Publié le 07.03.2025

Discours de Philippe Baptiste à l'occasion de la remise des prix Irène Joliot-Curie

Philippe Baptiste, ministre chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a prononcé un discours le vendredi 7 mars 2025 à la Cité Internationale Universitaire à l'occasion de la remise des prix Irène Joliot-Curie.

SEUL LE PRONONCÉ FAIT FOI

Madame la Première ministre, chère Élisabeth Borne, 

Mesdames et Messieurs en vos grades et qualité,

Je suis heureux et honoré de me trouver parmi vous, à l’occasion de la remise du prix Irène Joliot-Curie. 

Nous voici réunis dans cette belle Cité internationale Universitaire, qui symbolise si bien l’ouverture au monde permise par la science. 
Ce carrefour des cultures est un appel, et un rappel, de la vocation au cœur de l’enseignement supérieur et de la recherche : la promesse que chacun, que chacune est invitée à prendre part à l’aventure de la connaissance. 

Pourtant, il y a encore trop loin de cet idéal au réel. 

Dans les sciences aujourd’hui, les femmes n’ont pas la place qu’elles devraient avoir. 

Cela est vrai à tous les niveaux, du lycée à l’Université.

Dans les dernières années, il y a encore eu des effets de bord avec les réformes du lycée, qui ont accentué ce phénomène. 

Je vais rappeler quelques chiffres, qui suffisent à le montrer. 

Aujourd’hui près de 60% des garçons en terminale générale choisissent les mathématiques comme spécialité, et à peine un tiers des filles. 

Ce phénomène se confirme dans le supérieur. 

Les femmes représentent presque 60% des diplômés de master, mais sont moins d’un tiers en prépa scientifique.  

À l’Université, elles ne sont que 30% en « sciences fondamentales et applications ».  

Quand on vient comme moi de l’informatique, c’est une réalité très visible !

Et plus on monte dans l’échelle des responsabilités, plus c’est vrai : il y a encore moins de femmes dans les sciences au niveau de maître de conférences ou de professeur. 

Ce phénomène, ce plafond de verre, il n’a pas lieu que dans les sciences, il n’a pas lieu que dans l’enseignement supérieur et la recherche, mais il a lieu aussi là, et de manière flagrante.

Récemment au Sénat, des chercheuses témoignaient aussi d’un phénomène de double peine. 

Comme elles sont moins nombreuses que leurs homologues masculins, elles doivent siéger dans des conseils, des jurys, pour qu’un semblant de parité soit respecté. 

Donc elles sont plus sollicitées pour ce genre de tâches, et ont moins de temps pour leur travail de recherche !

Quel gâchis. 

Nous ne pouvons pas nous le permettre. 

Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser sur le côté une aussi grande partie des scientifiques, des ingénieurs, des enseignants dont nous avons besoin. 

Besoin pour notre Université, nos labos, notre industrie. 

Le prix Irène Joliot-Curie qui nous rassemble aujourd’hui est la preuve que nous aurions tort de poursuivre sur cette voie. 

Mais j’y reviendrai. 
 
Cette situation, nous ne voulons pas nous y résoudre. 

La Première ministre Élisabeth Borne porte depuis longtemps le combat en faveur des femmes dans les sciences. 

C’est un effort que je mène avec elle, dans un grand ministère qui nous permet d’envisager le parcours scientifique des jeunes femmes dès le plus jeune âge. 

Nous le menons avec de nombreux acteurs engagés sur le terrain depuis longtemps. 

Je pense à des associations qui font un travail considérable, comme Femmes et Sciences, Becomtech, Prologin, Femmes et Mathématiques, Femmes Ingénieurs ou encore l’Afdesri. 

La réponse passe par cette action de terrain.

Et le Ministère est engagé à leurs côtés, pour soutenir ces actions nécessaires.  

Mais la réponse passe aussi par la recherche ! 

La recherche pour objectiver la situation – c’est d’ailleurs un gros travail que font les services statistiques du ministère depuis 2016, et je veux les en remercier, car nous pouvons suivre l’évolution de la parité dans l’enseignement supérieur et la recherche en France.

D’ailleurs – ce n’est pas un hasard – la nouvelle brochure des Chiffres clés de l’égalité a été publiée aujourd’hui même.  

La Recherche, c’est aussi identifier les freins qui peuvent exister chez les jeunes femmes et les empêcher d’oser les filières sélectives, en particulier en sciences. 

On s’est rendu compte que beaucoup de petites filles avaient intériorisé très tôt, dès l’école primaire, voire maternelle, qu’elles ne pouvaient pas être bonnes en maths. 

Puis, elles sont persuadées qu’elles ne peuvent pas faire carrière dans les métiers d’ingénieurs, dans la tech… 

Eh bien tout cela, on peut l’identifier aussi par la recherche. 

Evidemment, la réponse passe aussi, et beaucoup, par l’enseignement. 

Elle passe notamment par la formation des enseignants, pour éviter de reproduire les biais que nous portons souvent sans nous en rendre compte. 

La réponse passe enfin par une action institutionnelle résolue. 

