Publié le 03.10.2025

Plein phare sur l'intelligence animale au Parc zoologique de Paris

Cette saison, le MNHN invite le public à porter le regard sur une autre forme d'IA, à savoir l'intelligence animale. Comment évalue-t-on les facultés propres aux animaux ? Pour le découvrir, nous avons interrogé les scientifiques du Parc zoologique de Paris.

Nous sommes au Parc zoologique de Paris, qui est un des sites ouverts au public du Muséum national d'Histoire naturelle. On abrite, depuis plus de onze ans, 150 espèces animales qu'on essaye, tous les ans, de faire découvrir d'une manière différente avec des thèmes différents. Cette année, le thème qui a été choisi pour notre saison, ce sont les intelligences animales. On a choisi de ne pas donner une définition une définition de l'intelligence animale parce qu'il n'y a pas une seule forme d'intelligence. 

On a plutôt décidé de parler des intelligences et de parler de capacités cognitives. Les capacités cognitives des espèces, elles sont liées à la nature des comportements qu'elles ont à réaliser et au type d'environnement dans lequel elles se trouvent.

Par exemple chez les grenouilles, de la famille des dendrobates, ce sont de petites grenouilles tropicales, qui ont des soins parentaux assez élaborés. Ils doivent transporter leurs têtards sur leur dos, pour les amener à la cime des arbres ou dans des réserves d'eau qui sont en hauteur. Les têtards en question sont cannibales, donc ils ne peuvent pas être déposés dans la même réserve d'eau.

À l'échelle d'une petite grenouille qui fait à la taille adulte deux, trois centimètres, elle doit s'orienter dans la forêt, trouver les réserves d'eau, se souvenir où aller déposer son têtard, pour quand elle aura un autre têtard à déposer, ne pas le déposer au même endroit. Il y a donc une capacité d'orientation, d'analyse de l'environnement, de mémorisation et de cartographie mentale de la forêt, pour pouvoir accomplir un comportement qui est relativement complexe pour un si petit animal.

Pour les fourmis c'est pareil. Ici on a des fourmis champignonnistes. Ce sont des fourmis qui font une forme d'agriculture, elles vont découper des feuilles dans un arbre, les ramener dans la fourmilière, les dégrader pour développer dessus un champignon qui va servir d'alimentation à la colonie. Tout ce processus un peu complexe de sélection de la bonne plante, découpage, transport, dégradation des feuilles, culture et entretien du champignon, ça fait appel à des castes différentes, des fourmis qui ont des morphologies et des aptitudes particulières, qui vont se diviser le travail, pour arriver à la réalisation d'une tâche très complexe. Donc là, c'est plus une intelligence collective pour arriver à ce que la colonie se développe correctement.

Le besoin pour un animal de devoir adapter son comportement ou s'adapter à certaines situations, c'est lié à quelque chose d'inné, qui est génétiquement déterminé par l'évolution de l'espèce en lien avec les contraintes de son environnement. Et il y a aussi une part d'acquis, c'est à dire une part d'apprentissage et d'adaptation qui est propre à chaque espèce.

Ce qu'on observe chez les suricates, c'est qu'il y a un apprentissage actif. Notamment pour apprendre à attraper et à consommer des scorpions, qui sont une des proies des suricates. 

Ce qu'on observe, c’est que les adultes vont prendre le temps, d'attraper les scorpions pour les jeunes et préparer le scorpion afin que le jeune apprenne, petit à petit, à consommer cette nourriture. Au début ils vont présenter un scorpion mort aux jeunes, puis ensuite à leur donner le scorpion vivant mais sans le dard, pour qu'il soit moins dangereux. Et ensuite à la fin, permettre aux jeunes de savoir comment appréhender un scorpion sans se faire pincer, sans se faire piquer. Il y a vraiment une implication active de la part des adultes et pas seulement une observation des jeunes d'un comportement que les adultes feraient.

Les babouins de Guinée, ce qui est intéressant, c’est qu'ils ont une structure sociale à plusieurs niveaux. On observe que les interactions sociales au sein de ces groupes et de ces niveaux, sont différentes. On retrouve également cela chez les babouins hamadryas, mais avec une très faible tolérance entre les mâles et donc beaucoup de conflits. Alors qu'en fait chez les babouins de Guinée, les mâles sont très tolérants entre eux. Spatialement, ils peuvent être très proches. On observe beaucoup d’épouillage entre les mâles et les salutations chez les babouins de Guinée sont assez particulières, parce qu'ils vont présenter leurs parties génitales, qui est une partie assez sensible, aux autres mâles et ils vont même toucher les parties génitales. Et c'est leur façon de se dire bonjour comme on pourrait se serrer la main, entre humains.

Comment définir l’intelligence animale ?

Du latin intelligentia, il s’agit de la faculté de connaître, de comprendre et dont découle celle de s'adapter facilement. Par intelligence animale, on entend donc les aptitudes cognitives, les comportements et l’habileté dont font preuve les animaux, qui les rendent capables de résoudre des problèmes, d’anticiper des situations ou s’adapter à leur milieu naturel.
Bien que ces comportements soient observés chez des animaux dans leur environnement naturel, il n’existe pas de consensus chez les scientifiques pour définir l’intelligence.


