Publié le 29.04.2025

Discours de Philippe Baptiste à l'occasion du lancement du programme de recherche sur l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur

Philippe Baptiste, ministre chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a prononcé un discours le mardi 29 avril 2025 à l'occasion du lancement du programme de recherche sur l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur.

SEUL LE PRONONCÉ FAIT FOI

Monsieur le Ministre, 

Mesdames et Messieurs,

Je suis heureux de vous accueillir aujourd'hui pour lancer un programme de recherche d'une importance capitale : l'étude scientifique de l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur et la recherche. 

Ce programme, fruit d'une action résolue du Ministère et d'un partenariat avec la DILCRAH et la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, répond à une nécessité urgente dans un contexte où les actes antisémites ont connu une inquiétante recrudescence.

Un constat préoccupant qui appelle une réponse scientifique

Depuis le 7 octobre 2023, nous avons assisté à une augmentation alarmante des actes antisémites dans notre société, et l'enseignement supérieur n'a malheureusement pas été épargné. 

Notre Cellule ministérielle de veille et d'alerte a recensé plus de 70 signalements depuis cette date - inscriptions haineuses, injures, menaces, apologie du terrorisme ou du nazisme, et dans certains cas, des faits de violence.

Ces signalements relèvent majoritairement de manifestations en lien avec le conflit israélo-palestinien, mais ils témoignent d'un phénomène plus large et profondément préoccupant. 

Les témoignages d'étudiants juifs sont particulièrement alarmants. 

Beaucoup rapportent un sentiment d'insécurité, certains vont jusqu'à dissimuler leur identité par crainte de représailles ou d'ostracisme. 

Il ne faut pas s'y tromper : ce n'est pas le seul problème de ces étudiants, mais notre problème à tous.

Face à cette situation, dès mon arrivée au ministère, j'ai été très clair : il ne peut y avoir aucune tolérance, aucune compromission, aucune tiédeur face aux actes antisémites. 

C'est pourquoi j'ai tenu à recevoir rapidement les représentants de l'Union des étudiants juifs de France et à mobiliser les recteurs et présidents d'université pour accélérer la remontée des informations et des signalements.

Je tiens d’ailleurs à signaler la très bonne coopération avec mes collègues des ministères de l’intérieur et de la justice pour que les signalements au titre de l’article 40 soient traités rapidement.

Pourtant, force est de constater que notre compréhension du phénomène reste imparfaite. Les outils d'observation et d'analyse dont nous disposons actuellement ne permettent pas d'appréhender toute la complexité et la diversité des manifestations de l'antisémitisme dans le milieu universitaire. 

Et cette connaissance est fondamentale pour y apporter toutes les réponses.

C'est précisément pour combler ces lacunes que nous lançons aujourd'hui ce programme de recherche.

Comme le disait Gaston Bachelard : "La science, dans son besoin d'achèvement comme dans son principe, s'oppose absolument à l'opinion." 

Face à un sujet aussi sensible et complexe que l'antisémitisme, il est impératif de substituer aux idées reçues et aux thèses simplificatrices une connaissance rigoureuse, fondée sur des méthodologies empiriques solides.

Car il existe actuellement peu de recherches scientifiques sur l'antisémitisme contemporain, et encore moins spécifiquement sur ses manifestations dans l'enseignement supérieur. 

Cette carence constitue un obstacle majeur à l'élaboration de politiques publiques efficaces.

Nous sommes évidemment pris par l'urgence et par l'émotion. 

L'urgence, pour traiter ce qui se passe au fil de l'eau. 

L'émotion devant ce déferlement de violence dont il est possible et probable que nous ne voyons qu'une partie. 

Mais notre responsabilité est aussi de comprendre ce qui est à l'œuvre, pour y apporter des réponses appropriées.

C'est précisément le rôle de la recherche, de nous permettre de prendre la hauteur nécessaire pour analyser les phénomènes, pour apporter l'éclairage nécessaire à l'élaboration d'une approche pertinente dans la durée.

