Publié le 29.08.2019

Université d'été de la C.P.U : discours de Frédérique Vidal

Frédérique Vidal s'est exprimée mercredi 28 août 2019 à l'occasion de l'université d'été de la C.P.U. 

Discours de Frédérique Vidal à l'université d'été de la CPU

SEUL LE PRONONCE FAIT FOI

Je suis très heureuse de vous retrouver aujourd'hui, après une pause estivale bien méritée et à l'aube d'une nouvelle année universitaire qui s'annonce aussi riche que la précédente. Nouveaux défis, nouveaux chantiers, nouveaux projets, quoi qu'elle nous réserve, nous pouvons envisager cette rentrée avec confiance, car il suffit de nous retourner sur le chemin déjà parcouru depuis deux ans pour mesurer ce que nous sommes capables d'accomplir, ensemble.


A bien des égards, nous rentrons dans une période charnière : l'heure est à la fois à récolter les premiers résultats des réformes que nous avons engagées, à les évaluer, à creuser des voies que nous avons déjà ouvertes, mais aussi à en défricher de nouvelles.


Vous l'aurez compris, le rythme des transformations de notre écosystème d'enseignement supérieur et de recherche ne va pas faiblir, et ce pour une bonne raison : il est au coeur de tous les défis que notre pays doit relever, de toutes les priorités que le Président de la République a fixées pour la nation.


[1 - L'internationalisation des universités françaises]


Comme il l'a rappelé ce weekend à l'occasion du G7 et hier lors de son discours d'ouverture de la conférence des ambassadeurs, le monde est à un moment de bascule, et la France, avec ses partenaires européens, doit lui insuffler sa vision, ses propositions, ses initiatives, pour qu'il réussisse sa transition vers un nouvel équilibre, entre les hommes et la planète, entre le Nord et le Sud, entre la compétition et la coopération, entre la liberté et la sécurité.


C'est un nouvel humanisme que nous entendons porter, héritier du cosmopolitisme culturel et scientifique fondateur de la Renaissance européenne, mais convaincu que le progrès ne doit jamais cesser de s'interroger, de se confronter à la diversité du monde et de se partager.


Cette ambition confère d'emblée une place essentielle aux universités.


D'une part, parce qu'elles attirent des quatre coins du globe des jeunes qui souhaitent y développer leur esprit critique, mais aussi parce qu'elles font rayonner cette conception française et européenne de la science, en partenariat étroit avec leurs homologues étrangers. J'ai d'ailleurs échangé ce matin avec des Ambassadeurs français venus de tous les continents et j'ai eu l'occasion de leur rappeler à quel point il était important que nous puissions chacun apprendre de l'autre, afin de pouvoir, ensemble, porter ces valeurs et promouvoir notre modèle, dans cette période d'incertitude géopolitique.


Je suis donc particulièrement heureuse de pouvoir échanger avec vous tous ce soir pour vous assurer de mon engagement absolu à vos côtés, afin que nous puissions faire de notre enseignement supérieur, de notre recherche et de notre innovation un atout majeur de la diplomatie d'influence. Je connais votre engagement en la matière, et je tiens à le saluer de nouveau.


Pour cela, il est évidemment essentiel de nous donner collectivement les moyens de développer une stratégie d'attractivité forte, qui nous permette de continuer à occuper une place centrale à l'échelle internationale. Là encore, nous n'ignorons rien des stratégies mises en place par des pays qui défendent un modèle culturel, une vision du monde, un équilibre de valeurs pour le moins différents des nôtres. Je crois que pour y répondre, il nous faut être en mouvement, regarder vers l'avant.


Or la France est aujourd'hui réputée tout autant pour sa culture et l'excellence de ses formations que pour sa complexité administrative, son accueil aléatoire et parfois minimaliste, qui peut laisser penser que les étudiants internationaux ne sont pas les bienvenus en France.


Et si nous tenons encore notre attractivité pour acquise parce que nous sommes très - trop - confiants dans nos atouts historiques. Les chiffres, eux montrent qu'en réalité nous sommes en perte de vitesse et qu'il est urgent de se remettre en question et d'inverser la tendance.


Grâce au plan « Bienvenue en France », cette image est déjà en train de changer. Je sais les réticences, je sais les doutes, je sais l'opposition même, qu'ont pu susciter et que suscitent encore parmi vous certains aspects de ce plan, et notamment la mise en place de frais d'inscription différenciés. C'est pour vous permettre de mettre progressivement en place ce système redistributif et de l'adapter à vos stratégies d'attractivité, avec tout ce qu'elles impliquent de partenariats privilégiés, que des exonérations sont possibles, et j'observe que vous vous êtes déjà approprié cette disposition.


