Publié le 12.11.2025

France 2030

Journée mondiale de l'antibiorésistance

Antibiorésistance : où en est la recherche ?

A l'occasion de la Semaine mondiale de sensibilisation à la résistance aux antimicrobiens (du 18 au 24 novembre) et de la Journée européenne d'information sur les antibiotiques (18 novembre), faisons le point sur les programmes de recherche dédiés. 

Crédits :
MESR

Qu'est-ce que l'antibiorésistance ?

Découverts dans les années 1940, les antibiotiques sont des molécules capables de limiter la croissance des bactéries ou de les tuer.

L'administration répétée d'antibiotiques chez l'homme ou l'animal favorise l'émergence de souches de bactéries résistantes aux antibiotiques. On parle alors d'antibiorésistance. Celle-ci concerne aujourd’hui l’ensemble des bactéries pathogènes et touche tous les domaines de la médecine liés au risque infectieux (chirurgie, oncohématologie, transplantation d’organes...).

5e La France est au 5e rang des pays européens les plus consommateurs d'antibiotiques en 2022. Source : Santé publique France

800 000 personnes sont infectées chaque année par des bactéries résistantes. Source : Conseil de l'UE

40 M €de financement du PPR Antibiorésistance sur 10 ans

Top 10 ou la controverse française : la France se classe parmi le top 10 des pays européens avec la plus faible proportion de résistances.

L'antibiorésistance, pourquoi est-ce important ?

Vidéo : les explications de Grégory Emery, directeur général de la santé

Grégory Emery, directeur général de la santé : "L'antibiorésistance c'est la capacité d'une bactérie à résister à l'action des antibiotiques. Pour certaines maladies, les antibiotiques ne sont pas efficaces, c'est notamment le cas pour la grippe ou pour le covid. Dans ce cas, votre médecin ne vous prescrira pas d'antibiotiques car ils ne sont tout simplement pas efficaces. L'antibiorésistance a été augmentée par l'utilisation massive des antibiotiques chez l'homme et chez l'animal, si bien que, aujourd'hui, pour certaines infections, il n'y a plus de traitement disponible. La première chose, c'est d'éviter de prendre des antibiotiques, et pour cela, il faut se prémunir de certaines maladies. Il existe des gestes de base, des gestes simples comme le port du masque quand on tousse, comme le lavage des mains, qui sont particulièrement efficaces. Il faut aussi penser au réflexe de la vaccination pour se protéger de certains virus. Si votre médecin vous prescrit des antibiotiques, alors s'il vous plaît, respectez la dose qui est sur l'ordonnance, respectez aussi la durée et si à la fin votre traitement, il vous reste des doses disponibles, ramenez-les chez votre pharmacien. Et surtout, ne les donnez pas à vos proches pour retrouver toutes les informations disponibles sur ce sujet-là, vous pouvez aller sur le site santé.fr rubrique "antibiomalin". Agir contre l'antibiorésistance est un engagement historique du ministère de la santé et de la prévention et plus que jamais d'actualité. Pour ce faire, le ministère déploie une stratégie nationale avec des actions concrètes pour les citoyens et aussi pour les professionnels de santé : un exemple chez votre pharmacien, pour savoir si votre angine est d'origine bactérienne ou d'origine virale, il pourra réaliser un test rapide d'orientation diagnostique et il pourra vous dire si les antibiotiques sont utiles ou pas, car oui, en 2023, les antibiotiques ne sont toujours pas automatiques !"

En 2025, l’Organisation Mondiale de la Santé a souligné, pour la première fois, la prévalence de la résistance à 22 antibiotiques utilisés pour traiter les infections des voies urinaires et gastro-intestinales et sanguines, et la gonorrhée.

Aujourd’hui, les nouvelles molécules sont rares ; en conséquence, il est difficile, voire impossible de traiter certaines infections. À noter que les gestes barrières et la vaccination demeurent très efficaces pour se prémunir des infections virales contre lesquelles les antibiotiques sont inefficaces.

En réponse à cette problématique, "One Health" ou "une seule santé" est une approche intégrée qui reconnaît les liens étroits entre la santé humaine, animale et celle des écosystèmes, et aborde les défis de santé publique de manière collaborative et pluridisciplinaire.

