Publié le 13.01.2022

Discours de Frédérique Vidal au Congrès du 50e anniversaire de France Universités

Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation a prononcé le jeudi 13 janvier un discours lors du Congrès du 50e anniversaire de France Universités.

Discours de Frédérique Vidal au Congrès du 50e anniversaire de France Universités
Crédits :
MESRI XR Picture

SEUL LE PRONONCÉ FAIT FOI

Je suis très heureuse d’être avec vous aujourd’hui pour ce congrès qui marque le temps fort des célébrations du cinquantenaire de la CPU et qui vient porter une nouvelle ambition à travers France Universités.

Alors que la situation sanitaire pèse fortement sur les rassemblements, je voudrais profiter de ce moment privilégié pour vous présenter à chacun, ainsi qu’à vos proches, tous mes vœux de santé, de bonheur et de succès.

Au-delà de ces attentions personnelles, le contexte commémoratif dans lequel nous nous trouvons invite également à souhaiter le meilleur à cette institution séculaire, protéiforme, qui est au cœur de nos engagements comme elle est au cœur de la vie de notre pays : je veux parler de l’Université.

C’est pour elle, pour son avenir, que nous sommes aujourd’hui réunis et que vous débattez depuis ce matin.

C’est pour elle, pour renforcer son rayonnement et sa place dans la société, que la CPU accompagne depuis 50 ans les grands mouvements de fonds qui façonnent le paysage de l’enseignement supérieur, qu’il s’agisse de la poussée démographique, de la marche vers l’autonomie, de la dynamique des regroupements ou du principe de différentiation.

C’est pour elle qu’ensemble, nous avons travaillé au cours des 5 dernières années sur des réformes nécessaires, c’est pour elle que nous nous sommes côte à côte battus, pour la faire davantage reconnaître et briller, au service de la jeunesse et de notre pays.

Rassurez-vous, je ne suis pas venue ici pour dresser devant vous le bilan exhaustif de mon action au cours de ce quinquennat. Si je suis là aujourd’hui, c’est pour rendre à ce bilan sa dimension collective. Car tout ce que j’ai fait au cours de ces 5 ans, je l’ai fait avec vous et pour vous, dans le dialogue et la concertation.

Si je suis là aujourd’hui, ce n’est pas pour parler chiffres, mesures et circulaires, c’est pour rendre à ce bilan sa dynamique et son sens. Car évidemment, rien n’est achevé. Tout est à poursuivre, tout est à parfaire.

Mais sur le chemin qui mène à une société pleinement éclairée et épanouie, je crois qu’ensemble, nous avons réussi à poser quelques jalons, quelques fondations, sur lesquelles bâtir et avancer.

Dans les choses que l’on a faites ensemble, il y a celles qui tranchent, qui rompent avec des pratiques délétères.  Le tirage au sort, le numerus clausus, le sous-investissement dans la recherche, font partie de ces pages que nous avons tournées au nom de l’égalité des chances, de la diversité ou de l’avenir. Avant 2017, les jeunes accédaient à l’enseignement supérieur au prix de l’autocensure, de l’arbitraire, et d’une procédure qui laissait des dizaines de milliers de candidats au bord de la route.

Aujourd’hui, les jeunes arrivent dans vos établissements au terme d’une orientation informée et choisie, et les quelques 200 lycéens qui restent sans solutions sont accompagnés jusqu’au bout par les CAES. Avant 2017, l’étudiant qui échouait à ses examens de PACES perdait son année. Aujourd’hui, les PASS et les LAS lui permettent de poursuivre sa formation dans la discipline de son choix, en conservant la possibilité de rejoindre plus tard la filière santé. Avant 2017, une équipe de recherche qui soumettait un projet à l’ANR avait 16 % de chance d’obtenir un financement. Aujourd’hui, ce taux est passé à 23 % et il atteindra les 30 % à l’horizon 2030.

Au titre de nos réalisations communes, il y a aussi ces objets qui n’existaient pas il y a 5 ans et qui aujourd’hui sont parfaitement intégrés dans le paysage : je pense à Parcoursup, largement plébiscité par les lycéens et leurs familles, ou encore aux 89 Campus Connectés qui ont mis l’enseignement supérieur à la portée des territoires ruraux et des villes moyennes.

