Publié le 20.02.2025

Discours de Philippe Baptiste à l'occasion de l'examen en séance publique de la proposition de loi relative à la lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur

Philippe Baptiste, ministre chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a prononcé un discours le jeudi 20 février 2025 au Sénat à l'occasion de l'examen en séance publique de la proposition de loi relative à la lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur

SEUL LE PRONONCÉ FAIT FOI

Monsieur le président,

Mesdames et Messieurs les sénateurs. 

« Des jeunes gens antisémites, ça existe donc, cela ? Il y a donc des cerveaux neufs, des âmes neuves, que cet imbécile poison a déjà déséquilibrés ? Quelle tristesse, quelle inquiétude, pour le vingtième siècle qui va s’ouvrir ! »

Ainsi s’exprimait Emile Zola dans sa Lettre à la jeunesse, écrite en 1897. 

L’auteur de l’immortel « J’accuse ! » constatait avec tristesse que le 20ème siècle ne serait pas affranchi de l’antisémitisme, y compris dans les universités. 

Heureusement, nous ne sommes plus en pleine affaire Dreyfus. 

Malheureusement, l’antisémitisme n’a pas disparu. 

En 2025, certains étudiants français peuvent craindre de se rendre en cours, ils peuvent hésiter à aller à l’Université, parce qu’ils sont juifs. 

On a presque peine à le dire.

Tout acte antisémite est insupportable et doit être condamné. 

Il est d’autant plus odieux quand il prend place à l’Université, dont il fracasse toutes les promesses, toutes les valeurs, tous les principes : respect de toutes et tous, éthique du débat, refus de l’exclusion, libertés académiques.

Car l’Université doit rester le lieu du débat, y compris sur les sujets difficiles, y compris par exemple – et ce n’est pas un exemple pris au hasard – sur la situation à Gaza. 

Mais l’Université ne peut tolérer ni l’invective, ni l’essentialisation, ni l’assignation identitaire.

Depuis que je suis devenu ministre, chargé de l’enseignement supérieur et de la jeunesse, j’ai été alerté à ce sujet à de nombreuses reprises. 

Bien sûr, l’Université est le lieu d’une lutte informationnelle. 

Zola écrit d’ailleurs dans sa lettre « qu’une centaine de tapageurs, dans la rue, font plus de bruit que dix mille travailleurs, studieusement enfermés chez eux. Mais », écrit-t-il, « les cent tapageurs ne sont-ils pas déjà de trop ? » 

Et j’ajoute : à plus forte raison s’il ne s’agit pas de tapageurs, mais d’auteurs d’actes antisémites.

Dans ce tapage ambiant, je souhaite redire mon opposition à toute instrumentalisation de l’Université à des fins politiques. A ce titre, hier, j’ai tenu à rappeler dans une circulaire l’avis de la commission de déontologie du Ministère sur les motions demandant le boycott des universités israéliennes.

En ce qui concerne les actes antisémites, la situation à l’Université est assez claire. 

Au moins 50 cas proprement antisémites ont été relevés, principalement des tags mais également des insultes, parfois des violences physiques.

C’est évidemment trop, beaucoup trop. 

Ces données, celles qui nous ont été remontées, sont cohérentes avec celles du ministère de l’Intérieur.

Mais je n’ignore pas que le sous-signalement peut exister. 

Un travail doit être fait pour en améliorer la prévention, l’accompagnement, afin que tout acte antisémite soit identifié et signalé.

Dès mon arrivée, j’ai donc reçu les présidents d’Université sur le sujet, pour leur faire part de ma résolution à agir. 

Je leur ai rappelé ma ligne, elle est claire : tolérance zéro face à l’antisémitisme, en dehors de toute polémique. 

J’ai voulu aussi les écouter, et leurs retours sont unanimes. 

Ils partagent le constat d’une atmosphère pesante envers les étudiants juifs. 

Ils souhaitent être mieux accompagnés dans le traitement des situations qu’ils rencontrent. 

Ils souhaitent savoir ce qui se passe lorsqu’ils font un signalement, lorsqu’ils portent plainte. 

Ils souhaitent que l’on puisse réfléchir au dispositif disciplinaire tel qu’il existe aujourd’hui dans les Universités.

J’ai également longuement reçu l’Union des étudiants juifs de France, l’UEJF. 

J’ai entendu dans leurs propos évoquer un « antisémitisme d’atmosphère » pour décrire l’ambiance dans certains établissements.

J’ai pu mesurer leur attente de réponses claires. 

Face à cette situation, j’ai voulu agir vite. 

J’ai saisi le Garde des Sceaux afin que les signalements au titre de l’article 40 faits par les Universités soient mieux pris en compte, ce qui a été retranscrit dans la circulaire de politique pénale transmise aux Parquets fin janvier.

Nous travaillons à l’amélioration de la coordination entre universités et services de l’Etat au niveau local. 

J’ai également saisi le ministre de l’Intérieur en ce sens. 

Je sais que les présidents d’Université, recteurs ou directeurs de composantes sont engagés pour agir plus efficacement, car ils sont le premier niveau d’action.

Pour ma part, je leur ai demandé instamment de jouer tout leur rôle.

Il est clair que la solution pour les Universités passe par ce qui fait le cœur des universités, par la recherche et par la formation. 

Je souhaite ainsi lancer un programme de recherche spécifique sur la lutte contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur. 

Je porte aussi pour ambition de mettre en place, avec la contribution de toutes les communautés académiques, une formation systématique sur le sujet. 

Enfin, j’ai confirmé la mission lancée par mon prédécesseur et adressée à Khaled BOUABDALLAH, recteur délégué à l’ESRU et à Pierre-Arnaud CRESSON, afin qu’ils explorent le sujet du disciplinaire.

Tout cela est nécessaire, mais ne sera pas suffisant. 

Monsieur le sénateur Bernard FIALAIRE, Monsieur le sénateur Pierre-Antoine LEVI, merci pour le travail que vous avez mené. 

D’abord pour objectiver la situation, à travers le rapport dont vous avez rendu les conclusions en juin dernier. 

C’est un document important, j’ai pris toute la mesure de ses conclusions. 

Vous y appeliez à améliorer la détection des actes antisémites, à prévenir les dérives, à poursuivre et sanctionner les auteurs d’actes antisémites. 

Sur chacun de ces points, vous pouvez compter sur mon ministère pour agir dans la mesure de ses moyens. 

Merci ensuite d’avoir poursuivi votre effort à travers le texte qui est débattu aujourd’hui, et dont je soutiens résolument l’ambition. 

Il est le reflet des préoccupations des nombreuses parties prenantes que vous avez pris le temps d’auditionner.

Cette proposition de loi, y compris par le biais des amendements, permet notamment de porter la voix des présidents d’Université, en particulier via l’amendement du sénateur Stéphane PIEDNOIR, qui doit donner aux sections disciplinaires les moyens de remplir sereinement et efficacement leur mission.

Je serai particulièrement attentif à ce que les dispositions proposées dans ce texte permettent un véritable changement sur le terrain, et j’espère que le Sénat soutiendra ces mesures. 

Contact

Service presse du ministère chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche

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