Publié le 08.07.2025

Rencontre avec Amandine Delaunay, lauréate du prix du livre scientifique jeunesse - le Goût des sciences, 16e édition

Avec Cétacés, Amandine Delaunay nous invite à découvrir les grands mammifères marins, dans un ouvrage lui aussi grand format. L'autrice et dessinatrice partage avec générosité sa fascination pour les cétacés et le travail des scientifiques. Rencontre.

Vous avez été désignée lauréate par le jury.

Merci ! Vous avez filmé ?

Je suis Amandine Delaunay, je suis illustratrice et autrice d'albums jeunesse. Je fais aussi plein d'autres choses en dessin, mais ce que je préfère c'est vraiment dessiner pour les enfants ou les plus grands et travailler sur des albums documentaires et raconter les dernières choses que j'ai apprises et qui m'ont fascinée.

J'ai une passion pour les baleines qui est venue progressivement en étant illustratrice jeunesse. La baleine, comme le dit Michel Pastoureau, c’est une des rockstars du bestiaire de la jeunesse.

En étant illustratrice jeunesse, on m’a commandé des baleines. J'aime avoir un dessin très précis, très détaillé, donc je me documente toujours avant de faire un dessin. Je vais regarder des photographies, des vidéos, pour comprendre où vit un animal.

Une chose en entraînant une autre, je me suis dit qu’un jour dans ma vie j'aimerais voir des baleines.

En parallèle, mon éditrice m'a dit : « Ça te dirait de faire un livre sur les baleines et les dauphins ? » On a commencé à réfléchir au livre. Et je me suis dit bon, il faut y aller.

Tu fais des documentaires ou des choses depuis trop longtemps, en regardant Google Images... Il y avait un truc aussi de partir à l'aventure et je ne voulais pas partir au bout du monde, faire 12 heures d'avion pour payer un bateau et les voir 4 heures. Ça n'avait pas de sens.

J'ai réussi à trouver une association en Écosse qui s'appelle Hebridean Whale and Dolphin Trust qui s'occupe de la protection de la faune marine.

Je suis partie sur le Silurian qui est leur bateau de recherche. Là, j'ai appris à la jumelle, accrochée au mât, parce que ça bougeait, à surveiller, à apprendre, à voir les oiseaux.

Parce que les oiseaux marins se nourrissent souvent des mêmes poissons que les mammifères marins. Souvent certains oiseaux signalaient la présence des dauphins ou des phoques.

Ça m'a donné des indications très fortes pour le livre. J'étais en train de me dire : « Wow ! Le système digestif, le cœur, comment ça fonctionne ? »

Ce qui m'a fascinée en partant avec les scientifiques, c'était de me dire que c'était pas ça qui était le plus intéressant et qu'on connaissait le mieux. C'était la façon dont ils vivaient, dont on pouvait les observer.

Il y a toute une partie sur les nageoires et sur ce que c'est de voir un cétacé en mer.

J'essaye toujours de me mettre à la place du lecteur, de me demander ce qui va l'intéresser, parce que je suis obsédée par les baleines, mais ça c'est mon problème.

Et de me mettre au service de la cause, de tout le travail des scientifiques, qui est un travail de fourmi et que je trouve merveilleux.

Le travail de terrain, c'est un travail d'endurance. Ce n’est pas du tout spectaculaire, c'est vraiment collecter des données et revenir toujours au même endroit, refaire toujours la même chose pour comprendre comment les choses évoluent.

Je voulais aussi faire honneur aux gens qui ont consacré leur vie à ces métiers-là.

Le but de ce livre, c’est vulgariser, c'est donner envie, donner une petite marche qui permet d'accéder à l’étape d'après.

C'était vraiment l'objectif avec ce livre, et ce que j'essaye de faire dans mon travail.

Déjà, apprendre à dessiner une baleine correctement, parce qu'on pense que la baleine crache de l'eau. C'est normal. Moi aussi je pensais qu'elle crachait de l'eau.

Non, elle crache de l'air. On confond les fanons, les sillons...

Comprendre comment sont constitués ces animaux.

Et ensuite, ce que j'ai découvert à bord du bateau et que j'ai ensuite creusé et qui m'a passionnée, c'est la façon dont ils font société.

Les cétacés, ce sont des animaux sociaux comme les grands singes, comme les éléphants et comme les humains.

Ils ont des structures sociales passionnantes.

Chaque espèce a des façons de vivre ensemble différentes.

Mais au sein des espèces, chaque clan a sa culture.

Il y a une transmission des savoirs. C'est complètement dingue.

Et en même temps, on a le même problème que pour nous avec la réduction de la biodiversité, certaines cultures humaines sont menacées par la disparition des territoires et il en va de même pour certaines populations de cétacés.

Il y en a qui vont disparaître, il y a aussi des cultures de cétacés qui vont disparaître.

Ce sont des mondes merveilleux et on connaît mieux la surface de la Lune que le fond des mers.

Il y a tout à découvrir et ça, c'est merveilleux.

Ça donne de l'air.

Et me dire que moi, qui n'y connais rien, je peux aussi participer grâce à la science citoyenne et y contribuer.

Je trouve ça magnifique et ça donne beaucoup de sens.

Cétacés, Amandine Delaunay (La Martinière Jeunesse)

Amandine Delaunay est lauréate de la 16e édition du prix le Goût des sciences dans la catégorie du livre scientifique jeunesse pour son ouvrage Cétacés paru chez La Martinière Jeunesse.