Il y a aussi quelques premières dont nous pouvons être fiers. Ce quinquennat est celui qui aura fait reculer l’échec en licence, qui était LE fléau majeur de l’enseignement supérieur français : + 4 points de plus de réussite en licence à la session 2020 par rapport à la session 2018, + 10 points de passage entre la L1 et la L2, c’était du jamais vu depuis 20 ans ! Ce quinquennat est aussi celui qui aura permis aux établissements français avec l’appui des organismes de recherche de conquérir enfin la visibilité qu’ils méritent à l’international : 5 universités françaises dans le top 100 du classement de Shanghai, 83 établissements récompensés dans le classement thématique dont 40 dans le top 100. La France est la première puissance universitaire en Europe et la 3e au monde voilà un palmarès que d’aucuns n’espéraient plus dans ce classement si emblématique malgré ses limites.

Mais tout cela ne constitue en vérité que la partie émergée de l’iceberg. Au-delà des ruptures, au-delà des innovations, au-delà des résultats tangibles et concrets, il y a aussi tout ce qu’on ne voit pas encore, tout ce qui est en germe et qui sortira de terre dans 5, 10, 20 ans.

Je pense plus particulièrement à trois grands mouvements que nous avons conduits ensemble et qui sont porteurs de profondes transformations pour le futur.

  •    Le premier, c’est la démocratisation exigeante de l’enseignement supérieur que nous avons impulsée à travers la loi ORE, le plan Étudiant et la mission sur la diversité dans l’enseignement supérieur. Elle est mue par la conviction que l’ouverture des universités et des grandes écoles doit aller de pair avec un véritable accompagnement vers la réussite. Un accompagnement qui ne s’arrête pas au « oui » sur Parcoursup ou à la délivrance de la carte d’étudiant, mais qui se déroule dans un continuum, de l’explicitation des attendus jusqu’à l’insertion professionnelle. Un accompagnement qui n’envisage pas la réussite par le petit bout de la lorgnette, mais comme une alchimie globale, dans laquelle interviennent la santé, le logement, la restauration, le sport, la culture.

Ce combat pour la réussite, nous l’avons mené au nom de l’étudiant, comme bien d’autres avant nous, mais aussi avec lui, et cela je crois, change tout. Chères étudiantes, chers étudiants, la création des « oui si » et des parcours personnalisés, le plan sur « l’Esprit d’entreprendre », la CVEC, procèdent d’une même volonté : vous donner le choix, vous laisser l’initiative, libérer votre créativité. Vous permettre en somme de « sortir du port et attraper les alizées par les voiles », pour le dire avec les mots de Mark Twain. Car je crois qu’une société se sclérose lorsqu’elle méconnaît l’énergie de la jeunesse, je crois qu’un pays régresse lorsqu’il considère ses étudiants comme de grands enfants, de grands élèves, plutôt que comme des adultes en demande d’autonomie et des citoyens en quête de sens. Il nous reste encore beaucoup à faire pour vous donner tous les moyens de votre émancipation, pour valoriser vos engagements et vos idées, dans les campus et les cursus. Mais je sais qu’ensemble, nous avons ouvert la route et largué quelques amarres.

  • Le deuxième grand mouvement auquel nous avons œuvré, c’est le retour de la science au cœur de la société. Notre génération n’est pas celle qui recueillera les fruits de la LPR. Les vocations que le plan pour le doctorat va susciter, les recrutements que les CPJ vont permettre, les compétences que les CDI de mission scientifique vont maintenir dans les labos, les travaux scientifiques que l’ANR va financer et les innovations que permettra le PIA, nul peut préjuger aujourd’hui de leur postérité. En revanche, ce dont je suis absolument convaincue, c’est que le pari que cette programmation transversale porte en faveur du collectif, par-delà les vieux clivages entre financement sur projet et financement compétitif, entre SHS et sciences exactes, entre recherche et innovation, entre recherche et médiation, est notre seule chance d’être au rendez-vous des défis du siècle, qu’ils soient technologiques, sociétaux ou démocratiques. Parce qu’il exigera toujours plus de connaissances, d’innovations et d’esprit critique, le monde de demain aura besoin de philosophes et de physiciens, de chercheurs inspirés et d’habiles techniciens, de théoriciens géniaux et d’entrepreneurs passionnés, d’enseignants engagés et de médiateurs inventifs. Il faut engager toute la science pour faire un monde durable, sûr et solidaire, et cette mobilisation générale, c’est la LPR qui la sonne.
  • Enfin, le troisième mouvement que nous avons approfondi, c’est l’autonomie des universités.  Former les nouvelles générations, alimenter la société en compétences, susciter des idées et des solutions, instiller une culture du débat dans la cité, incarner la citoyenneté européenne : l’université se définit aujourd’hui plus que jamais comme une « alma mater », pour les territoires comme pour l’Europe, comme nous allons le démontrer au cours de la Présidence française du Conseil de l’Union européenne. Ces responsabilités sont immenses. Je les mesure d’autant mieux que j’ai eu moi-même à les endosser, et si le choix du Président de la République de nommer à la tête de ce beau ministère une présidente d’université aura eu une vertu, c’est celle-ci : jamais un ministre n’aura donné autant de moyens aux universités pour assumer leurs missions, affirmer leur signature et développer leurs atouts, loin des schémas préétablis et des définitions étroites de « l’excellence ». Ordonnance sur les regroupements, CPJ, recrutements hors CNU, dialogue stratégique et de gestion, dévolution immobilière : je vous laisse une boîte à outils pleine, et il n’appartient qu’à vous de vous en saisir pour valoriser votre patrimoine, prendre en main vos ressources humaines, réinventer votre politique de site, au profit de vos projets, en cohérence avec vos territoires, et dans le respect des priorités de l’État.

