Les six services du programme Copernicus (terres, océan, atmosphère, climat, urgences, sécurité) proposent des informations à valeur ajoutée : indicateurs, cartes, prévisions, produits… Ces services se nourrissent d'observations : observations spatiales (satellites Sentinels), d'observations in-situ (capteurs air, mer, terre). L’ensemble est accessible librement et gratuitement via les sites des services ainsi que via des plateformes web européennes ou nationales. La Présidence française du Conseil de l’Union européenne constituera un tournant pour Copernicus. Le colloque des 16 et 17 février prochain se propose de donner à voir et à penser les futurs contours du programme à l’horizon 2035 et de mieux répondre aux attentes de ses utilisateurs. En tant qu’utilisateur actuel ou potentiel, vous pouvez également contribuer à cette réflexion en répondant à ce questionnaire élaboré conjointement par les services du MESRI et du MTE.
Pouvez-vous rappeler les origines de la politique spatiale européenne et en quoi celle-ci est un outil de puissance pour l'Union européenne ?
La politique spatiale européenne a existé avant l'Union européenne. Pour sa part, l'Agence spatiale européenne (ESA) est née en 1975 de la volonté de certains Etats de mettre en commun leurs moyens, afin de faire de l'Europe une puissance spatiale dans tous les secteurs et en particulier acquérir une autonomie de lancement. L'ESA est donc une agence intergouvernementale qui comprend d'ailleurs des pays non membres de l'UE. L'ADN de cette agence est la recherche et l'innovation de rupture.
Les articles 4 et 4.3 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) ont conféré à celle-ci une compétence explicite dans le domaine spatial. Cette compétence est une compétence partagée sui generis puisque, contrairement aux autres compétences partagées de l'UE, elle est mise en œuvre sans que cela ne préempte la capacité des États membres à exercer leur propre compétence dans ce domaine. En effet, dans le cas des compétences partagées « habituelles », les États membres s'abstiennent d'exercer leur compétence à partir du moment où l'Union choisit d'exercer la sienne, ce qui est explicitement exclu dans le cas du spatial. En outre, le principe de subsidiarité s'applique et l'Union ne peut agir que si elle est en mesure de le faire plus efficacement que les États-membres, notamment si les Etats membres n'ont pas les moyens de mettre en œuvre individuellement un projet de grande ampleur. C'est dans ce contexte que l'Union européenne pilote aujourd'hui un grand programme spatial qui comprend Copernicus - cofinancé par l'ESA et les Etats membres - ainsi que Galileo-Egnos (NDLR : sur le programme spatial 2021-2027), tandis que les autres domaines de la politique spatiale restent à l'initiative et à la charge des Etats pour la plus grande partie.
Concernant plus spécifiquement le programme Copernicus, il faut comprendre que depuis l'origine, Copernicus est un programme de surveillance de l'environnement. En 1998, un groupe de chercheurs éclairés et préoccuppés par l'évolution de la Terre rédigeait et signait le manifeste de Baveno, véritable acte de naissance du programme (désigné par l'acronyme GMES à l'époque). L'objectif est de mutualiser toutes les ressources disponibles au niveau européen afin de créer des services de surveillance de l'environnement en phase avec les ambitions et les défis de notre temps. Pour ce faire, des données d'observation de la Terre sont nécessaires (sur Terre et depuis l'espace). Les composantes in situ et spatiales de Copernicus ont été spécifiées pour ces services de surveillance de l'environnement. Aujourd'hui, le programme Coperncius 2.0 recouvre six domaines d'action : la qualité de l'air, le changement climatique, l'environnement marin, le territoire, l'intervention d'urgence, et enfin la sécurité.