A travers son travail d'illustration foisonnante et détaillée, Amandine Delaunay tend à rendre plus familiers les dauphins, baleines et cachalots que l'on croit connaître. Et pourtant, Cétacés révèle notre méconnaissance et notre confusion face à leurs dents, fanons, sillons, nageoires ou ailerons distinctifs... L'autrice passe également en revue leurs modes de vie afin de susciter l'émerveillement du (jeune) public.

Interview

Pourquoi avoir choisi le sujet des cétacés ? Comment avez-vous travaillé pour écrire et produire cet ouvrage ?

Amandine Delaunay : La passion pour les baleines vient de mon métier d'illustratrice jeunesse. La baleine fait partie des animaux les plus demandés (avec les loups, les ours, les chouettes, les dragons…). Comme mon dessin est assez réaliste, je me documente beaucoup avant de dessiner un animal. Comprendre comment il bouge, où il vit… Les photos de baleines sous souvent floues ou incomplètes, une chose en entraînant une autre, je me suis retrouvée à regarder des heures de reportages Youtube ou du National Geographic. J'ai été complètement absorbée, fascinée… et l'obsession s'est accrue au fil des commandes. Un jour mon éditrice, Garance Giraud, m'a proposé de travailler un documentaire complet sur les baleines et les dauphins, quelle joie ! On a imaginé un grand format, comme un album, avec de belles illustrations immersives et plein de mini dessins pour ponctuer le texte. J'ai développé une nouvelle technique à l'encre bleue, permettant de rendre la profondeur des fonds marins. Il fallait que les dessins soient à la fois précis scientifiquement, et qu'ils aient aussi une part de flou, de mystère… et de magie !
L'ouvrage Cétacés a été relu par Jean-Luc Jung (professeur au Muséum national d'Histoire naturelle et chef de la station marine de Dinard) et Thomas Barreau (chercheur au MNHN), qui ont patiemment corrigé mes textes et la forme de chaque nageoire. 
En janvier 2025, j'ai été invitée par Jean-Luc Jung pour retranscrire en texte et en image l'inauguration de la Korrigane, le nouveau bateau de recherche du MNHN avec sa marraine Isabelle Autissier. C'est à cette occasion que nous avons discuté d'un nouveau livre : un roman graphique autour des recherches menées sur la Korrigane à la station marine de Dinard, pour illustrer la richesse de la biodiversité locale et transmettre au grand public les avancées passionnantes de la recherche en ADN environnemental. À Dinard, les scientifiques sont capables de déterminer toutes les espèces présentes dans un milieu à partir de quelques litres d'eau de mer !

Crédits :
Amandine Delaunay, La Martinière Jeunesse

Cétacés

Où vous a menée l'écriture de cet ouvrage, Cétacés ?

A. D. : J'en avais assez de dessiner des animaux et des paysages depuis Google Images. Je voulais partir à l'aventure, voir des cétacés « en vrai », tout en respectant leur mode de vie et leur environnement. Je suis allée en Écosse, dans les îles Hébrides, pour faire de la science citoyenne : j'ai embarqué 10 jours à bord du Silurian, le bateau de recherche du Hebridean Whale & Dolphin Trust qui protège les baleines et les dauphins britanniques. À bord, avec d'autres bénévoles, j'ai participé au recensement des espèces d'oiseaux, de phoques et de cétacés. J'ai appris à scruter les vagues patiemment, reconnaître les ailerons, et identifier les comportements. Le soir, les scientifiques nous expliquaient comment les dauphins formaient des groupes soudés avec des liens complexes. Les informations collectées à bord (depuis plusieurs années par des dizaines de bénévoles) et analysées par les scientifiques ont servi à connaître la santé de la faune marine, comprendre les déplacements des cétacés pour adapter le trajet des bateaux bruyants (comme les ferrys) et créer des zones marines protégées là où les animaux en avaient le plus besoin.

Que souhaitez-vous partager à travers ce livre ?

 A. D. : Les cétacés sont des animaux méconnus et fascinants ! Peu de personnes savent esquisser correctement une baleine : on confond les fanons et les sillons, on croit qu'elle crache en fontaine et qu'elle respire de l'eau comme un poisson…
Ensuite, ce qui me tenait à cœur et que j'ai découvert au fil de mes recherches, ce sont les multiples façons qu'ont les cétacés de vivre ensemble. Ce sont des mammifères sociaux (comme les éléphants, les grands singes et les humains) qui ont besoin du groupe pour grandir, se nourrir, jouer, s'épanouir et élever les petits. Chez certains cétacés, on parle de culture. Chaque clan d'orque a ses techniques de chasse, son menu de prédilection, et ses moyens de communication (sauts, sons…). La culture n'est pas le propre de l'homme ! Cela peut aussi nous inspirer sur les multiples façons dont nous pourrions faire société. Chez les dauphins, il n'y a pas de chef : selon les situations, c'est le dauphin le plus expérimenté qui prend les décisions.

Le Goût des sciences

Le Goût des sciences est un prix littéraire qui récompense, depuis 2009, les meilleures publications de médiation scientifique. Il entend réaffirmer la place des sciences au cœur de la société en mettant en lumière le travail de recherche et en suscitant des vocations. Le Goût des sciences a pour ambition de rendre la science accessible au grand public en distinguant les travaux des chercheurs et des experts.

Cette année, pour sa 16e édition, le jury du Prix Le Goût des sciences a sélectionné 15 ouvrages dans la catégorie du prix du livre scientifique et 16 dans la catégorie jeunesse. Tous répondent à un objectif commun : rendre accessible les sciences en vulgarisant le savoir scientifique sans pour autant lui faire perdre de son exactitude autour de thèmes riches et variés.