Publié le 26.03.2025

Discours de Philippe Baptiste à l'occasion du Dialogue ministériel mondial sur la diplomatie scientifique

Philippe Baptiste, ministre chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a prononcé un discours le mercredi 26 mars 2025 au siège de l'UNESCO à l'occasion du Dialogue ministériel mondial sur la diplomatie scientifique.

SEUL LE PRONONCÉ FAIT FOI

Madame la Directrice générale de l’UNESCO, chère Audrey, 

Mesdames et Messieurs les ministres,

Mesdames et Messieurs les ambassadeurs, 

Mesdames et Messieurs les membres de délégations,

Mesdames et messieurs,

C’est un grand honneur pour moi d’ouvrir cette seconde journée du dialogue ministériel mondial sur la diplomatie scientifique, au siège de l’UNESCO. Bienvenue à chacune, à chacun d’entre vous, bienvenue en France, bienvenue à Paris et bienvenue dans ces lieux. 

L’événement qui nous rassemble prend place dans un contexte international, sur le plan scientifique et sur le plan diplomatique, qui lui donne une importance toute particulière. Je suis donc heureux de voir que dans la houle de notre temps, le dialogue garde toute sa place. 

La science et la diplomatie incarnent, chacune à leur manière, un même effort. L’effort pour trouver un langage commun. L’effort pour contourner ou surmonter les obstacles, au nom d’un horizon qui les dépassent. Ni dans un cas ni dans l’autre, la fin de la discussion n’est une option. 

Quand la parole fait défaut sur la scène internationale, la diplomatie prend tout son sens. Quand la recherche se heurte aux limites des capacités d’un chercheur, ou d’une équipe, ou d’un pays, c’est la confrontation qui permet d’avancer plus loin. Certaines personnalités ont incarné à merveille ce double effort, je pense par exemple à Leibniz, qui a mis la même énergie à résoudre les problèmes mathématiques les plus complexes et les situations diplomatiques les plus difficiles. 

L’une et l’autre, diplomatie et science peuvent prendre le relais dans les périodes où le dialogue semble difficile car, comme le disait Raymond Aron, « même dans les périodes de catastrophes, même dans les périodes de religions politiques, il y a une activité de l’homme qui est peut-être plus importante que la politique : c’est la recherche de la Vérité. » 

Recherche de la vérité, recherche aussi de la paix. C’est bien sûr l’horizon de la diplomatie, qui est une autre continuation de la politique par d’autres moyens que la guerre. Mais c’est souvent le rôle de la science. En pleine guerre froide, les échanges scientifiques ne se sont pas interrompus entre scientifiques de part et d’autre du rideau de fer. 

Le projet du CERN, il y a bientôt trois quarts de siècle, unissait une ambition scientifique illimitée et un fervent désir de paix. Ses fondateurs ont aussi souhaité que la science soit ouverte, en mettant leurs découvertes à la disposition des chercheurs et citoyens du monde entier. L’UNESCO a soutenu cette initiative dès ses débuts, il rassemble aujourd’hui des milliers de chercheurs à travers des dizaines de pays. Un exemple parmi d’autres, de la rencontre de la science et de la diplomatie au service de la paix. 

Et l’Europe est engagée depuis longtemps dans ce mouvement de diplomatie scientifique. Notre continent s’est bâti dès le Moyen-âge par les rencontres entre universitaires venus des différents pays, de Paris à Bologne, de Cambridge à Prague. Au milieu des conflits, les correspondances des savants ont permis de préparer l’horizon de la paix. 

La France a tenu sa place dans ce concert des nations. En accueillant des chercheurs du monde entier, notamment lorsqu’ils étaient en difficulté dans leurs pays d’origine. Ces chercheurs ont irrigué la recherche française, et établi des liens entre leur pays d’origine et leur pays d’adoption. Je pense par exemple à Marie Curie, qui fut un pont entre sa Pologne natale et la France, et qui fit tant pour la science et pour la paix. L’installation du siège de l’UNESCO à Paris est un symbole de notre attachement au dialogue dans et par la science, c’est une fierté et un rappel permanent de notre devoir en la matière. 