Programme prioritaire de recherche (PPR) Antibiorésistance

En réponse à la problématique de résistance aux antibiotiques, un Programme prioritaire de recherche (PPR) Antibiorésistance a été créé en 2021. Ce programme national antibiorésistance est financé à hauteur de 40 millions d’euros sur 10 ans. Il a pour objectifs de :

  • mettre en œuvre un programme de recherche français ambitieux ;
  • proposer de nouvelles stratégies en santé publique et mesures de lutte dans le but de réduire et d’optimiser l’usage des antibiotiques, en médecine humaine et vétérinaire, et cela, afin d’inverser la courbe des résistances.

Le pilotage scientifique et l’animation de ce programme sont confiés à l’Inserm. L’Agence nationale de la recherche (ANR) en est l’opérateur. 

Entre 2021 et 2022, 11 projets ont été retenus à l'issue de l'appel à manifestation d'intérêt « comprendre, innover, agir », avec la création de 8 chaires junior et d'une chaire senior, la mise en place de 3 projets structurants nationaux et le soutien de 2 projets avec les pays à ressources limitées. C'est donc un total de 22 projets financés qui sont à découvrir sur l’interface nationale Antibiorésistance.

Evelyne Jouvin-Marche, directrice scientifique du PPR Antibiorésistance

Selon vous, pourquoi est-il crucial de continuer à mettre en lumière cette semaine mondiale de sensibilisation à la résistance aux antimicrobiens ?

Evelyne Jouvin-Marche Au niveau mondial, les progrès en médecine avancent moins vite que ne progresse l’antibiorésistance.
La particularité de la lutte contre la résistance aux antibiotiques est qu’elle nécessite une réponse multisectorielle incluant santé humaine, animale, environnementale et socio-économique. Elle doit être accompagnée par le renforcement simultané de la recherche, de la prévention et des politiques publiques, mais aussi de journées dédiées pour communiquer et diffuser les informations et les menaces sur la multiplication des résistances.

Il est intéressant de noter le paradoxe français d’une très grande consommation d’antibiotiques avec une présence dans le classement des pays présentant le moins de résistances aux antibiotiques en raison de son réseau de surveillance. 
Les mécanismes de cette résistance ne sont pas encore tous décrits.

Depuis son lancement en 2020, quelles ont été les avancées majeures du PPR Antibiorésistance ?

Evelyne Jouvin-Marche Avec plus de 300 publications référencées dans Web Of Science, le PPR Antibiorésistance a largement contribué à l’avancée des recherches autour de : 

1. Recherche et innovation, notamment :

  • Approche One Health – en appui de technologies innovantes (biologie de synthèse, microfluidique, intelligence artificielle, épigénétique)
  • Meilleure compréhension de la dynamique de la résistance aux antibiotiques au niveau de l’intestin humain et dans les interactions entre les bactéries
  • Caractérisation des communautés bactériennes du sol, de nouveaux composés/molécules antimicrobiens présentant des activités spécifiques et prometteuses
  • Détermination et impact de la présence de bactéries/gènes de résistance dans l’environnement
  • Caractérisation des réseaux de transmission de la résistance aux antimicrobiens dans et entre les écosystèmes des trois santés (humaine, animale, environnementale)
  • Nouvelles approches dans l'exploration de données omiques et modélisation
  • Nouvelles stratégies contre la résistance aux antibiotiques de la tuberculose
  • etc.

2. Prévention, surveillance et santé publique, entre autres :

  • Développement d'outils et cadrage des déterminants contextuels professionnels et organisationnels de l'utilisation des antibiotiques visant à améliorer le bon usage des antibiotiques
  • Modélisation des parcours des patients et la surveillance des eaux usées
  • Développement d’un entrepôt de données de surveillance rassemblant les résistances des 3 écosystèmes (humain, animal, environnement)
  • etc.

3. Structuration et développement :

  • Développement de nouvelles bibliothèques chimiques
  • Création de la plateforme publique française dédiée à la phagothérapie
  • Ouverture de ABRomics, première plateforme numérique regroupant l’ensemble des résistances de 2 écosystèmes (humain et animal).

Quelles sont les prochaines actions prévues par le PPR Antibiorésistance ?

Evelyne Jouvin-Marche Le PPR Antibiorésistance prévoit un renforcement de 1 M€ des plateformes structurantes : ABROmics, Promise et DOSA. Le programme va également lancer 2 nouveaux appels :

  1. Un appel à projets de 2 M€ géré par l’ANR
  2. Un appel à chaires juniors de 1,5M€ pour le financement de 3 chaires.