Ce que disent ces 3 mouvements, c’est que réformer l’ESRI, c’est toujours œuvrer pour l’avenir. C’est accepter que ceux qui sèment ne sont pas ceux qui récolteront. Cette inscription dans le temps long rend parfois nos enjeux moins accessibles aux citoyens et aux décideurs que d’autres, aux effets plus immédiats. C’est pourquoi ces 5 ans ont aussi été consacrés à un travail de conviction sur le terrain.

C’est ainsi que j’ai pu défendre 5 budgets à la hausse dans le cadre du PLF, j’ai porté trois grandes lois devant le Parlement, je me suis déplacée 512 fois dans les territoires, pour échanger avec les élus et les acteurs de l’ESRI, pour vous apporter mon soutien et mon écoute, parce que j’ai chevillés au corps l’amour de la science, un respect immense pour l’université française, et une confiance inébranlable dans la jeunesse étudiante. Je ne saurais dire si c’est suffisant. Tout ce que je sais, c’est qu’en rencontrant votre propre énergie, votre propre audace, votre propre engagement, ces convictions ont abouti à des avancées concrètes et à de belles promesses pour demain.

Cette force du collectif a aussi été notre meilleur atout face à la crise sanitaire.  La pandémie a mis notre communauté à rude épreuve et notre système sous tension. J’ai pleinement conscience que ces deux années ont été ponctuées pour chacun d’entre vous de journées sans fin et de nuits sans sommeil, d’adaptations constantes, de casse-tête logistiques, de réunions improvisées à des heures indues, et pour les plus jeunes, de précarité et de solitude. J’ai pleinement conscience que certains d’entre vous n’ont finalement connu que cela depuis qu’ils ont été élus président, recteur ou représentant syndical. Chaque vague épidémique a amené son lot de défis et de complexités, et je sais combien, en ce moment-même, l’organisation des examens en présentiel dans un contexte d’extrême tension sanitaire vous mobilise.

Bien des fois, nous avons frôlé le sentiment d’impuissance. Et pourtant. Il faut mesurer le chemin parcouru. Le 16 mars 2020 l’ensemble des établissements d’enseignement supérieur fermait ses portes au public et ça a été, pour nous tous, un choc. Aujourd’hui, à l’heure d’Omicron et de la 5ème vague, ils restent ouverts et plus personne ne songe à revenir en arrière.

Cette sanctuarisation de l’Université, nous l’avons obtenue de haute lutte, au nom de la jeunesse et de l’avenir, en démontant les idées reçues qui faisaient des étudiants des irresponsables et des établissements des usines à clusters. C’est une vraie victoire collective et c’est une victoire de la responsabilité.

Entre ces deux moments, la communauté universitaire n’a rien cédé de ses engagements, les enseignements ont été assurés, les diplômes ont été délivrés et un accompagnement inédit s’est développé en réponse aux difficultés matérielles et psychologiques des jeunes.  Le bien-être étudiant, que j’avais remis au cœur des politiques publiques d’enseignement supérieur en affiliant les étudiants au régime général et en créant la CVEC dès 2018, est enfin rentré dans le champ des préoccupations de l’ensemble de la Nation. Là encore, on a pu me reprocher mon manque de présence médiatique sur le sujet. Cette discrétion a pu être interprétée parfois comme de l’indifférence. C’était évidemment tout le contraire. Loin de l’indifférence que certains ont voulu me prêter, j’ai choisi d’exprimer mon empathie en actes, dans la création du ticket U à un euro, dans la mise en place du dispositif d’accompagnement psychologique, dans la hausse du budget des aides d’urgence, dans le premier plan national de lutte contre les violences sexistes et sexuelles.