Je sais aussi l'engagement, la créativité, l'audace avec lesquels vous vous êtes saisis des outils qui visent à améliorer concrètement les conditions d'accueil, que ce soit en vous portant candidats au label « Bienvenue en France » ou en répondant à l'appel à projet destiné à soutenir vos initiatives en faveur de l'accompagnement ou de l'intégration des étudiants internationaux.


Cette mobilisation, que le ministère a accompagnée avec une enveloppe de 10 millions d'euros, porte d'ores et déjà ses fruits.


Grâce à l'appel à projet que j'évoquais à l'instant et qui a permis de financer 150 initiatives partout sur le territoire, davantage de programmes de parrainage, de cours de FLE et d'enseignements en anglais seront proposés aux étudiants internationaux, et ce dès cette année.


Dans le même temps, renforcer notre attractivité implique collectivement que nous puissions simplifier les procédures, anticiper le calendrier, mieux coopérer avec les postes diplomatiques : tout cela, nous y travaillons, avec Jean-Yves Le Drian, et bien sûr avec vous.


Ces éléments sont les premiers jalons bien réels sur la voie d'un renforcement de l'attractivité de nos formations à l'international. Le chemin reste long à parcourir pour atteindre l'objectif fixé par le Premier ministre de 500 000 étudiants extra-communautaires à l'horizon 2027, mais je suis convaincue que nous y sommes engagés : si nous attendons les chiffres définitifs, après examen des demandes de visas, le bilan provisoire de la phase pré-consulaire de candidature et d'examen des dossiers par les établissements montre une hausse des candidats admis, près de 100 000 contre 97 000 l'an dernier (+ 2,4%).


D'autres étapes importantes ont été franchies cette année : je pense au succès de l'initiative des universités européennes et de l'appel lancé par la Commission, qui a suscité une forte mobilisation partout en Europe et a vu 16 établissements français impliqués dans les 17 premiers projets retenus. Je pense également au développement des écoles universitaires de recherche, nos graduate schools à la française, qui rendent plus lisible l'offre de Master dans les établissements et qui seront bientôt au nombre de 53 sur tout le territoire, puisque nous rendrons publics dès demain les 24 lauréats de la vague 2 de l'appel EUR. Cette dynamique se poursuivra dans le cadre de l'appel Grandes Universités de Recherche qui sera publié prochainement.


Mais l'internationalisation de nos établissements, c'est aussi leur projection, la vôtre, et je voudrais insister tout particulièrement sur ce point. Je sais bien que les universités n'ont pas attendu la stratégie Bienvenue en France pour s'ouvrir au monde : mais je suis convaincue que notre ambition, celle de doubler le nombre d'étudiants bénéficiant de l'offre française de formation implantée à l'étranger, peut venir conforter et amplifier les actions que vous menez déjà en la matière.


Dès cette année, 15 formations démarrent dans le campus franco-sénégalais dans lequel vous êtes nombreux à vous être investis, nous donnerons dans quelques semaines le coup d'envoi du Campus Franco Tunisien pour l'Afrique et la Méditerranée, et près d'une vingtaine d'accords universitaires ont été signés entre établissements français et marocains dans le cadre de notre dernier déplacement. Les financements, à hauteur de 20 millions d'euros, qu'apportera le Gouvernement à partir de 2020 ne pourront que donner une autre dimension à cette dynamique qui est d'abord et avant tout la vôtre. Soyez-en remerciés, et soyez toujours assurés que vous trouverez ce ministère à vos côtés pour porter ensemble à l'international le rayonnement de notre pays et la voix de la science, de la connaissance, de la recherche.


[2- LPPR]


Cette voix, elle est plus que jamais indispensable, dans le concert des nations comme chez nous.


Du réchauffement climatique à l'érosion de la biodiversité, de l'accroissement des inégalités aux crises migratoires, tout indique que notre monde doit se réinventer.


Mais ce n'est certainement pas à coup d'incantations, de pétitions de principe ou de remèdes miracles que nous y parviendrons, car aucun n'auront prise sur des défis en forme d'aporie : comment nourrir davantage de gens en prélevant moins de ressources ? Comment être davantage mobiles en consommant moins d'énergie ? Comment vivre plus longtemps en meilleure santé ?


Bien sûr, face à ces impasses de la pensée, on peut être tenté de baisser les bras, de se réfugier dans de vaines croyances ou de s'en remettre à des hommes providentiels habiles à faire miroiter des solutions de facilité qui nous dispensent de remettre en question nos habitudes et nos certitudes.


A rebours de tout fatalisme, de tout simplisme, de tout populisme, la recherche, par sa démarche critique et par les connaissances qu'elle produit, nous permet d'embrasser cette complexité pour regarder le monde en face, démêler ses interactions, et se frayer un chemin vers l'avenir.


