Publié le 02.06.2025

Les ouvrages jeunesse nommés pour le prix le Goût des sciences, 16e édition

Les ouvrages nommés pour le prix du livre scientifique jeunesse de la 16e édition du Goût des sciences abordent les thèmes de la biodiversité et de l'intelligence artificielle. Nous sommes allés à la rencontre de leurs auteurs et autrices afin d'évoquer le travail d'écriture et de vulgarisation scientifique à destination du jeune public.

Cétacés, Amandine Delaunay (La Martinière Jeunesse)

Avec Cétacés, Amandine Delaunay nous invite à découvrir ces mammifères marins fascinants à travers un magnifique ouvrage, c'est-à-dire grand par sa taille et beau par son travail d'illustration foisonnante et détaillée. Cétacés à dents ou à fanons, identifiables grâce à leurs nageoires ou leurs ailerons... l'ouvrage passe en revue leur souffle, leur alimentation, leur mode de vie, ainsi que les menaces qui pèsent sur eux : tourisme d’observation, échouages collectifs, chasse controversée… 

3 questions à Amandine Delaunay

Pourquoi avoir choisi le sujet des cétacés ? Comment l’aspect visuel de cet ouvrage a-t-il été conçu ?

Amandine Delaunay : La passion pour les baleines vient de mon métier d'illustratrice jeunesse. La baleine fait partie des animaux les plus demandés (avec les loups, les ours, les chouettes, les dragons…). Comme mon dessin est assez réaliste, je me documente beaucoup avant de dessiner un animal. Comprendre comment il bouge, où il vit… Les photos de baleines sous souvent floues ou incomplètes, une chose en entraînant une autre, je me suis retrouvée à regarder des heures de reportages Youtube ou du National Geographic. J'ai été complètement absorbée, fascinée… et l'obsession s'est accrue au fil des commandes. Un jour mon éditrice, Garance Giraud, m'a proposé de travailler un documentaire complet sur les baleines et les dauphins, quelle joie ! On a imaginé un grand format, comme un album, avec de belles illustrations immersives et plein de mini dessins pour ponctuer le texte. J'ai développé une nouvelle technique à l'encre bleue, permettant de rendre la profondeur des fonds marins. Il fallait que les dessins soient à la fois précis scientifiquement, et qu'ils aient aussi une part de flou, de mystère… et de magie !
L'ouvrage Cétacés a été relu par Jean-Luc Jung (professeur au Muséum national d'Histoire naturelle et chef de la station marine de Dinard) et Thomas Barreau (chercheur au MNHN), qui ont patiemment corrigé mes textes et la forme de chaque nageoire. 
En janvier 2025, j'ai été invitée par Jean-Luc Jung pour retranscrire en texte et en image l'inauguration de la Korrigane, le nouveau bateau de recherche du MNHN avec sa marraine Isabelle Autissier. C'est à cette occasion que nous avons discuté d'un nouveau livre : un roman graphique autour des recherches menées sur la Korrigane à la station marine de Dinard, pour illustrer la richesse de la biodiversité locale et transmettre au grand public les avancées passionnantes de la recherche en ADN environnemental. À Dinard, les scientifiques sont capables de déterminer toutes les espèces présentes dans un milieu à partir de quelques litres d'eau de mer !

Crédits :
Amandine Delaunay, La Martinière Jeunesse

Cétacés

Jusqu’où êtes-vous allée (géographiquement ou à travers vos recherches) pour écrire cet ouvrage ?

A. D. : J'en avais assez de dessiner des animaux et des paysages depuis Google Images. Je voulais partir à l'aventure, voir des cétacés « en vrai », tout en respectant leur mode de vie et leur environnement. Je suis allée en Écosse, dans les îles Hébrides, pour faire de la science citoyenne : j'ai embarqué 10 jours à bord du Silurian, le bateau de recherche du Hebridean Whale & Dolphin Trust qui protège les baleines et les dauphins britanniques. À bord, avec d'autres bénévoles, j'ai participé au recensement des espèces d'oiseaux, de phoques et de cétacés. J'ai appris à scruter les vagues patiemment, reconnaître les ailerons, et identifier les comportements. Le soir, les scientifiques nous expliquaient comment les dauphins formaient des groupes soudés avec des liens complexes. Les informations collectées à bord (depuis plusieurs années par des dizaines de bénévoles) et analysées par les scientifiques ont servi à connaître la santé de la faune marine, comprendre les déplacements des cétacés pour adapter le trajet des bateaux bruyants (comme les ferrys) et créer des zones marines protégées là où les animaux en avaient le plus besoin.

