Publié le 04.08.2025

Rencontres métiers au festival de l'histoire de l'art, entre innovations technologiques et recherche

Événement grand public dédié aux sciences humaines, le festival de l'histoire de l'art n'en est pas moins un lieu de rencontres où les professionnels partagent leurs bonnes pratiques. Découvrons les innovations technologiques qui dessinent de nouvelles perspectives de recherche. 

[Musique] Je m'appelle Clara Bernard. Je suis conservatrice du patrimoine. Je travaille à l'Institut national d'histoire de l'art au sein du département des études et de la recherche et plus spécifiquement au sein du domaine histoire de l'art de - 100 000 au 5e siècle. Je travaille en particulier sur un programme de recherche qui s'appelle le répertoire des ventes d'antiques qui existe maintenant depuis une quinzaine d'années. C'est un vaste programme qui est très ambitieux et qui vise à étudier la présence des antiques sur le marché de l'art parisien au 19e siècle. C'est un marché de l'art qui est particulièrement actif, particulièrement important. Ce programme de recherche a consisté en l'étude des catalogues de vente, des procès verbaux de vente, de sorte à pouvoir identifier ces antiques qui ont circulé sur ce marché de l'art, mais également tous les acteurs qui ont participé à ces ventes enchères d'antiques qu'ils soient collectionneurs, marchands, commissaires-priseurs, experts et cetera.

Avant de s'interroger sur la présence des faux, en réalité, il faut peut-être s'interroger sur ce qu'est un faux et notre regard contemporain aujourd'hui est beaucoup plus critique et peut-être biaisé en partie. On a justement depuis de nombreuses années déjà beaucoup travaillé sur des restaurateurs, l'histoire de la restauration et aujourd'hui on se rend compte qu'on a une frontière qui peut être très ténue entre la restauration, le pastiche, la falsification et la création véritablement de faux modernes. Donc en réalité ce qui est intéressant c'est de pouvoir interroger cette frontière et essayer de se défaire de notre regard contemporain, qui peut parfois être extrêmement critique et parfois considérer comme faux un objet qui en réalité a été certes très transformé mais qui initialement n'avait pas été créé ou modifié dans la volonté véritablement de tromper.

Le programme du répertoire des ventes d'antiques a fait l'objet d'une datavisualisation. Donc la datavisualisation, c'est un moyen formidable de valoriser, de montrer au grand public tous les apports de la recherche. C'est également un moyen très utile de communiquer auprès de la communauté scientifique qui va pouvoir s'approprier ses outils et effectuer des recherches très nombreuses et dans des champs disciplinaires qui peuvent être très variés. Mais également pour nous, c'est un moyen parfois de mettre en valeur des données, de croiser aussi des éléments de manière visuelle et qui vont nous apporter d'autres perspectives et d'autres orientations qu'on avait initialement pas nécessairement vues à partir d'une base de données plus classique.

Ce que je trouve intéressant avec ce thème, c'est le fait de pouvoir enfin véritablement pour apporter à la question croiser des approches et et des regards qui sont extrêmement différents. et c'est l'avenir aussi un petit peu de de la recherche dans voilà de dans ce domaine là, c'est vraiment pouvoir croiser un petit peu ces approches et c'est ce que permet aussi l'institut national d'histoire de l'art. [Musique]

Le festival de l'histoire de l'art favorise le partage des connaissances et interroge les avancées technologiques, nouvelles méthodes de recherche. Nous sommes allés à la rencontre de chercheurs et chercheuses qui prennent en compte l'intégration des évolutions technologiques dans le cadre de projets de recherche innovants.

Clara Bernard, conservatrice : changer de regard

Clara Bernard est conservatrice du patrimoine à l’Institut national d’histoire de l’art (INHA). Dans le cadre de la 14e édition du Festival de l'histoire de l'art, elle participait à deux tables-rondes, l'une à propos de la datavisualisation du programme de recherche de l’INHA, « Répertoire des ventes d’antiques », la seconde, ayant pour sujet : fabrication, circulation et exposition des faux antiques au XIXe siècle. Elle évoque les évolutions technologiques liées à la datavisualisation et ses bénéfices pour les travaux de recherche. Nous l'avons également interrogée à propos du thème du festival, « le vrai, le faux », qui l'amène à évoquer le rapport contemporain à l'authenticité des œuvres.

Avant de s'interroger sur la présence des faux, il faut peut-être s'interroger sur ce qu'est un faux et notre regard contemporain est beaucoup plus critique et peut-être biaisé en partie. (...) Aujourd'hui, on se rend compte que la frontière entre la restauration, le pastiche, la falsification et la création de faux, peut être très ténue. En réalité, il est intéressant d'interroger cette frontière et essayer de se défaire de notre regard contemporain. 