Je sais ce que le succès de ces mesures vous doit. Je sais ce que la continuité pédagogique et l’accompagnement social, médical et psychologique des étudiants vous doivent. Je sais ce que la résilience globale du système d’enseignement supérieur français vous doit, et si je suis là aujourd’hui, c’est aussi, tout simplement pour vous dire merci.

Merci aux présidentes et présidents d’universités, à leurs services, à leurs équipes administratives et pédagogiques, pour toutes les initiatives innovantes qui ont éclos durant cette crise. Il y a eu tant de belles choses que je ne saurais toutes les citer. Anniversaire de la CPU oblige, permettez-moi, chers Manuel, Virginie et Guillaume, de prendre vos universités en exemple. Car les ressources mises à disposition des enseignants de l’Université de Bretagne Sud pour les aider à prendre le virage du numérique, la plateforme de pratiques sportives à distance proposée par l’Université de Reims Champagne-Ardenne, le dispositif de prévention « Confin’Happy » développé par l’Espace santé étudiants de l’Université de Bordeaux, sont emblématiques de l’engagement remarquable de la communauté de présidents et des directeurs que vous représentez.

Merci aux enseignants et aux enseignants chercheurs, aux chercheurs ainsi qu’à l’ensemble des personnels administratifs pour leur dévouement, pour toutes ces heures passées à adapter leurs cours, reprendre les plannings ou à répondre aux mails de leurs étudiants. Merci à chacun pour votre capacité à s’adapter. Merci aux laboratoires pour leur créativité et leur engagement pour lutter contre la pandémie.

Merci à vous, associations étudiantes, pour l’immense solidarité et le formidable esprit d’entreprendre que vous avez investis dans les permanences téléphoniques, les épiceries solidaires, ou encore les animations culturelles.

Merci aux agents du ministère, dans l’administration centrale mais aussi aux recteurs et aux DRARI pour vos talents de chef d’orchestre dont vous avez usé sans limites pour assurer l’indispensable coordination des actions nationales et locales.

Merci aux directeurs et personnels du CNOUS et des CROUS pour l’incroyable énergie consacrée à la mise en œuvre des mesures du Gouvernement, pour tous ces dossiers de demandes d’aides traités dans les délais les plus contraints, pour cette logistique herculéenne des repas à 1 euro.

Merci aux parlementaires, pour leur investissement sur les questions étudiantes et plus largement sur tous les sujets du MESRI au cours du quinquennat. Grâce à votre soutien, nous avons pu porter des textes - la loi ORE, la Loi de bioéthique, la LPR – respectueux des engagements du Président de la République, soucieux des communautés et à la hauteur des attentes de nos concitoyens à l’égard de l’ESRI.

Merci aux élus locaux pour tout le soutien apporté sous forme de financements, de matériel, de simplification administrative et pour la grande qualité de dialogue, avec le Ministère et sur le terrain.

Tout ceci traduit l’engagement du Président de la République, Emmanuel Macron et d’un gouvernement pour la jeunesse, la science et son engagement pour l’égalité des chances.

Pardon pour cette liste à la Prévert, mais ces remerciements sont pour moi aussi indispensables que ce que chacun d’entre vous apporte quotidiennement à nos missions. Je crois profondément que le plaisir et la fierté de travailler dans un établissement d’enseignement supérieur et de recherche doit redevenir la norme. Ma visite aux État-Unis m’a convaincue d’une chose : nous n’avons rien à envier à nos amis américains, ni leur excellence scientifique, ni leur innovation pédagogique, ni leur accompagnement à l’entrepreneuriat. Nous savons faire tout cela, et parfois même mieux qu’eux. En revanche, ce qu’ils ont à profusion et qui nous fait parfois défaut, c’est l’enthousiasme de dire et la fierté de faire.

L’enthousiasme, ça ne se décrète pas, ça ne se légifère pas, ça ne se réforme pas. En revanche, c’est un sentiment qui peut se communiquer et se partager.

C’est donc sur ce mot, que Louis Pasteur considérait comme le plus beau de notre langue, que je voudrais terminer cette intervention. Cessons de nous diminuer, de nous diviser. Ne cédons pas à la morosité et au déclinisme. Oui nous sommes des gens de raison, mais remettons de la fougue, de l’émerveillement, de la curiosité dans nos engagements et faisons de ces émotions des facteurs de cohésion. Nous sommes – vous êtes – capables de grandes choses, vous l’avez montré au cours des 5 dernières années.

Elles nous attendent.

Soyons une fois encore au rendez-vous.

Je vous remercie.