Devoir, car aujourd’hui, la diplomatie scientifique n’est pas un choix. C’est une impérieuse nécessité. Nous sommes confrontés à des défis qui nous concernent tous, et sur lesquels nous ne pouvons agir seuls. Les changements du climat et le bouleversement des écosystèmes à travers la planète. Le risque de l’émergence de nouvelles pandémies, qui n’est pas sans lien avec les troubles du climat. Le face-à-face avec de nouvelles technologies dont nous ne savons parfois plus si nous les contrôlons ou si elles nous dominent. 

Chaque pays est exposé aux conséquences de ces changements. Chaque pays contribue à cette situation. Mais personne ne peut répondre seul. Personne ne peut répondre seul, et personne ne peut répondre sans les apports de la science. 

Face à ces changements rapides, nous avons besoin des sciences sociales, pour comprendre, pour nous adapter, pour questionner ce que ces modifications de notre mode de vie font à nos sociétés. Face aux nouvelles pandémies, nous avons besoin des capacités de recherche des meilleures équipes à travers le monde, comme cela a été le cas pour répondre à la pandémie de Covid-19. Face au réchauffement climatique, nous avons besoin de la recherche, des apports du GIEC. 

Nous avons aussi besoin de l’engagement des Etats, pour porter le changement collectif qui peut, seul, nous permettre d’envisager un futur différent de la simple prolongation des courbes de température ou de disparition des espèces. La COP 21, il y a 10 ans, dans cette même ville, a été une occasion de le réaffirmer. 

Nous voyons aussi que la science prend un nouveau visage. Aujourd’hui, la science et l’innovation sont devenues les nouvelles monnaies de la puissance. L’avance technologique a toujours été un atout précieux sur la scène mondiale. Elle est désormais plus nécessaire que jamais. 

En Europe, nous vivons ces temps-ci un sursaut en la matière. Le rapport de Mario Draghi nous a remis sous les yeux l’importance de la science et de l’innovation, pour porter notre parole sur la scène mondiale. Personne ne l’ignore et d’où que vous veniez, chers collègues, vous en avez conscience. Sans recherche, pas d’innovation, sans innovation, pas de compétitivité, pas de souveraineté économique ou militaire. Sans une recherche ambitieuse aujourd’hui, il n’est pas possible d’avoir demain une parole qui porte sur les scènes de notre monde. 

Nous sommes réunis aujourd’hui car nous croyons aux vertus du dialogue, dans le champ diplomatique, dans le champ scientifique. Pourtant, nous le savons : les conditions de ce dialogue ne sont pas garanties.

Elles ne sont ni un dû, ni une évidence.  

Ce que nous avons bâti pendant des décennies est aujourd’hui fragilisé. Les valeurs qui fondent l’université, qui sous-tendent la recherche libre, sont mises à mal. Les libertés académiques, l’éthique du débat, le libre examen, qui ont servi de socle à tant de nos démocraties, apparaissent comme des luxes inutiles. 

La confiance dans la science est ébranlée. 

Au niveau international, le cadre de la discussion est lui aussi fragilisé. C’est pourquoi nous devons réaffirmer notre engagement en faveur d’un dialogue multilatéral. Pour être à la hauteur de notre temps, nous devons redonner force à la coopération, à tous les niveaux. Nous devons nous engager pour préserver l’intégrité et la liberté de la recherche, dans tous les pays. Nous devons poursuivre la construction d’une culture scientifique partagée, socle d’un dialogue fécond sur la réponse aux défis de notre temps. Nous devons garantir que la recherche reste un espace de liberté, de créativité, de confrontation intellectuelle et donc, d’innovation. 

Les temps sont lourds de défis nouveaux. Au milieu de l’orage, ayons confiance dans notre capacité collective à agir. Soyons exigeants envers nous-mêmes, nations du monde. Ayons le courage de la lenteur, nécessaire pour voir clair dans l’inconnu. Soyons suffisamment responsables pour prendre le temps du dialogue, par la science et la diplomatie. 

Et nous pourrons faire nôtre cet appel de Henri Poincaré : « la pensée n’est qu’un éclair au milieu d’une longue nuit. Mais c’est cet éclair qui est tout. »

Je vous remercie.

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