Clara Bernard, conservatrice du patrimoine à l'INHA

Yannick Vandenberghe, ingénieur d’études : faire parler la matérialité des œuvres 

On est ici au château de Fontainebleau pour le festival de l'histoire de l'art. Yannick Vandenberghe, je suis ingénieur au centre de recherche et de restauration des musées de France. Je travaille sur l'étude de des objets archéologiques et plus particulièrement sur la polychromie antique.

L'étude de la matérialité, ça apporte des informations sur trois types de questions. Alors, d'une part, l'authenticité, vérifier qu'une œuvre, que les matériaux appliqués sur l'œuvre sont d'origine ou proviennent d'un repeint ou d'une intervention postérieure. Cela permet également aussi d'apporter des informations sur la matière et donc aider à la restauration des œuvres puisqu'on peut caractériser les matériaux, leur altération et en fonction de nos résultats, les restaurateurs vont appliquer des traitements sur les œuvres qui sont adaptés au matériaux qu'on a pu identifier. On peut également faire de la datation indirecte par l'étude des matériaux. Pour donner un exemple simple, on a des pigments qui sont apparus à une date. Ils ont été fabriqués à partir du 19e siècle. Par exemple, le bleu de Prusse 1704, le bleu outremer synthétique 1824. On a des dates précises, mais on a aussi des dates d'utilisation de ces matériaux, de ces pigments. Comme on sait par exemple le jaune de plomb d'étain, il est utilisé du 14e au 18e siècle. Donc quand on a ces matériaux sur les œuvres, on a une forme de datation lors des fourchettes chronologiques, parfois courtes, parfois larges, mais qui permettent aussi de dater ces interventions.

L'évolution technologique des techniques d'analyse qui évolue sans cesse. Il faut s'adapter, il faut essayer de de d'utiliser toutes ces nouvelles technologies qui qui sont développées, notamment tout ce qui est technique de cartographie où là on va voir des images chimiques, ce qui se développe juste depuis à peine peut-être 10 ans. Il faut suivre un peu cette évolution technologique.

Alors, le vrai ou le faux, forcément on pense tout de suite à la question d'authenticité mais ce qui est intéressant je trouve aussi c'est tout ce qui s'est passé au 19e siècle où on avait une autre déontologie finalement des repeints, des restaurations et il y a parfois des choses qui sont très illusionnistes mais qui n’étaient pas forcément fait dans la volonté de faire un faux mais juste de rendre le visuel qui était qui était l'œuvre à l'origine. Donc moi je trouve cette partie-là très intéressante d'un point de vue d'histoire de l'art, justement, c'est l'étude des anciennes restaurations matériellement pour les mettre en évidence, pour les différencier de l'original, mais aussi déontologiquement, et de de réfléchir à pourquoi on a fait ce type d'intervention.
 

Yannick Vandenberghe est spécialiste de la polychromie des œuvres antiques. Ingénieur d’études au Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF), dans une approche matérielle, il fait parler les œuvres grâce à des méthodes d'analyse complémentaires à celles d'un conservateur ou d'un historien. Un travail pluridisciplinaire qui permet d'attester de l'authenticité des œuvres, ce dont il nous a parlé à l'occasion de la 14e édition du Festival de l'histoire de l'art qui avait pour thème, le vrai et le faux.

L’étude de la matérialité, au-delà de l’attestation d’authenticité, peut fournir des informations précieuses qui renforcent la valeur d'une œuvre. Cet aspect entre parfois en ligne de compte dans le cadre des nouvelles acquisitions. C’est le cas d’une figurine en terre cuite grecque, entrée récemment dans les collections du département des antiquités grecques, étrusques et romaines du musée du Louvre. Il s’agit d’une femme drapée presque identique à la célèbre Dame en bleu, également conservée au musée. En complément de l’étude stylistique et technique (...), une étude matérielle de la polychromie a été menée par le C2RMF afin de confirmer l’hypothèse que ces deux figurines proviennent d’une même tombe. Pour cela, un dossier d’imagerie scientifique complet,  et un ensemble d’analyses physico-chimiques par des techniques élémentaires et structurales non invasives, ainsi que l’étude de quelques micro-prélèvements. Les données collectées permettent d’être sans conteste affirmatifs quant à la provenance commune de ces deux figurines et leur attribution à un même atelier, voire très probablement à un même artisan. C’est d’ailleurs la toute première fois qu’il a été possible de réaliser l’attribution de figurines à un peintre ayant été actif à Tanagra vers 330 av. J.-C.

Yannick Vandenberghe, ingénieur d’études au C2RMF

 

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Crédits :
Affiche du festival de l'histoire de l’art 2025, création graphique Atelier 25

D’après Gustav Klimt, Judith, 1901, huile et feuille d’or sur toile, 84 × 42 cm, Vienne, Palais du Belvédère