SEUL LE PRONONCÉ FAIT FOI
Monsieur le directeur de l’ANRS, cher Yazdan,
Madame la directrice, chère Yasmine,
Mesdames et Messieurs, en vos grades et qualités,
Merci de m’accueillir ce matin pour l’ouverture des journées scientifiques 2025 de l’ANRS maladies infectieuses émergentes.
Vous avez placé ces journées sous le signe de l’international, et de ses défis.
Il me semble que le contexte géopolitique actuel nous rappelle chaque jour la richesse et les difficultés des collaborations internationales.
Dans un pareil moment, il est impératif de ne pas renoncer : la recherche ne peut se faire sans coopération.
C’est d’ailleurs un élément central de l’ANRS MIE.
Depuis vos débuts, vous vous êtes attachés à développer des coopérations internationales, au service de vos différentes missions.
Aujourd’hui, l’ANR MIE est au cœur d’un réseau international qui permet de capter les signaux faibles d’émergence de nouvelles infections à travers le monde.
Le rôle de coordination que vous assumez pour plusieurs dispositifs européens en témoigne, comme COMECT et bientôt BeReady Now, mais aussi le réseau européen d’essais cliniques EU-Response.
C’est assurément un point très important car, comme vous le savez, l’Europe est souvent l’échelle la plus pertinente pour répondre aux défis qui nous attendent.
Au-delà de l’Europe, l’ANRS MIE est bien sûr implantée à travers le monde, notamment en Afrique, où les partenariats sont nombreux.
C’est un levier d’efficacité pour le repérage des infections émergentes, c’est aussi un élément d’influence pour la science française, je pense que nous pouvons en avoir conscience et l’assumer.
Puisque nous sommes dans l’institut qui porte son nom, je ne peux m’empêcher de penser à ce que disait Pasteur il y a 150 ans, lui pour qui « La science ne connaît pas de pays, parce que la connaissance appartient à l'humanité, et elle est la torche qui illumine le monde. »
Et en même temps, il était conscient d’une certaine responsabilité de la France pour, précisément, faire grandir cette connaissance et la partager, la construire par l’étude et le dialogue.
C’est ce que vous incarnez.
Votre engagement dans la recherche partenariale, au niveau international, prend un sens particulier aujourd’hui.
La situation de la recherche aux Etats-Unis est plus que préoccupante.
La mise à pied de chercheurs, dans différents domaines, la mise en péril de secteurs entiers de la recherche est un coup porté à la science mondiale.
Dans la recherche médicale, la manipulation des bases de données aura des conséquences graves.
La destruction de départements entiers de recherche consacrée aux sciences du climat et de l’environnement est également porteuse de dangers, puisque les transformations de notre environnement sont profondément liées à l’apparition de nouvelles maladies.
Il y a également la question du financement, celui de la recherche en tant que telle, celui des programmes d’aide au développement, qui ont des conséquences en cascade sur des programmes multiples.
Je sais que votre réseau de coopération inclut des chercheurs installés aux Etats-Unis, et je ne doute pas que vous partagiez cette préoccupation.
Le retrait annoncé de l’OMS, la fin du financement des programmes d’US AID se répercutent dès à présent sur de nombreux pays, en particulier parmi ceux du « Sud global », mais aussi pour les nombreux laboratoires, les équipes à travers le monde qui travaillent ou travaillent en collaboration avec des équipes américaines et prenaient pour un acquis leur soutien.
Nous devons nous rendre à l’évidence, cela n’avait rien d’un acquis.
C’est ce que les Américains appelleraient un « wake up call » : nous nous réveillons avec un réel que nous n’avons pas choisi, mais que nous ne pouvons pas éviter.
En cela, la France a un rôle particulier à jouer.
En raison de sa légitimité scientifique, en raison de son poids dans l’aide publique au développement et de manière spécifique dans le domaine de la santé.
Certes, nous n’avons pas la puissance de feu des Américains, mais nous jouons un rôle non négligeable dans l’équilibre mondial de l’aide au développement.
Dans le nouveau rapport de forces mondial, la France doit donc assumer son héritage et revendiquer son rôle.
Il n’est pas excessif de dire que nous sommes confrontés à une épreuve de vérité : nous devons nous montrer à la hauteur du moment, en serons-nous capables ?
Se montrer à la hauteur, cela signifie : accueillir des chercheurs, quand cela est pertinent pour eux et pour les institutions qui les recevront.
Mais aussi en défendre coûte que coûte les valeurs de la recherche, et notamment la coopération scientifique.
C’est dans ce cadre que vous devez désormais envisager vos missions.
Et je peux dire, sans craindre d’être excessif, que ces missions sont plus nécessaires que jamais.
Certes, les contagions au VIH se sont réduites drastiquement depuis les années 1990, et notamment chez les enfants.
Mais comme vous le savez, nous sommes loin, trop loin des cibles, au niveau mondial et aussi en France.
Dans ce cœur de mission historique de l’ANRS, le travail ne manque pas, que ce soit en termes de de prévention, de formation ou bien sûr de recherche sur le fonctionnement du virus et la prise en charge médicale du VIH et des IST en général.
Les missions de l’ANRS ont grandi en même temps que les besoins.
Depuis les VIH, il y a plus de 35 ans, vous avez continué sans cesse à élargir votre champ d’action.
Aujourd’hui, les menaces de nouvelles maladies infectieuses à travers la planète rendent l’effort que vous coordonnez plus indispensable encore.
Vous êtes nés sous le signe de l’urgence et de la gestion de crise.
Le moins qu’on puisse dire est qu’en la matière, vous ne manquez pas de travail.
Et ce travail, il va falloir l’amplifier, comme je le disais, dans un univers de contraintes nouvelles.
C’est un enjeu de solidarité, c’est un enjeu de justice à l’échelle de la planète.
C’est aussi, bien sûr, un enjeu de santé, à la fois pour les populations les plus à risque, dans certains pays, et pour la santé de tous les habitants du monde.
Car si beaucoup de nouvelles infections naissent dans le Sud global, nous savons bien que les frontières sont pour le moins poreuses en la matière.
Nous devons agir, par altruisme et par esprit de justice, mais aussi parce que c’est notre intérêt bien compris.
C’est d’ailleurs pour toutes ces raisons que le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche soutient votre action, à hauteur de 50 millions d’euros chaque année.
Mesdames, Messieurs, je suis heureux et honoré de vous voir ici si nombreux, représentant tant de pays et tant d’expertise, au service de la recherche et de la science médicales.
Votre effort commun, au service de l’identification et de la prévention des infections, votre engagement concret pour et par la coopération, a une portée considérable.
Merci à chacun d’entre vous pour votre action au quotidien, et merci à l’ANRS MIE d’assumer son rôle de moteur, de coordinateur, de porteur de projets.
Je vous souhaite que ces journées scientifiques soient l’occasion d’échanges féconds, de rencontres et, au milieu des menaces de notre temps, d’espoir.
Je vous remercie.