-vous conter par Silvana Condemi, paléontologue, directrice de recherche au CNRS, et Jean-François Mondot, rédacteur permanent aux Cahiers de Science et Vie, l’étonnante histoire de nos frères disparus.

3 questions à Silvana Condemi

Où cet ouvrage vous a-t-il emmenés (géographiquement) ? Avec qui avez-vous collaboré pour l'écrire ?

Silvana Condemi : Cet ouvrage est le fruit de travaux qui s’étalent sur plus de 30 ans d’études. Mes recherches ont commencé lors de ma thèse et se sont développées tout au long de ma carrière d’abord au Muséum national d’Histoire naturelle, à Paris, puis au CNRS. Au cours de mon activité de chercheur qui m’a permis de contribuer à la connaissance de cette population fossile, j’ai eu la joie de participer à de très nombreuses fouilles en Europe et au Proche-Orient et de mettre au jour des fossiles nouveaux ; j’ai parcouru l’Europe, le Proche-Orient et l’Afrique afin d’étudier dans les musées et les centres et laboratoires de recherche le moindre petits restes fossiles me permettant de reconstituer l’histoire évolutive des Néandertaliens de leur origine à leur disparition lors de l’arrivée de notre espèce Homo sapiens. Cette quête m’a permis de voyager, d’échanger avec des collègues, de me faire des amis. Ce livre écrit avec Jean François Mondot, historien et journaliste, en est l’illustration. Les Néandertaliens ont en quelques mots façonné ma vie.  

Quelle découverte récente vous a le plus marqué ou a changé votre perception de Néandertal ?

S. C. : Avec des collègues hématologues, généticiens et généticiens des populations, nous avons voulu connaître la diversité génétique des groupes sanguins de Néandertaliens et des autres fossiles qui vivaient en Eurasie. J’ai été éblouie par l’histoire que raconte les groupes sanguins de Néandertal : ils montrent leur origine africaine, leur grande homogénéité sur un très vaste territoire géographique allant de l’Atlantique à la Sibérie, mais aussi leur fragilité démographique et aux pathogènes qui nous entourent. C’est une étude qui n’aurait pas été possible lorsque j’ai commencé mes études et que l’on doit à l’introduction de la paléogénétique dans ma discipline : la paléoanthropologie. 


Qu’est-ce que Néandertal nous apprend sur nous-mêmes et sur l'évolution ?

S. C. : Les populations humaines n’ont jamais été complètement séparées les unes des autres et cela même pendant la préhistoire. Elles se sont toujours rencontrées, ont eu des échanges culturels. Elles ont parfois même mélangé leur gènes comme le montre le petit pourcentage de gènes Néandertaliens chez les Européens et Denisoviens chez les asiatiques d’aujourd’hui. 

Le Goût des sciences est un prix littéraire qui récompense, depuis 2009, les meilleures publications de médiation scientifique. Il entend réaffirmer la place des sciences au cœur de la société en mettant en lumière le travail de recherche et en suscitant des vocations. Le Goût des sciences a pour ambition de rendre la science accessible au grand public en distinguant les travaux des chercheurs et des experts.

Cette année, le jury du Prix Le Goût des sciences a sélectionné 15 ouvrages dans la catégorie du prix du livre scientifique et 16 dans la catégorie jeunesse. Tous répondent à un objectif commun : rendre accessible les sciences en vulgarisant le savoir scientifique sans pour autant lui faire perdre de son exactitude autour de thèmes riches et variés.