Le ministère publiera cette année un nouveau plan d’action national dédié à l’égalité professionnelles entre les femmes et les hommes pour le périmètre de l’Enseignement supérieur et de la jeunesse. 

Il portera en particulier sur trois nouveaux axes : la gouvernance, la culture de l’égalité et la santé des femmes. 

C’est un bon outil, là encore un outil nécessaire pour avancer. 

Mais je crois que la réponse ne peut pas être complète sans un élément essentiel, sans l’ingrédient qui est peut-être central : 

Je pense aux modèles d’identification. 

Nous grandissons tous avec une galerie de portraits intérieure.

Ce sont nos héros, parfois les héros du quotidien, dans notre entourage. 

Mais aussi les héros de notre imaginaire, ceux des livres, des journaux, de la télévision, et aujourd’hui des réseaux sociaux. 

Je suis convaincu qu’ils construisent notre univers de possible. 

Et quand je parle de galerie de portraits, ce n’est pas seulement une image. 

Tous les matins, lorsque je monte l’escalier pour entrer dans mon bureau du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, je passe devant les portraits de mes prédécesseurs. 

Tous ceux qui ont assuré les fonctions de ministre chargé de la recherche, ou de l’enseignement supérieur, souvent les deux. 

Je dis : tous ceux, mais surtout toutes celles. 

Car la première de cette galerie, c’est justement celle qui nous rassemble aujourd’hui, c’est Irène Joliot-Curie. 

Ce n’est pas rien de gravir les marches sous un pareil regard ! 

Irène Joliot-Curie a su tracer un chemin par son exemple. 

Mais je n’oublie pas non plus qu’elle-même a pu mettre les pas dans les traces de sa mère, Marie Curie. 

Ça n’a pas été facile pour elle, j’ai retrouvé ces mots qu’elle a écrit à propos de sa vie : 

On peut difficilement imaginer une condition plus complexe et compromise que celle d'une jeune femme étrangère, qui a au surplus l'audace de vouloir se frayer un chemin au sein de l'académie, et plus généralement dans un monde dominé par la gent masculine. 

Quelle émotion de penser que Marie Curie a pu donner à sa fille l’exemple d’une vie de scientifique, malgré tous les obstacles, jusqu’au prix Nobel. 

Ce n’est pas rien de constater qu’il y a eu dans cette famille une transmission de l’audace ! 

Irène Joliot-Curie a eu une vie de scientifique mais aussi une vie politique, une vie publique au service de la société et notamment de l’accès des femmes aux professions scientifiques. 

Je suis convaincu que son exemple a été déterminant, qu’elle a fait partie des galeries de portraits de bien des jeunes femmes, et de jeunes hommes d’ailleurs. 

Car il faut aussi changer leur imaginaire. 

Je le dis en connaissance de cause car, lorsque j’ai escaladé l’escalier du ministère, mon trajet n’est pas fini. 

Après avoir affronté cette première galerie de portraits, j’arrive dans mon bureau, et je suis sous le regard d’une autre femme, l’astronaute Claudie André. 

Une autre femme engagée dans la science, dans un milieu extrêmement masculin !

Et qui occupe une place particulière dans ma propre galerie de portraits, car elle a habité mon imaginaire, jusqu’aux dernières années que j’ai passées dans le monde du spatial, sous son regard pour ainsi dire.  

Eh bien le prix Irène Joliot-Curie qui nous réunit me paraît justement remplir ce rôle. 

En regardant la liste des lauréates depuis les premières années de ce prix, je ne pouvais m’empêcher d’être impressionné par les parcours extraordinaires de tant de celles qui ont été distinguées, les académiciennes des sciences notamment qui en sont lauréates. 

C’est un signal très fort envoyé à toute la communauté scientifique, aux hommes et aux femmes de tous âges. 

C’est la raison pour laquelle le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche est très engagé dans ce prix, y compris financièrement, car il en reconnaît toute l’importance. 

Je voudrais terminer en disant que la diversité des prix remis aujourd’hui est essentielle. 

Non seulement la variété des domaines d’expertise, mais la diversité des prix eux-mêmes. 

Il me semble qu’ils sont très complémentaires, en tout cas ils répondent à la vocation qui est celle de mon ministère : 

Celle d’être le ministère de l’excellence à tous les âges de la vie des chercheurs, et des chercheuses. 

Mais aussi celle d’être le ministère de toute la recherche, y compris en entreprises. 

Je suis à ce titre, particulièrement honoré de pouvoir aujourd’hui remettre le prix « Femme, Recherche et Entreprise » à Madame Kate Griève. 

À toutes les lauréates, je veux dire que vous entrez aujourd’hui dans une assemblée de femmes aux parcours d’excellence qui nous inspirent tous.

Je veux d’ailleurs renforcer la communauté des lauréates, faire en sorte que votre voix, votre exemple puisse porter loin. 

Pour que vous puissiez à votre tour orner les murs des galeries de portraits des scientifiques de demain – et qui sait, pour certaines, les murs du ministère. 

Je vous remercie. 

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Service presse du ministère chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche

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