Quelle incroyable découverte souhaitez-vous partager à travers ce livre ?

 A. D. : Les cétacés sont des animaux méconnus et fascinants ! Peu de personnes savent esquisser correctement une baleine : on confond les fanons et les sillons, on croit qu'elle crache en fontaine et qu'elle respire de l'eau comme un poisson…
Ensuite, ce qui me tenait à cœur et que j'ai découvert au fil de mes recherches, ce sont les multiples façons qu'ont les cétacés de vivre ensemble. Ce sont des mammifères sociaux (comme les éléphants, les grands singes et les humains) qui ont besoin du groupe pour grandir, se nourrir, jouer, s'épanouir et élever les petits. Chez certains cétacés, on parle de culture. Chaque clan d'orque a ses techniques de chasse, son menu de prédilection, et ses moyens de communication (sauts, sons…). La culture n'est pas le propre de l'homme ! Cela peut aussi nous inspirer sur les multiples façons dont nous pourrions faire société. Chez les dauphins, il n'y a pas de chef : selon les situations, c'est le dauphin le plus expérimenté qui prend les décisions.

La vie mystérieuse des rats, Sophie Humann et Sébastien Mourrain (Actes Sud Jeunesse)

Dans cet ouvrage, la journaliste Sophie Humann interroge sur les rats : qui sont-ils ? d'où viennent-ils ? quelles sont leurs compétences ? Les rats ont mauvaise réputation, ils nous dégoûtent alors qu'ils sont pourtant utiles, intelligents, des champions de la survie et de l’adaptation... Il se trouve même que les rats sont proches de l'homme. Doté d'un lexique, illustré par Sébastien Mourrain, ce documentaire fait également appel à l'imaginaire collectif à travers les nombreux récits qui traversent les siècles. 

Le rat partage 90 % de son génome avec l'humain. 

Sophie Humann, La vie mystérieuse des rats (Actes Sud Jeunesse)

3 questions à Sophie Humann et Sébastien Mourrain

Qu’est-ce que cet ouvrage doit nous apprendre sur les rats ? Et sur la science en général ?

Sophie Humann : La vie mystérieuse des rats doit nous faire comprendre que les animaux, et les rats en particulier, ont des compétences extraordinaires. Il doit nous apprendre d’où ils viennent, quel est l’ordre des rongeurs auquel ils appartiennent. Il doit nous aider à cerner les raisons pour lesquels nous ne les aimons pas et nous les craignons, nous permettre de découvrir que d’autres civilisations portent un regard différent du nôtre sur le rat. Il nous rappelle sa place dans la littérature, sa proximité avec l’homme, son utilité. Il doit nous permettre d’apprivoiser nos peurs, à défaut d’apprivoiser des rats… J’ai été considérablement aidée par le travail d’illustration tout en douceur, et plein d’humour, de Sébastien Mourrain.

Comment avez-vous abordé la représentation du rat dans un ouvrage jeunesse ?

Sébastien Mourrain : Il fallait qu’il ne soit pas trop repoussant pour qu’on puisse s’attacher à lui et en même temps qu’il soit fidèle à sa réputation. C’est-à-dire un animal que l’on craint, pour de bonnes et de mauvaises raisons.

Est-ce un animal sympathique à représenter ?

S. M.Le rat est un animal très sympa à dessiner car il évolue dans différents univers. Il se faufile et s’engouffre dans des endroits insoupçonnés... C’est un animal légendaire dont les histoires sont racontées dans le monde entier. Ses poils, ses oreilles, sa queue et ses pattes griffus sont très plaisants à dessiner.