Le point de vue des scientifiques

Les intelligences animales peuvent prendre des formes très différentes en fonction des espèces. On citera notamment l'appréhension spatiale d'amphibiens tels que les Dendrobates auratus, ces grenouilles capables de mémoriser la localisation de leurs œufs en plusieurs endroits de la jungle ; l'habileté des perroquets aras hyacinthe à résoudre des problèmes complexes, en tirant des cordes pour obtenir une récompense qui ne leur est pas visible ; ou encore, la faculté du babouin de Guinée d'adapter les signaux de communication au contexte et à la finesse du message. 

Concernant les animaux dont je suis spécialiste [les reptiles et les amphibiens], je définirais l'intelligence comme une forme de capacité cognitive plastique, c'est-à-dire adaptable, qui permet aux animaux d'apprendre, d'appréhender leur environnement, de s'y adapter en modifiant leur comportement pour accomplir des tâches plus ou moins complexes. 

Olivier Marquis, biologiste, curateur des reptiles, amphibiens et arthropodes au Parc zoologique de Paris

Dès lors, on peut s’interroger sur la nature de ces capacités et se demander si elles sont innées ou le fruit d’un apprentissage.

Certaines capacités cognitives des animaux, sont innées, c’est-à-dire, génétiquement déterminées par l’espèce, en lien avec les contraintes de son environnement et une autre partie de ces capacités relèvent de l’acquis, il s’agit d’apprentissage et d’adaptation propre à chaque espèce. 

Olivier Marquis, biologiste, curateur des reptiles, amphibiens et arthropodes au Parc zoologique de Paris

Chez les suricates, on met en avant l'apprentissage social : le fait que des individus prennent le temps, et parfois un coût, en termes de risque, pour apprendre à des jeunes comment attraper et consommer leur nourriture, en l’occurrence des scorpions, c'est-à-dire une proie à la fois dangereuse (à cause du dard) et rapide, sans se faire pincer, ni piquer. 

Julie Bonnald, curatrice mammifères du Parc zoologique de Paris et coordinatrice européenne du plan d'élevage des babouins de Guinée

« Intelligences animales », temps fort du Parc zoologique de Paris

La saison dédiée à l'intelligence animale est le fruit du travail d’un commissariat scientifique entre trois chercheuses et chercheurs du Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN) : Shelly Masi, primatologue spécialiste des gorilles, Laure Bonnaud-Ponticelli, biologiste spécialiste des céphalopodes, et Antoine Balzeau, paléoanthropologue. L’objectif de leurs travaux est de mieux comprendre la diversité des capacités cognitives présentes au sein du règne animal. Événements, Cartes blanches, animations, ainsi qu'une exposition sous forme notamment d'une "cerveauthèque" viennent rythmer la saison au Parc zoologique pour offrir au public un regard renouvelé sur le vivant.

Conservation et préservation des espèces

Le parc zoologique de Paris dépend du Muséum national d’Histoire naturelle. Conservatoire de la biodiversité, il accueille et participe à la conservation de 275 espèces différentes, on parle de « conservation ex-situ », au même titre que la Ménagerie du Jardin des Plantes (Paris, 5e) ou la Réserve zoologique de la Haute-Touche (Indre).

Le Parc zoologique en chiffres

  • 14,5 hectares
  • 5 biozones (Afrique, Amazonie-Guyane, Europe, Madagascar, Patagonie)
  • Une serre tropicale de 4 000 m²

Recherche scientifique et bien-être animal 

Dans le milieu naturel, les scientifiques du MNHN développent des actions de terrain, pour mieux comprendre la biologie des espèces et participer à leur protection dans la nature. Un autre volet de recherche qui ne peut être fait dans la nature, est, quant à lui, mené auprès d’espèces en captivité afin d'acquérir des connaissances en collectant des données sur la reproduction, la longévité, la croissance.

Des études comportementales sont également menées sur les animaux en captivité. Les équipes travaillent sur le bien-être animal, en analysant le comportement des animaux et en adaptant son environnement en captivité si nécessaire.

Dans la nature, pour manger, un animal doit faire un effort physique, par exemple, développer des stratégies de chasse pour parvenir de temps en temps à attraper sa proie car il y a une certaine probabilité d'échec. Si l’on compare ce comportement naturel à un comportement en captivité, où l'on donnerait à l'animal de la nourriture à intervalles réguliers et toujours de la même manière, l'animal n'aurait plus à développer ce comportement-là. Et pour son bien-être, ce n'est pas forcément une bonne chose. Il a besoin de stimulation, d'activité physique. En captivité, on va donc mettre en place des techniques d'enrichissement du milieu en cachant la nourriture, ce qui nécessite pour l'animal de résoudre des problèmes simples pour se nourrir. 

Olivier Marquis, biologiste, curateur des reptiles, amphibiens et arthropodes au Parc zoologique de Paris

 

Informations pratiques

Intelligence animale du 5 avril au 2 novembre 2025

Parc zoologique de Paris
Angle avenue Daumesnil et Route de ceinture du lac Daumesnil 75012 Paris
 

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