Le programme que nous lançons aujourd'hui vise trois objectifs essentiels :

1. Qualifier et quantifier le phénomène

Il s'agit d'abord de mieux mesurer l'ampleur et les caractéristiques de l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur. Pour cela, nous mobiliserons des approches méthodologiques diverses, croisant les sciences humaines et sociales avec les statistiques.

Trois projets de recherche seront immédiatement lancés :

  • Une enquête de victimation auprès de l'ensemble des usagers de l'enseignement supérieur
  • Une étude qualitative sur les conséquences des discours de haine sur la vie sociale et la santé psychique des étudiants
  • Une enquête quantitative par sondage auprès de toute la population de l'ESR

Comme le rappelait Raymond Aron : "La science ne pense pas, elle mesure." 

Notre ambition est de mesurer précisément ce phénomène pour mieux le comprendre.

2. Objectiver pour mieux agir

La connaissance scientifique n'est pas une fin en soi. Elle doit éclairer l'action. 

Les résultats de ces recherches nous permettront de définir des réponses adaptées, proportionnées et efficaces à l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur. 

Notre responsabilité collective face à l'antisémitisme exige une connaissance précise de ses manifestations et de ses mécanismes.

3. Mobiliser la communauté académique

Ce programme repose sur une conviction forte : rien ne pourra se faire dans l'enseignement supérieur sans l'enseignement supérieur lui-même. 

Les chercheurs, les enseignants, les étudiants sont les premiers concernés, mais aussi les mieux placés pour comprendre et transformer leur propre environnement. 

C'est cet esprit d'action et de responsabilité que nous sollicitons aujourd'hui pour faire reculer l'antisémitisme.

Je tiens à souligner que les recherches qui seront menées dans le cadre de ce programme le seront en toute indépendance. 

La qualité scientifique sera le seul critère d'évaluation des travaux, qui devront aboutir à des publications reconnues par les pairs.

Un comité de pilotage, composé de représentants du Ministère, de la DILCRAH, de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah et de personnalités qualifiées, accompagnera cette initiative et suivra l'avancement des travaux, dans le respect absolu de l'indépendance des chercheurs.

Les premiers résultats sont attendus dès l'automne 2025, et une synthèse complète devrait être disponible au début de l'année 2026.

Ce programme s'inscrit dans le cadre plus large du Plan national de lutte contre le racisme, l'antisémitisme et les discriminations liées à l'origine (PRADO), dont plusieurs mesures concernent directement notre ministère.

Parallèlement à ce programme de recherche, nous poursuivons le déploiement d'un dispositif numérique pour améliorer le suivi des situations signalées, le soutien à l'Observatoire de la vie étudiante et à l'Observatoire national des discriminations et de l'égalité dans le supérieur.

Nous développons également des modules de formation en partenariat avec l'Institut des hautes études de l'éducation et de la formation. 

Ces modules permettront aux cadres des établissements de mieux appréhender les dimensions historiques, les obligations légales, les dispositifs de signalement et les leviers institutionnels de prévention et de traitement des actes racistes et antisémites.

Des initiatives comme le programme "CoExist", mené avec l'Union des Étudiants Juifs de France, SOS Racisme et la Fédération des Associations Générales Étudiantes, la FAGE, permettent également de sensibiliser la communauté étudiante par les pairs.

Mesdames et Messieurs, la lutte contre l'antisémitisme est un devoir moral et civique pour notre société tout entière, et pour l'université en particulier. 

En mobilisant la recherche scientifique pour mieux comprendre et combattre l'antisémitisme, nous affirmons notre attachement aux valeurs fondamentales de l'université : la quête de la vérité, le respect de la diversité, la liberté de penser et d'exprimer sa pensée dans le respect d'autrui.

Ce programme de recherche constitue une étape importante, mais ce n'est qu'un début. 

Je compte sur l'engagement de chacune et chacun d'entre vous pour faire de nos établissements des lieux où chaque étudiant, chaque enseignant, chaque chercheur, quelle que soit son origine, sa culture ou sa religion, puisse étudier, enseigner et chercher en toute sérénité.

Je vous remercie.

Contact

Service presse du ministère chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche

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