En ce sens, investir dans la science, c'est recouvrer notre libre arbitre et notre puissance d'agir. C'est transformer des contraintes, des limites, imposées par la vulnérabilité de notre planète et l'épuisement de ses ressources, en opportunités d'inventer d'autres manières de produire des biens, de cultiver la terre, de se déplacer, de vivre-ensemble et d'être au monde. C'est aussi décider que l'avenir ne s'inventera pas sans nous et y ménager une place pour nos valeurs européennes, en développant l'innovation et en gardant la maîtrise de technologies clés susceptibles de servir des projets de sociétés et des visions de l'humanité très différents.


C'est cette confiance dans la recherche, dans ce qu'elle peut pour la prospérité de notre pays, pour son rayonnement, pour sa souveraineté, qui est au coeur du projet de loi de programmation pluriannuelle voulu par le Premier ministre. Comme je l'ai dit dès le lancement de ce grand chantier en mars dernier, cette loi appartient d'abord et avant tout à la communauté scientifique française : c'est son objet, sa chance d'obtenir les moyens, les stratégies, les dispositifs, qu'elle mérite. Faite pour elle, je voulais qu'elle puisse être faite par elle. C'est pourquoi je tiens à saluer tout particulièrement l'engagement de la communauté universitaire dans la préparation de ce texte décisif : en participant directement à l'un des 3 groupes de travail comme plusieurs d'entre vous l'ont fait, en contribuant à leurs réflexions ou en répondant à la vaste consultation menée sur internet, elle a déjà imprimé en partie sa marque sur cette loi.


Cependant, je souhaite que cette mobilisation monte encore davantage en puissance ; les groupes remettront leurs conclusions dans les semaines qui viennent et il s'ensuivra une intense période d'échanges et de concertation autour de leurs propositions. Il est essentiel que la communauté universitaire y prenne toute sa part : je pense qu'il est désormais clair aux yeux de tous que les universités sont des opérateurs de recherche à part entière et de premier plan, qu'elles sont le creuset de l'innovation et de l'entreprenariat, et il n'y a pas un seul membre de la communauté universitaire qui ne soit touché par les futures dispositions de cette loi ; qu'il s'agisse des modalités de financements des laboratoires et des projets, des évolutions en matière RH pour les enseignants-chercheurs, de l'équilibre entre leurs deux missions, de la reconnaissance de leur mobilité et de leur engagement au service de l'innovation ou de la culture scientifique, du rôle des personnels techniques et administratifs, de l'articulation des dispositifs de transfert et de valorisation au sein des sites, de la coordination des stratégies européennes, nationales et territoriales en matière de recherche et d'innovation, la loi qui se dessine contient en germe ce qui demain fera le quotidien de la communauté et le sens de son action. Je compte donc sur vous pour contribuer à la pleine appropriation de cette réflexion par l'ensemble de notre communauté : c'est - et je ne le redirai jamais assez - un objet qui se partage et qui n'aura d'impact sur notre pays que s'il reflète les attentes, les besoins, les ambitions, de ceux qui, chaque jour font, soutiennent et valorisent la recherche.


[3- Dialogue stratégique et de gestion]


Cette loi de programmation pluriannuelle de la recherche sera, vous le savez, mon grand chantier pour les mois qui viennent ; mais je souhaite aussi, à l'aube de la rentrée universitaire, évoquer avec vous un autre de nos grands chantiers d'actualité, et qui vous concerne tout particulièrement : celui du dialogue stratégique et de gestion que nous devons nourrir entre le ministère et chaque université.


Je le disais devant vous en mars dernier : je souhaite que nous franchissions ensemble une nouvelle marche dans l'autonomie des universités, et cette nouvelle marche implique nécessairement un repositionnement de nos échanges, de l'exercice de la « tutelle », car les universités sont arrivées à l'âge de leur majorité !


Je voudrais revenir un instant sur cette logique de « tutelle » qui a pu avoir cours. L'Etat a trop cédé, je le sais bien, à la tentation du micro-management, à la surenchère de circulaires destinées à régler votre fonctionnement dans les moindres détails, ce qui avait pour effet secondaire d'assécher toute initiative ou de les emprisonner dans un filet de normes et de réglementations. Ce n'est pas ma conception, car ce que je souhaite au contraire, c'est un Etat stratège, qui puisse accompagner et soutenir les établissements, dans le respect bien sûr des contraintes qui sont celles de l'action publique, à commencer par la contrainte budgétaire.


Accompagner et soutenir les établissements par le dialogue stratégique et de gestion, c'est remettre au coeur de nos échanges non pas les normes, la règle, les obligations, mais nos priorités - celles du ministère, et les vôtres.