 

C'est (pas) moi, c'est l'IA, Didier Roy et Pierre-Yves Oudeyer (Nathan)

Destiné à un public jeunesse ou novice, C'est (pas) moi, c'est l'IA se veut un guide malin et bienveillant pour appréhender le fonctionnement de l'intelligence artificielle générative. Pour ce faire, les experts Didier Roy et Pierre-Yves Oudeyer répondent aux questions : qu'est-ce qu'un prompt ? pourquoi l'IA hallucine-t-elle ? ou encore, peut-on utiliser l'IA pour faire ses devoirs ? En plus d'aider à identifier les deepfakes et autres fausses informations créées à partir de l'IA générative, il est aussi question du coût environnemental des prouesses technologiques, des principales entreprises et des métiers de l'IA.  

20 watts c'est l'énergie dont a besoin le cerveau humain pour fonctionner, soit 100 000 fois moins de ressources qu'une IA

3 questions aux auteurs et à l’illustratrice de C'est (pas) moi, c'est l'IA

Que souhaitez-vous démontrer auprès des jeunes lecteurs à travers votre ouvrage ?

Didier Roy et Pierre-Yves Oudeyer Nous voulons aider les jeunes à mieux comprendre l’IA, pour qu’ils puissent en faire un usage raisonné et se prémunir des usages toxiques comme les infox (fake news) et autres hypertrucages (deepfakes). Cela passe par la découverte de son fonctionnement, la mise en lumière de ses forces et de ses limites, et le développement de l’esprit critique, la curiosité et la métacognition — c’est-à-dire la capacité à réfléchir sur sa propre façon d’apprendre et de comprendre. L’IA change le rapport à l’éducation : elle donne un accès rapide à des réponses, mais apprendre, c’est bien plus que ça. Nous voulons montrer aux jeunes que l’IA peut être un outil intéressant, pour explorer, expérimenter, approfondir, — à condition de ne pas la laisser penser à notre place et nous donner des réponses toutes faites.

Quel conseil pourriez-vous donner pour utiliser l'IA de manière la plus humainement intelligente ?   

D. R. et P-Y O. Il est essentiel de comprendre comment l'IA fonctionne, quels sont ses atouts et ses limites. Elle peut imiter certaines facettes de l’intelligence humaine, comme la capacité à converser de manière fluide, mais elle ne comprend pas le sens de ce qu’elle produit comme peut le faire un être humain. L'intelligence artificielle donne l’illusion d’une personnalité, alors qu’elle ne fait que jouer des rôles selon les instructions reçues. Et elle peut produire des “hallucinations” : des contenus bien construits qui semblent vrais mais sont faux, donc toujours garder un esprit critique, vérifier ce qu’elle avance.

Quelles ont été vos inspirations pour illustrer ce sujet ?

Clémentine Latron : Je voulais illustrer ce sujet de manière rigolote, pour que les ados puissent l’aborder sans crainte. Je n’ai jamais dessiné autant de robots - au début, j’avais WALL-E en tête - puis, j’ai essayé d’imaginer des variations. Pour le personnage de « chat GPT », qui accompagne le lecteur tout au long du livre, nous sommes effectivement partis sur un chat en raison de l’homonymie avec l’animal. On a aussi un petit personnage qui revient souvent, une petite puce électronique personnifiée très expressive.

Le Goût des sciences est un prix littéraire qui récompense, depuis 2009, les meilleures publications de médiation scientifique. Il entend réaffirmer la place des sciences au cœur de la société en mettant en lumière le travail de recherche et en suscitant des vocations. Le Goût des sciences a pour ambition de rendre la science accessible au grand public en distinguant les travaux des chercheurs et des experts.

Cette année, le jury du Prix Le Goût des sciences a sélectionné 15 ouvrages dans la catégorie du prix du livre scientifique et 16 dans la catégorie jeunesse. Tous répondent à un objectif commun : rendre accessible les sciences en vulgarisant le savoir scientifique sans pour autant lui faire perdre de son exactitude autour de thèmes riches et variés.