Les données et les informations produites par Copernicus sont de grande qualité, ouvertes, gratuites, largement rediffusées et donc très utilisées à l'échelle mondiale - notamment dans le cadre du Group On Earth Observation (GEO) qui favorise la mutualisation des données environnementales. Ce sont des données de référence au niveau mondial, qui offrent une véritable vitrine du savoir faire européen. Nul doute que l'ouverture des données est un outil de soft power qui permet à l'Europe d'affirmer son leadership dans l'observation de la Terre. Ainsi, Copernicus est un élément important de la diplomatie scientifique européenne : par exemple, la Commission européenne a signé des accords avec les Etats Unis et l'Autralie. Elle a par ailleurs promu le programme Copernicus for Africa qui consiste à créer des services avec les données de Copernicus pour que les pays africains puissent bénéficier de ces données dans le cadre des politiques d'adaptation au changement climatique par exemple.
Comment le programme Copernicus peut-il faciliter et améliorer la vie des citoyens européens ?
Le programme Copernicus a été conçu pour soutenir les pouvoirs publics dans l'élaboration des politiques publiques environnementales. Ses domaines d'applications sont très divers. En agriculture, il permet de limiter l'utilisation des pesticides et des engrais en ciblant les zones qui en ont le plus besoin. Concernant les infrastructures, il donne des informations sur les mouvements des sols et leur impact sur le bâti ce qui aide à anticiper les rénovations des bâtiments ou structures comme les oléoducs. Les plastiques, les déchets, les marées noires sont visibles depuis l'espace. Les Sentinels, qui sont des satellites du programme Copernicus, associés à des modèles ciblent les zones polluées à nettoyer et anticipent leur dynamique. Le service de Copernicus consacré à l'environnement marin piloté par Mercator océan évalue, également, les zones les plus favorables aux bancs de poissons... De plus, en cas de crise (inondation, dôme de chaleur, incendie, etc.), Copernicus bénéficie d'un service d'urgence qui peut être activé par les États. Celui-ci donne une vision globale de la situation, permettant notamment de repérer les zones impactées et les maisons isolées.
Avec les évolutions prévues, Copernicus pourrait également devenir un outil d'évaluation. Il pourrait permettre de vérifier que les pays tiennent leurs engagements climatiques ou encore de détecter des décharges sauvages et de les nettoyer avant que le coût ne devienne exorbitant.
Il faut noter que les différentes DG de la Commission européenne ont récemment pris conscience de la richesse du programme Copernicus et de son potentiel. Le Centre commun de recherche (CCR) a été chargé de coordonner les différents besoins des DG et de les accompagner dans la création de services à partir des données de Copernicus.
En quoi le programme Copernicus s'inscrit-il parfaitement dans les priorités de la présidence française du Conseil de l'UE ?
Tout d'abord, Copernicus est un programme qui s'inscrit dans l'objectif de science ouverte de la Commission européenne et de la France (avec le deuxième Plan national pour la science ouverte du MESR), car les données produites par les satellites Sentinels sont en libre accès. La mise en commun du savoir européen spatial au profit d'un système de données ouvertes répond également à la priorité Une Europe plus solidaire, portée de la présidence française.
Ensuite, Copernicus est le premier programme qui dote l'Europe d'une capacité autonome d'observation de la Terre et participe donc à la construction d'une Europe plus souveraine comme nous l'avons évoqué précédemment. Le prochain objectif prioritaire est de mesurer les émissions de CO2 anthropique, ce qui sera également une première à l'échelle mondiale.
Enfin, Copernicus est un outil au service de la relance économique verte et numérique puisque les données de Copernicus aideront les Européens à développer des services pour accélérer la transition écologique et numérique. Par exemple, les données des Sentinels (et d'autres programmes d'observations de la Terre) ont permis de créer le tableau de bord RACE (Rapid Action Coronavirus Earth Observation - l'observation de la Terre au service d'une action rapide contre le coronavirus) qui surveille des paramètres environnementaux clés, comme les changements de la qualité de l'air ou de l'eau ainsi que les activités économiques et humaines, notamment l'industrie, la navigation, la construction, le trafic et la productivité agricole. Ainsi, on a pu observer une forte baisse de la pollution de l'air suite aux différents confinements.