Celles du ministère, vous les connaissez bien, et je tiens à vous remercier tout particulièrement de votre implication dans la mise en oeuvre de la loi orientation et réussite des étudiants : cette année, comme l'an passé, vous avez été à nos côtés pour développer l'offre de formation, répondre aux souhaits d'orientation de nos jeunes, et renforcer leur accompagnement. Là où le suivi et l'appui aux étudiants les plus fragiles avaient pu constituer le parent pauvre des politiques de formation du premier cycle, les parcours « oui-si » que vous avez conçus représentent une réussite dont nous pouvons collectivement nous féliciter, et là aussi, les premiers résultats sont au rendez-vous, puisque selon les premières évaluations de l'inspection générale, le taux de réussite des « oui-si » est significativement supérieur à celui des bacheliers technologiques et professionnels dont ils sont largement issus...


Mais je ne souhaite pas que nous nous arrêtions là : sur les nouveaux cursus en santé, la professionnalisation du premier cycle, le suivi et l'amplification des politiques de réussite étudiante, nous avons encore de nombreux chantiers à mener en commun, et vis-à-vis desquels je souhaite que nos échanges soient systématisés, nourris, étayés.


Mais avec les établissements autonomes que vous êtes, il faut aussi, et fort heureusement, parler de votre stratégie, de vos priorités, sur la base d'un constat partagé sur votre situation, y compris financière. A cet égard, l'expérimentation l'an passé du dialogue stratégique fut imparfaite, bien sûr, mais riche en enseignements sur le besoin que nous puissions appuyer vos projets, et c'est ainsi que je conçois le rôle du ministère.


Cette expérimentation, je souhaite donc désormais la généraliser, afin que le dialogue stratégique et de gestion concerne, en 2020, toutes les universités, ainsi que les écoles qui comptent plus de 2 500 étudiants.


Naturellement, un tel passage à l'échelle ne pourra s'entendre sans une part de déconcentration, à l'instar de la manière dont une partie des financements de la loi ORE ont été alloués ces deux dernières années. Un premier dialogue sera ainsi noué de manière déconcentrée. Et ce n'est pas seulement par pragmatisme. C'est d'abord et surtout car les rectorats connaissent votre stratégie, connaissent vos territoires, leurs atouts, leurs contraintes et savent parfaitement quelles sont les marges de manoeuvre et perspectives qui sont les vôtres.


Cet ancrage territorial, je souhaite aussi qu'il permette d'associer plus étroitement à notre dialogue les autres acteurs locaux et naturellement les collectivités territoriales, au premier rang desquelles les régions, qui contribuent bien souvent au financement de vos projets. Parler innovation, recherche, apprentissage, formation initiale et formation continue, parler de vos projets en somme, ne peut aujourd'hui se faire dans un tête-à-tête entre l'Etat, même territorial, et les établissements, mais doit mettre autour de la table ceux qui participent activement à cette politique.


Cela signifie-t-il que le Ministère ne jouera aucun rôle ? Evidemment pas. Non seulement il sera en appui des rectorats pour les aider à conduire ce nouvel exercice, mais ensuite et surtout, il rendra, bien entendu, les derniers arbitrages.


Je sais bien qu'en finir avec une allocation des moyens qui opère sans réellement tenir compte de la stratégie de chacun, si c'est un objectif auquel tous souscrivent, pose nécessairement des questions ; c'est la raison pour laquelle je souhaite que nous puissions en discuter dans les prochaines semaines avec la C.P.U..


En effet, comme sur la loi de programmation pluriannuelle pour la recherche, s'il est essentiel que l'Etat et les Universités entendent davantage leurs contraintes et leurs priorités respectives, nous ne devons jamais cesser de prêter l'oreille aux attentes formulées à notre égard : celles de nos étudiants, celles de nos concitoyens, pour lesquels la formation, la recherche, l'innovation sont des ouvertures sur l'avenir.


Les universités ont en la matière la première des responsabilités, car c'est là qu'aujourd'hui la société se crée un destin, mûrit ses espoirs, et met, littéralement, son avenir en culture ; c'est là que se forgent les compétences et que se révèlent les talents des nouvelles générations ; c'est là que se cultive le rêve humaniste et encyclopédiste européen ; c'est là que germent les connaissances et les innovations qui donneront au monde de demain sa forme et son sens.


C'est forte de ces convictions que je porte les chantiers que je souhaitais évoquer avec vous aujourd'hui. Je sais que ces mêmes convictions vous animent, donnent du sens à des fonctions parfois délicates, ardues, mais le plus souvent enthousiasmantes : j'espère pouvoir compter sur vous pour les porter à nos côtés.

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